En décernant le Grand prix au film "L'Enfant endormi" de Yasmine Kassari, le huitième Festival national du Film aura confirmé la remarquable percée de la nouvelle vague des réalisateurs marocains établis à l'étranger. Avec ce prix, les contours du nouveau cinéma marocain se précisent. Le palmarès du huitième FNF n'a pas apporté grande surprise. La distinction des réalisateurs marocains établis à l'étranger, à travers le long-métrage «L'Enfant endormi» de Yasmine Kassari (Grand prix de cette huitième édition), a confirmé les pronostics. Ce Grand prix revêt une dimension d'autant plus symbolique qu'il s'agit ici de première et néanmoins prestigieuse récompense nationale à l'égard de la réalisatrice marocaine établie en Belgique, qui a déjà récolté à l'étranger une moisson de prix pour «L'Enfant endormi». «Je trouve que le choix de L'Enfant endormi grand prix est un hommage que le jury a rendu à l'instinct de survie et je vois là une belle métaphore cinématographique», commente le président du 8ème FNF Noureddine Saïl (voir l'entretien ci-contre). En effet, ce film rend hommage au combat de femmes pour leur survie dans une région du nord du Royaume, après avoir été abandonnées par leurs maris pour aller vivre en Espagne. Il faut saluer, ici, l'excellent travail d'interprétation de l'actrice Rachida Brakni (prix du premier rôle féminin), et la qualité du son du film confirmée par la distinction décernée à Henri Morelle. Dans la même lancée, le prix de la meilleure interprétation masculine a été remis au grand acteur Mohamed Majd pour son rôle dans le film «Le Grand voyage» dirigé par un réalisateur marocain résidant en France, en l'occurrence Ismaël Ferroukhi. Ce film, qui se présente sous la forme d'un road-movie, retrace le conflit entre un fils et un père parti en pélerinage à la Mecque. A travers ce voyage, le conflit de générations auquel sont confrontés nos immigrés à l'étranger paraît dans toute sa profondeur. Autre film de nos cinéastes immigrés à avoir été distingué, «Tenja» de Hassan Lagzouli. Abdou Mesnaoui a reçu le prix du meilleur second rôle masculin pour la qualité de son interprétation dans ce film. Cette avalanche de prix consacre bel et bien ce que l'on peut désormais appeler sans risque d'exagération «le nouveau cinéma marocain». Au-delà des jeunes réalisateurs marocains d'ailleurs, le film «A Casablanca, les anges ne volent pas» a récidivé en recevant et le prix du meilleur scénario et le prix de la meilleure œuvre. Invité à recevoir ces deux prix, le réalisateur de ce film Mohamed Asli surprendra le public par une sortie contre le président du FNF Noureddine Saïl. «Une sortie qui sent le règlement de comptes», s'indigne un festivalier. «Elle relève de la psychanalyse et manque aussi bien d'élégance que d'humour», riposte Noureddine Saïl, dont le «tort» est d'avoir simplement défendu le film «Marock» de Leïla Marakchi, victime d'une campagne menée par Asli qui est allé jusqu'à lui contester sa marocanité. Ce qui a nécessité l'intervention du président du FNF pour rendre à la raison le réalisateur controversé. M. Asli, lors de sa montée sur scène, a d'ailleurs cultivé plus d'un paradoxe. Ce monsieur, qui estime être victime de «terrorisme intellectuel», aurait oublié qu'il a contesté à Leïla Marrakchi son droit à un principe fondateur de toute démocratie : la liberté d'expression. De quel droit se permet-il de décider «qui est marocain et qui ne l'est pas», s'interroge un cinéphile, furieux. Fatéma Nouali, animatrice du Festival, répondra à la sortie d'Asli contre Saïl en disant pertinemment : «Vous vous attaquez à un festival qui vous a mis à l'honneur» , a-t-elle rétorqué, après que M. Asli a dit que ce festival n'a pas été un espace de liberté. Mais passons… L'attaque, huée par le public, n'a pas empêché la fête de continuer… Le «Messager de l'Amour» Abdelouahab Doukkali poursuivra l'annonce du palmarès. Avec son inévitable sourire, ce dernier appelle Salima Bemoumen à monter sur le podium pour recevoir le prix du meilleur second rôle dans le film «La Juanita de Tanger» de Farida Belyazid. Au suivant… Jilali Ferhati est à son tour monté sur scène pour recevoir le prix spécial du jury pour son long-métrage «Mémoire en détention». Après cette cérémonie, les festivaliers ont quitté le Roxy sous les applaudissements d'une foule impressionnante de Tangérois qui ont donné la pleine mesure de leur hospitalité.