Lors d'une conférence de presse tenue le 19 février dernier, les architectes avaient manifesté clairement leur désir de faire de cette année 2016 une année d'assainissement de la profession en combattant, notamment, les fameuses «signatures de complaisance apposées sur des plans qui, en réalité, n'ont pas été élaborés par des architectes et dont la réalisation ne sera pas suivie dans les règles de l'art par des professionnels». Des pratiques répréhensibles qui sont encouragées par une «mafia de professionnels». Ainsi, à l'aide de pots-de-vin et de passe-droits, d'obscurs personnages contourneraient toutes les procédures en vigueur pour se voir, en fin de compte, délivrer des attestations de conformité puis des permis d'habiter et ce, alors même que la loi 16-89 relative à l'exercice de la profession d'architecte et à l'institution d'un Ordre National stipule expressément que l'architecte a pour mission générale la conception architecturale d'un projet de construction et de lotissement et le suivi des travaux y afférent jusqu'à leur réception par le maître d'ouvrage et la délivrance de l'attestation de conformité préalable à la remise du permis d'habiter par les autorités compétentes. Le Président du Conseil Régional du Centre de l'Ordre des Architectes, Karim Sbai a vigoureusement dénoncé cette imposture en rappelant que « la proportion des architectes signataires dépasserait aujourd'hui 30% des professionnels en exercice au niveau national». A ce titre, «plus de 60% des projets autorisés n'auraient pas été conçus par des architectes mais par des techniciens ou encore par des personnes complètement étrangères à la profession». Autant « de pratiques frauduleuses qui compromettent la qualité plastique, esthétique et l'intégration dans leur milieu des projets autorisés» dès lors que les «architectes signataires» n'effectuent pas les missions de suivi prévues par les textes en vigueur. L'absence des hommes de l'art sur certains chantiers révèle clairement le peu d'intérêt accordé à certains projets par des promoteurs véreux animés par le seul appât du gain. Au final, celà donne aussi lieu à des manquements flagrants dans le respect des règles de sécurité sur les chantiers illustrés par les drames qui surviennent çà et là tout au long de l'année et dont sont victimes soit des ouvriers appelés à travailler au mépris des règles élémentaires de sécurité soit encore d'innocentes personnes souvent fauchées dans leur sommeil. Décidé donc d'attraper le taureau par les cornes, l'Ordre National des architectes entend prendre de sérieuses mesures disciplinaires à l'encontre des «architectes signataires» en mettant en place des commissions d'enquête. C'est à ce titre d'ailleurs que, d'après Abdelouahed Mountassir, Président de l'Ordre National des Architectes du Maroc, un projet de loi en cours de finalisation et visant à faciliter les procédures pour éviter que de tierces personnes ne puissent avoir l'occasion d'interférer et donc de « réclamer leurs parts » va, dans le cadre de l'autorisation préalable, responsabiliser encore plus l'architecte puisqu'il lui permettra, désormais, d'autoriser lui-même ses projets et qu'il sera tenu, en conséquence, d'adresser des rapports mensuels à la Commune. Nous n'avons donc plus qu'à espérer que ces dispositions ainsi que la Charte de responsabilité sociale citoyenne de l'Entreprise mise en place par la Fédération Nationale du BTP seront autant d'atouts et de garde-fous qui parviendront, sinon à enrayer, du moins à limiter ces drames de la construction qui endeuillent de nombreuses familles. Mais n'oublions pas, pour autant que le milieu ne souffre pas de cette seule tare des «architectes signataires» car si l'architecte est, d'abord et avant tout, responsable de la coordination entre ces différents intervenants que sont le Bureau d'Etudes, le Bureau de Contrôle, le Laboratoire et l'Entreprise, son absence sur le chantier pourrait causer bien de drames à tous les stades de l'avancement des travaux. Il va de soi, néanmoins, que la présence de l'architecte sur le chantier n'est pas cette panacée universelle qui mettrait fin à toutes sortes d'accidents sur un site de construction puisque, comme nous l'avons tous appris, malheureusement, la semaine dernière, trois ouvriers ont été victimes de l'effondrement d'un immeuble en cours de construction à Casablanca. Un tragique accident qui a abouti à l'arrestation de près d'une dizaine d'intervenants dont l'Architecte. Or, ce dernier a été relaxé par la suite quand l'enquête a révélé que sa responsabilité ne peut pas être engagée dès lors que l'effondrement dudit immeuble serait intervenu suite à un «décoffrage» qui aurait eu lieu avant terme -surtout en cette période de pluie- avec ou sans l'autorisation indispensable de ceux qui ne sont sensés la délivrer à l'Entrepreneur qu'après avoir procédé à la vérification de la solidité et de la résistance du béton «à décoffrer», à savoir, le Bureau d'Etudes et le Bureau de Contrôle.