Cinéaste maroco-belge, Mourad Boucif, a fait bonne impression avec son premier long métrage, Au-delà de Gibraltar lors de présentation au Maroc (récompensé par un Prix à Oujda lors du FNF 2003). Il donnait déjà le ton de ce que sera son cinéma ; un cinéma ancré dans des enjeux culturels et de mémoire. Il est à Tanger pour son nouveau film, Les hommes d'argile. Parlez-nous du processus (écriture et documentation notamment) qui a présidé à la réalisation de Les hommes d'argile, en compétition officielle à Tanger ? Le processus a débuté en 2002 suites à de précieuses rencontres avec des anciens combattants. La plupart qui ont survécu au combat (durant la seconde guerre mondiale) sont retournés en France pour revendiquer leurs droits (leurs pensions ont été gelées suite à la veille de la décolonisation) J'ai eu le privilège de les côtoyer durant de nombreuses années sur le territoire français. Ils vivaient dans des foyers pour personnes immigrées Aujourd'hui la plupart d'entre eux sont décédé sans avoir eu de réelle reconnaissance. C'est terrible pour ces hommes ayant vécu de telles souffrances et d'être réduits à leurs derniers souffles à cette forme de négationnisme... Leur histoire m'a fort bouleversé et m'a permis de construire la colonne vertébrale de notre long-métrage « les hommes d'argile». «L'argile» du titre du film renvoie symboliquement à la fragilité des personnages de vos films; vous mettez souvent en scène des sujets issus de la marge sociale ou culturelle Ce film n'est pas un film de guerre mais plutôt un véritable voyage à travers les profondeurs de la condition humaine... A travers le récit, nous cernons très vite que l'être est assez complexe et que sa fragilité, voire sa vulnérabilité est une de ses composantes assez importantes. Mais nous comprenons également très vite que l'être peut arriver à la maîtriser voire l'affronter au cœur de ses intensités... Le propos transcendent son côté obscure, mais également son côté lumineux... Ce qui est important à travers cette réflexion métaphysique, c'est de pouvoir s'intéresser un peu plus à nos profondeurs sacrées... Les enjeux assez importants notamment vis-à-vis de cette grande aventure humaine qui nous est tous si chère... On assiste aujourd'hui à un retour du social dans le cinéma ; en Belgique c'est déjà une grande tradition dans le sillage des frères Dardenne ; comment vous concevez votre travail de cinéaste face au corps social ; et qui préférez-vous de la fiction ou du documentaire pour témoigner du drame social ? Je suis d'accord avec vous, je suis convaincu que nous irons de plus en plus vers un cinéma fort ancré sur nos réalités sociales... Le monde dans lequel nous évoluons est très inquiétant, voire de plus en plus féroce... Les mécanismes inégalitaires nous obligent à réagir et à développer des actions, des travaux, des œuvres qui peuvent répondre et contrer ces injustices, ces inégalités... Quelles que soient les types de films et de genre l'indignation poussera de plus en plus les artistes à s'indigner notamment avec des moyens techniques beaucoup plus accessibles... Ce qui est plutôt encourageant et porteur d'espoirs...