Les rapports d'enquêtes sur les violences à l'égard des femmes marocaines se succèdent d'année en année et se ressemblent tous. Les chiffres sont vertigineux. Mais le même constat: la violence à l'égard des femmes persiste. Les différentes études menées par les associations de protection des droits des femmes peinent à éradiquer ce phénomène de société qui gangrène. Les efforts de la société civile à l'égard des femmes semblent ne pas franchir l'étape ultime: sortir de l'ornière et dire adieu aux violences contre les femmes. Un énième rapport sur ce fléau de société a encore été présenté vendredi dernier à Casablanca par l'Observatoire marocain des violences faites aux femmes «Oyoune Nissaiya» dans le cadre de la campagne internationale de lutte contre les violences à l'égard des femmes organisée du 25 novembre au 10 décembre. Et sans surprise, en l'absence de politiques claires pour mettre fin à ce fléau social, le rapport révèle des chiffres alarmants. Le «petit exercice» consistant à chiffrer le nombre d'études réalisées par des associations, observatoires et ONG sur les violences à l'égard des femmes au Maroc pourrait bien se révéler être plutôt un travail gigantesque. En l'absence de prise en compte des recommandations de ces études, de la non abrogation des textes de lois défavorables aux femmes, c'est sans surprise que l'on apprend à chaque présentation d'étude sur le sujet une montée drastique du nombre de violences contre les femmes marocaines. Le rapport annuel présenté pour la 9e année consécutive vendredi dernier par l'Observatoire marocain des violences faites aux femmes ne sort pas de ce schéma. L'on apprend en substance qu'en 2016, ce sont 4603 femmes qui ont décidé de briser le silence en se rendant dans des centres d'écoute qui ont enregistré 14724 cas de violences vécues par ces femmes, avec une prépondérance de violences psychologiques de l'ordre de plus de 40%. A noter au passage que le projet de loi 13-103 relatif aux violences à l'égard des femmes ne prend pas en considération les violences psychologiques, fait remarquer l'Observatoire. Dans le registre des types de violences, les violences physiques trônent en deuxième position, avec une prévalence de 34,21%. Le rapport révèle que 6 femmes sur les 4603 concernées par l'étude ont perdu la vie à cause de ces violences et une s'est suicidée. Celles qui ont pu échapper à la mort ne sont malheureusement pas suivies psychologiquement dans les hôpitaux publics, à l'exception des cas jugés comme étant graves, souligne l'Observatoire. Le rapport annuel présenté en coopération avec l'Association marocaine pour les droits des femmes (AMDF) met aussi au grand jour les violences économiques exercées sur les femmes, sachant que sur les 4600 femmes interrogées dans le cadre de l'étude, plus de 60% sont au chômage. En effet, ces violences économiques atteignent 11% et se manifestent par la privation des pensions (35,10%), l'expulsion du domicile (277 femmes). L'observatoire pointe aussi du doigt les violences juridiques, soit 1419 cas (pertes de garde d'enfants, privation de pensions, partage inégalitaire des biens dans les cas de divorce...). Sur le registre des violences sexuelles, 622 femmes en ont été victimes : entre obligation de pratiques sexuelles non désirées et sans consentement, viol conjugal, harcèlement sexuel...A savoir que les projets de lois actuels relatifs aux femmes sous-estiment ces violences, explique le rapport. Dans ce sens d'ailleurs, le viol conjugal ne serait pas puni par la loi. Par ailleurs, le rapport met le doigt sur les effets de ces violences sur la santé psychologique des femmes. 970 femmes ressentent quotidiennement de l'humiliation, 917 vivent avec une peur atroce, 845 ont perdu la joie de vivre, 817 sont insomniaques, 464 sont dépressives et 25 pensent au suicide. Sans oublier que ces violences ont des conséquences sur le rendement de 33,22% des femmes. Si les femmes sont les principales cibles de ces violences, les enfants en sont les victimes collatérales. 1171 enfants manifestent des effets de ces violences sur leur santé psychique et physique, sans oublier les conséquences économiques et sociales de ces violences. 569 souffrent de rupture familiale, 86 de déperdition scolaire, 85 sont privés de filiation paternelle et plusieurs développent des comportements agressifs, la toxicomanie. Il apparait au regard de ces chiffres que seules les études et enquêtes de la société civile ne pourront pas éradiquer le phénomène de violence à l'égard des femmes au Maroc. En l'absence d'une volonté politique pour mener une vraie réforme législative et institutionnelle basée sur l'interdiction et le bannissement de la discrimination, la criminalisation de la violence, l'éradication de l'impunité des auteurs de violences et une prise de conscience sociale, la lutte contre la violence à l'égard des femmes marocaines ne restera qu'un vœu pieux.