Azzedine Chraïbi, secrétaire permanent du Comité national de lutte contre les accidents de la circulation (CNPAC) est catégorique. L'insuffisance de la formation, l'absence de l'esprit civique et le non-respect du code de la route, en général, qui marquent le comportement de certains conducteurs en sont les principales causes des accidents. Et d'ajouter que le nouveau code de la route qui entrera en vigueur le 1er octobre 2010 constitue une assise juridique très importante de lutte contre l'insécurité routière. Il confirme l'orientation de renforcer l'Etat de droit et les droits des citoyens. Al-Bayane : Les statistiques indiquent qu'il y a une augmentation des accidents de la circulation au titre du premier trimestre 2010, selon vous quelles en sont les causes ? Azzedine Chraïbi : Le bilan provisoire des statistiques des accidents corporels de la circulation routière au titre du premier trimestre 2010, en comparaison avec la même période de l'année 2009, fait ressortir des augmentations des nombres d'accidents et de blesses légers. Par contre, les nombres de tués et de blesses graves ont connu des diminutions importantes. En effet, durant cette période, il a été enregistré les variations suivantes : - 15.198 accidents corporels, soit une augmentation de 1,18% ; - 765 tués, soit une diminution de 3,89% ; - 2.180 blesses graves, soit une diminution de 11,27% ; - 19.739 blessés légers, soit une augmentation de 3,99% Toutefois, il apparaît que les facteurs liés à l'élément humain interviennent dans une grande mesure dans la genèse des accidents. L'insuffisance de la formation, l'absence de l'esprit civique et le non-respect du code de la route, en général, qui marquent le comportement de certains conducteurs en sont les principales causes. Selon les statistiques de l'année 2008, les principales causes ont été comme suit: - Excès de vitesse : 1046 tués, soit 25,13% de l'ensemble des tués; - Collision suite à l'imprudence des conducteurs : 704 tués, soit 16,91 % de l'ensemble des tués; - Imprudence des piétons : 520 tués, soit 12,49% de l'ensemble des tués ; - Glissage : 257 tués, soit 6,17% de l'ensemble des tués ; - Non respect de la signalisation et de la priorité: 254 tués, soit 6,10% de l'ensemble des tués ; - Imprudence des cyclistes et des cyclomotoristes: 231 tués, soit 5,55 % de l'ensemble des tués ; - Dépassement défectueux : 212 tués, soit 5,07 % de l'ensemble des tués. Certains citoyens déplorent la qualité des infrastructures routières, qui sont selon eux, la cause principale des accidents, partagez-vous cet avis ? - Non, je ne partage pas cet avis dans la mesure où les statistiques dont on dispose montrent les indicateurs ci après : - 96,8% des accidents et 93,1% des accidents mortels surviennent sur une chaussée revêtue bonne. - 95,3% des accidents et 93,3% des accidents mortels surviennent sur une chaussée de surface sèche. - 95,6% des accidents et 94% des accidents mortels surviennent en temps normal sans intempéries. Ceci confirme les résultats des études menées au niveau international précisant que l'infrastructure n'intervient en tant que cause des accidents de la circulation qu'avec un taux ne dépassant pas les 10 %. Quelles sont les actions que vous envisagez mettre en place, pour réduire le taux des accidents au Maroc ? - Il faut préciser que le CNPAC veille à l'élaboration de plans de communication globale garantissant les meilleures conditions de réussite du plan du Gouvernement en matière de sécurité routière. A ce titre, après une première expérience réussie dans le domaine de la communication durant la période 2004-2006 marquée par la mise en œuvre du Premier Plan Stratégique Intégré d'Urgence (PSIU), le CNPAC a défini une stratégie et un plan de communication accompagnant le PSIU II 2008-2010. Elaboré sur la base des enseignements clés tirés de la première expérience, ce second plan s'articule autour des plusieurs axes stratégiques dont notamment : - La poursuite de la politique de vulgarisation des nouveaux textes de loi et réglementation en lien avec la sécurité routière ; - Le renforcement de la position du CNPAC en tant qu'établissement de communication et développement des expertises et de compétences pour lutter contre la problématique des accidents de la circulation ; - La mise en valeur des efforts déployés par les différents opérateurs et acteurs de la sécurité routière, publics et privés; - L'implication davantage de la société civile comme acteur et relais de communication ; - La sensibilisation des usagers de la route à travers des actions ciblées et thématiques ; - L'éducation des jeunes usagers de la route, notamment les enfants dans les milieux scolaire et parascolaire. Ces axes stratégiques sont déclinés en un ensemble d'actions dans le cadre de projets structurants dont notamment : - Les projets de communication qui englobent les actions Média, Hors Média et d'éducation routière qui ont pour objectifs la sensibilisation des usagers de la route sur les facteurs causaux et les facteurs aggravants des accidents de la circulation. Elles regroupent des actions thématiques traitant des thèmes bien définis et des actions ciblées s'adressant aux différentes catégories d'usagers de la route. - Les projets d'accompagnement et programmes dont notamment le nouveau code de la route. - Les projets de veille technologique et documentaire qui ont pour objectifs d'identifier les nouveautés technologiques à l'échelle internationale et mettre au profit des acteurs de la sécurité routière des référentiels normés et standardisés pour encadrer leur action. - Les projets d'expertise dans le domaine de la sécurité routière qui portent sur la réalisation d'études scientifiques ayant une forte valeur ajoutée en termes de résultats obtenus couvrant les différents aspects de la sécurité routière. Pensez-vous que le nouveau code de la route va contribuer à limiter les accidents ? - Le nouveau code de la route qui entrera en vigueur le 1er octobre 2010 constitue une assise juridique très importante de lutte contre l'insécurité routière. Il confirme l'orientation de renforcer l'Etat de droit et les droits des citoyens. Le nouveau code de la route constitue également un levier pour le développement durable de notre pays puisqu'il définit un arsenal de mesures préventives et dissuasives susceptibles de garantir un espace routier plus sûr et moins meurtrier. C'est une véritable initiative nationale dont la finalité est d'ancrer les valeurs de civisme, de citoyenneté, de cohabitation et de paix sociale dans un cadre législatif moderne garantissant le droit des individus et de la communauté à la vie et à la sécurité des déplacements. Le but étant de rechercher de bons équilibres et d'aboutir à une réforme conséquente en phase avec les aspirations de tous les citoyens, tout en restant dans l'objectif de lutte contre l'insécurité routière et de la mise à niveau des métiers liés au transport. Par rapport à l'ancien texte, le nouveau code de la route apporte de nouvelles mesures et dispositions de valeur ajoutée à même de dissuader les conducteurs irresponsables face la gravité de leurs actes et comportements sur la route. Citons en particulier : - L'instauration du permis de conduire à points; - La progressivité des Amendes Transactionnelles et Forfaitaires (ATF) en fonction du niveau de l'infraction ; - La mise à niveau du contrôle technique, de l'enseignement de la conduite et de la signalisation routière ; - L'introduction des formations et des qualifications professionnelles adéquates pour les conducteurs professionnels ; - La lutte contre l'alcool, les drogues et certains médicaments au volant ; - L'utilisation des nouvelles technologies garantissant davantage de transparence vis-à-vis des usagers de la route notamment les radars fixes, l'alcootest, les stations fixes de contrôle de la surcharge, le permis de conduire et la carte grise électroniques. Quel est l'impact des accidents sur le PIB au Maroc ? -L'insécurité routière a un impact humain et psychologique évident et influence directement le développement économique du pays. L'estimation des coûts socio-économiques des accidents de la circulation qui se base sur l'étude de l'OMS - à plus ou moins 1 % à 2 % du produit national brut des pays selon leurs niveaux de développement - est d'environ 2% du PIB, soit plus de 11 milliards de DH annuellement ce qui représente une perte énorme et engendre un impact dramatique tant au niveau social qu'économique. Il reste à préciser que pour déterminer le coût de cet impact, il faut analyser les différentes composantes du prix de la vie humaine liées aux accidents de la circulation. Cette tâche étant très complexe, plusieurs méthodes sont utilisées pour estimer le coût socio- économique. Le recours à une méthode donnée dépend de la disponibilité de l'information requise. Dans ce cadre, le CNPAC a lancé la réalisation d'une étude relative à l'évaluation du coût socio-économique des accidents de la circulation au Maroc. Cette étude a pour objectif d'approfondir davantage les connaissances sur la monétarisation des conséquences des accidents de la circulation en vue de définir une méthode pour évaluer le coût socio-économique engendré par les accidents de la circulation.