Robert Zoellick a lancé un pavé dans la mare en annonçant, il y a quelques jours, son intention de quitter la présidence de la Banque Mondiale. Immédiatement, la quête d'un nouveau président a commencé. Cette quête était d'autant plus attendue que la gouvernance de l'ordre global a connu quelques changements depuis l'éclatement de la grande crise globale à l'automne 2008. En effet, cette crise a été à l'origine de l'ouverture de cette gouvernance au groupe des pays émergents et les sommets du G20 sont devenus rapidement le lieu de coordination globale des politiques économiques. L'ordre hérité de la seconde guerre mondiale et dominé par les grandes puissances économiques traditionnelles a survécu comme avaient survécu les différentes tentatives de sa réforme après la crise du début des années 1970 avec notamment l'avènement du G8. La grande crise financière de 2008 a montré que les grands problèmes globaux exigent de nouvelles réponses et surtout un nouveau cadre multilatéral capable de saisir l'ampleur de ces défis. C'est dans ce contexte que le G 20 est devenu le nouveau cadre de gestion de l'ordre global et de coordination des politiques économiques. Cette instance a permis une réponse coordonnée à la crise globale particulièrement lors de ses deux premiers sommets. Le Sommet de novembre 2008 en pleine débâcle financière a permis de rassurer les marchés et d'apporter un soutien sans précédent aux grandes banques internationales et dont la faillite aurait pu jeter l'économie mondiale dans le précipice. La réunion de Londres au printemps 2009 a permis de coordonner les efforts afin d'assurer une relance concertée au niveau global afin d'empêcher la transformation de la récession en une grande déflation. Le sommet du G20 à Londres s'est particulièrement intéressé aux grandes institutions multilatérales comme le FMI, la Banque mondiale et les banques régionales de développement. Les pays du G20 les ont dotés d'importantes ressources afin de favoriser la relance globale et surtout d'aider les efforts des pays pour mettre en place des politiques de relance anticycliques. Mais, ces réunions ont surtout fourni l'occasion pour aborder la gouvernance des grandes institutions multilatérales pour assurer une plus grande présence des pays émergents et particulièrement des BRICS. Une autre question a été abordée et qui concerne les nominations à la tête de ces institutions et le principe du professionnalisme et de la compétence ont été retenus pour désigner les responsables de ces institutions. Ces nouveaux principes remettent en cause une règle non écrite et héritée des accords de Bretton Woods et qui stipule qu'un américain préside la Banque mondiale et qu'un européen veille aux destinées du FMI. Depuis, une série de réformes ont été mise en place dans les grandes institutions internationales et particulièrement au FMI et à la Banque mondiale et qui ont favorisé une présence plus forte des pays émergents dans la gouvernance et dans le processus de prise de décision au sein de ses institutions. Reste la question de la nomination des dirigeants de ces institutions où les évolutions sont plus difficiles. Le départ précipité de Dominique Strauss-Khan du fonds a été l'occasion pour mettre en place ses nouveaux principes et d'ouvrir encore plus ces institutions aux pays émergents. Or, la nomination de Mme Christine Lagarde a montré que cette règle héritée des accords de Bretton Woods a la peau dure et que le temps n'était pas encore venu pour voir un non européen et encore moins un ressortissant d'un pays en développement à la tête du FMI. Plusieurs arguments ont été évoqués par les pays développés pour justifier ce choix et le plus entendu était que la gravité de la crise des dettes souveraines nécessitait la nomination d'un européen fin connaisseur des arcanes de la politique européenne à la tête du fonds. Cet argument a été rejeté par nombre d'experts qui estimaient qu'au contraire la nomination d'un non européen à la tête du FMI était un gage de neutralité dans ce contexte de crise. On connaît la suite ! Mme Lagarde a été nommé à la tête du FMI et l'arrivée d'un non européen à la tête de cette institution attendra. Le départ de Robert Zoellick de la présidence de la Banque mondiale offre une nouvelle opportunité pour rompre la règle héritée de 1944 et qui accorda la présidence de cette institution à un américain. Cette opportunité est d'autant plus importante que nous avons deux candidats de haut niveau. D'abord, l'Afrique s'est alignée derrière la candidature de Mme Ngozi Okonjo-Iweala, la brillante ministre des Finances du Nigéria. « Ngozi », comme elle est appelée familièrement, jouit d'une grande réputation internationale et connaît bien le milieu des institutions multilatérales pour avoir assumé d'importantes responsabilités au sein de la Banque mondiale. Par ailleurs, on note la présence d'un autre candidat de taille en la personne de José Antonio Ocampo, ancien ministre des finances de Colombie et qui a assumé durant de longues années les plus hautes responsabilités dans le système des Nations Unies en passant de la fameuse CEPAL au poste de responsable des questions économiques dans la direction onusienne au moment de la crise de 2008. Par ailleurs, l'administration américaine a proposé une candidature plutôt surprenante pour une institution financière multilatérale. En effet, le candidat américain, Mr. Jim Yong Kim qui préside aujourd'hui l'Université de Dortmouth, est un médecin d'une grande réputation internationale et il est connu pour son combat contre le VIH Sida notamment au sein de l'organisation mondiale de la santé. Certes, si la compétence et le grand professionnalisme de Mr. Kim sont reconnus dans le domaine de la santé, certains observateurs n'hésitent pas à poser des questions quant aux priorités futures de la Banque mondiale sous sa présidence. Les observateurs se font peu d'illusions sur la fin de la règle non écrite héritée des accords de Bretton Woods pour la désignation des Présidents des grandes institutions internationales. Une survivance qui n'explique pas seulement par la volonté des grandes puissances traditionnelles de maintenir leur pouvoir mais aussi par l'incapacité des émergents de s'entendre sur des candidatures communes. Une situation qui laisse l'agenda de réformes de la gouvernance globale encore ouvert !