L'aspirine à faible dose pourrait réduire du quart le nombre de cas de cancer du côlon et du tiers celui des décès. Mais les effets secondaires, notamment hémorragiques et gastriques, doivent limiter l'utilisation de cet anticoagulant aux seules personnes à haut risque, selon une étude américaine publiée vendredi dans le journal "The Lancet". On savait depuis les résultats d'études précédentes qu'une dose quotidienne d'au moins 500 milligrammes d'aspirine avait un effet préventif sur le cancer du côlon, mais les effets secondaires observés avec une dose aussi importante l'emportaient sur les bénéfices. Des spécialistes déclarent maintenant qu'une faible dose, l'équivalent d'une "dose nourrisson" (75mg) ou adulte normale (300mg) semble également être efficace. Des chercheurs européens ont passé au crible 20 ans de résultats de quatre études portant sur plus de 14.000 personnes, initialement réalisées pour mesurer l'impact de l'aspirine sur le risque d'accident vasculaire cérébral. Selon leur analyse, les personnes ayant pris quotidiennement une dose d'aspirine pour nourrisson ou pour adulte pendant six ans ont réduit leur risque de développer un cancer du côlon de 24% et celui d'en mourir de 35% par rapport à celles qui ont reçu un placebo ou n'ont rien pris du tout. Il semble qu'une dose pour nourrisson suffise à atteindre ce résultat or, prise longtemps à forte dose, l'aspirine peut irriter l'estomac, l'intestin grêle et le côlon, entraînant lésions et hémorragies. L'action préventive d'une petite dose suggère que l'aspirine pourrait venir enrichir l'arsenal de prévention du cancer. Il faut cependant consulter un médecin avant d'en prendre quotidiennement. Les chercheurs estime que le médicament pourrait être bénéfique pour certaines personnes. "Quiconque présentant un quelconque facteur de risque, notamment des antécédents familiaux de cancer du côlon ou un polype antérieur, devrait vraiment prendre de l'aspirine", a déclaré Peter Rothwell, professeur à l'Université d'Oxford et co-auteur de l'étude. Les études présentées dans le "Lancet" ont été réalisées avant l'utilisation à grande échelle des tests de dépistage tels que la coloscopie ou la sigmoïdoscopie, qui diminuent les risques de mourir d'un cancer du côlon de 40 à 70%. Mais pour Peter Rothwell, l'aspirine peut encore améliorer les choses, le médicament semblant stopper les cancers de la partie supérieure de l'intestin, une région généralement mal dépistée par les examens. Les quatre études, réalisées en Grande-Bretagne et en Suède, ont suivi les patients pendant presque 20 ans, en vérifiant lesquels ont eu un cancer sur les registres médicaux et les certificats de décès. Sur les 8.282 personnes qui prenaient une faible dose d'aspirine, 119 (1,44%) sont mortes d'un cancer colorectal. Parmi les 5.751 personnes qui prenaient un placebo ou rien, 121 (2,10%) sont mortes de la maladie. Les scientifiques pensent que l'aspirine agit en stoppant la production d'une enzyme en rapport avec quelques cancers, notamment du sein, de l'estomac, de l'oesophage et du côlon. Mais certains spécialistes mettent en garde la population. "Ce n'est pas pour tout le monde", a déclaré le Dr Robert Benamouzig de l'hôpital Avicenne à Bobigny, en France, co-auteur d'un commentaire publié dans le "Lancet". Il a expliqué qu'il conseillerait à certains de ses patients à haut risque de prendre de l'aspirine, mais seulement après les avoir informés des effets secondaires. L'étude n'a bénéficié d'aucune subvention. Peter Rothwell et quelques-uns de ses collègues ont travaillé contre rémunération pour des fabricants de médicaments anticoagulants comme l'aspirine. Le cancer colorectal se situe à la seconde place des cancers dans les pays développés. On compte environ un million de nouveaux cas et 600.000 morts par an dans le monde chaque année. AP