C'est désormais un rituel consacré : à chaque nouvelle édition du SIEL, les Presses de l'Université citoyenne nous proposent un ouvrage ; et cette fois encore on peut parler du bel ouvrage avec «Le tissu de nos singularités, Vivre ensemble au Maroc» (Casablanca, février 2016, 275 pages). D'abord l'objet en lui-même séduit; le format et la conception de la collection dirigée par Fadma Mous et Driss Ksikes, sobres et commodes, sont en effet une valeur de plus quand on sait que le livre version papier ne séduit plus grand monde. Le virtuel et l'immatériel réduisent le champ de diffusion pour cet élément, le livre, essentiel dans l'œuvre de civilisation. C'est d'ailleurs, implicitement, une des thématiques abordées par le livre. Il aborde, à partir de regards croisés, multidisciplinaires, ce qui fait le lien social, le sociétal aujourd'hui. C'est un ouvrage collectif non seulement au niveau des signatures qui le portent mais aussi au niveau même de sa genèse. Il est en effet la résultante d'un travail de concertation, de dialogues et d'échanges entre les membres d'un collectif Vivre ensemble. Travail mené sous la houlette de feue Fatéma Mernissi à laquelle le collectif rend un hommage dans une émouvante lettre posthume qui fait l'ouverture du livre. Le livre propose ainsi une réflexion plurielle sur les rapports qu'entretiennent les Marocains avec la langue, le savoir, la religion, l'égalité des sexes (l'idée même du collectif est née suite à une confrontation autour du thème de l'égalité dans l'héritage lors d'une conférence sur l'égalité). Ce sont neuf entrées que les auteurs abordent avec toute la distance intellectuelle qu'il faut (l'ouvrage n'est pas polémique) pour nous aider à nous comprendre nous-même. Le ton est donné en introduction avec une excellente synthèse du travail, présentée par Fadma Ait Mous et Driss Ksikes. Une figure philosophique plane sur l'esprit de l'ouvrage celle de « Hay ibn Yakdane » la fable philosophique de Ibnou Tofaïl ; elle est prétexte à introduire la grande question de la voie à suivre pour accéder non seulement à la vérité mais aussi à l'autre. Une démarche est privilégiée, la déconstruction ; elle est convoquée d'abord pour réhabiliter le concept de la controverse « la fitna » pour sortir l'espace public de l'apathie intellectuelle et légitimer le sens de la différence et du débat dans sa diversité. Déconstruire aussi ce concept « le vivre ensemble, pour le sortir du slogan et l'inscrire dans son historicité.