22H45 sur la place Moulay El Hassan, connue communément sous le nom "Place Pietrie", une dizaine de personnes attendent devant une scène. Une demi-heure plus tard, ils sont plus d'une centaine. Mais pour qui font-ils la queue en ce premier jour de l'été qui s'annonce paradoxalement plein de fraicheur? Cette attente ne sera pas peine perdue. L'orchestre philarmonique du Maroc (OPM) va donner d'un instant à l'autre un concert en célébration de la journée de la Musique, fêtée tous les 21 juin à travers le monde. Devant une place pleine à craquer, tous les gradins sont occupés, de nombreuses personnes debout ou d'autres assises sur de jolis tapis, une pléiade de musiciens s'installe sur scène pour jouer sous la baguette du chef d'orchestre Benoît Girault. Baguette au ciel pointée sur les musiciens et pieds sur terre, c'est ainsi que Girault se présente au public qui l'attendait impatiemment pour vivre ce moment intense. Mémorable fut ce début du concert. Plusieurs personnes qui étaient déjà bien installées, se sont retrouvées debout pour saluer l'hymne national que l'OPM a interprété d'entrée de jeu pour ensevelir l'auditoire sous un déluge de décibels. Inoubliable fut aussi chacune des interprétations de Beethoven (1-er mouvement de la symphonie n° 5), Leroy Anderson (Bell of the Ball, The Syncopated Clock, Governor Bradford) March), Strauss (Polka), Bis Strauss (Marche de Radetzky), Bizet (L'Arlésienne : Farandole, Carmen : les Toréadors-Aragonaise-chanson du Toréador-La Garde Montante-Danse Bohême), Rossini (ouverture du Barbier de Séville), Chostakovitch (Valse/ Extraite de la "suite de jazz"), Dvorak (final de la symphonie "Du Nouveau Monde"). Les rugissements des cuivres et le torrentiel crescendo final étaient tellement puissant qu'ils auraient fait craindre un séisme. L'appel de la prière (al-adhân) a ensuite calmé les esprits. Le chef d'orchestre avec ses musiciens s'arrêtent, un geste que les spectateurs ont apprécié et applaudit. Ces quelques souvenirs de "jeu de tubes classiques" auraient tôt de cataloguer Girault de bulldozer orchestral. Tout de même, il ne faut pas aller vite en besogne, derrière ce caractère de feu se cache pourtant un romantique qui confesse son amour de mélodies qui vont droit au cŒur, notamment lorsque l'OPM interprète un morceau très apprécié par le public "Ya Bent Bladi" du grand maître de la musique andalouse Abdessadek Chaqara. Le chef d'orchestre d'un physique robuste laissait exprimer déambulations et déhanchements que la gestuelle de mains prolongeait. Se tournant ensuite vers le public qui l'a énormément ovationné, son visage n'était plus fermé mais ensoleillé. Une lune presque pleine éclairait la scène ! Dans un élan aussi lumineux que superbement travaillé, les musiciens dirigés d'une main de fer par Girault, n'hésitent pas à exalter cette continuité émotionnelle que les spectateurs ont vécue tout le long du concert à travers la conciliation entre la liberté, la rigueur, la puissance et la nuance, le halo poétique et la concision: que d'exigences apparemment contradictoires ! Il faut dire, quoique tous ses paramètres, "l'objectif demeure, dans tous les tubes classiques interprétés en cette journée de la fête de la musique, de faire plaisir au public", comme a tenu à le dire en marge du concert le chef d'orchestre Girault. La qualité se révèle tout à fait stupéfiante dès la 1-ère Œuvre interprétée Leroy Anderson (Bett of the Ball). Sur le plateau, les autres morceaux qui se sont succédé, cherchaient à leur tour à percer le secret du génie de Strauss, Bizet, Rossini ChostakovitchŒetc. L'énergie de l'orchestre et la puissance du jeu des cuivres et percussions "électrifiaient" de bout en bout la scène, l'interprétation de la chanson patriotique "Al Massira khadra" y étant pour beaucoup. Le public ne pouvait espérer meilleure célébration de la fête de la musique par une émotion sincère, un naturel et une chaleur dont il avait immanquablement besoin en fin d'une soirée qui s'était rafraîchie.(MAP).