Pour Mohamed Talbi, directeur de l'Entraide Nationale, débattre de la situation des orphelins au Maroc n'est plus un sujet tabou comme c'était le cas dans le passé. Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire pour sensibiliser davantage quant à la réalité que vit cette catégorie sociale. Al Bayane : Que pouvez- vous nous dire à propos de la vision des Marocains envers les orphelins? M. Talbi : La vision des Marocains envers les orphelins est fortement inspirée des coutumes et traditions sociales de notre pays, ainsi que de la religion islamique qui incite au respect et à la considération des orphelins et encourage leur soutien et leur prise en charge (Plusieurs versets coraniques ont été consacrés à cette question). - Quelles sont les procédures qu'un citoyen doit accomplir afin de pouvoir prendre en charge un orphelin sachant que l'adoption est interdite par l'Islam ? L'Islam n'interdit pas l'adoption au sens de procurer aux enfants orphelins l'affection, le soutien, la stabilité familiale et la prise en charge matérielle. Cependant, il interdit la filiation. La procédure qu'un citoyen doit suivre pour la prise en charge d'un orphelin est régie par la loi sur la kafala. En clair, on parle ici de la loi 15-01 relative à la prise en charge des enfants abandonnés, promulguée par le dahir du 13 juin 2002. Aussi, la demande de kafala doit être adressée par la personne qui y prétend au juge des tutelles exerçant dans le tribunal de la famille du lieu de résidence de l'enfant. Elle doit être accompagnée des documents qui prouvent que cette personne remplit les conditions exigées par la loi. Pour accueillir un enfant sous kafala, il faut être musulman, majeur et justifier qu'on est moralement apte à assurer son éducation et matériellement en mesure de subvenir à ses besoins. Selon l'article 2 de la loi, la kafala concerne l'enfant âgé de moins de 18 ans qui est considéré comme abandonné - Comment l'Entraide Nationale œuvre-t- elle afin d'aider l'insertion sociale des orphelins et leur intégration dans la vie active ? Dans le cadre de sa stratégie fondée sur la lutte contre la pauvreté, la précarité et l'exclusion sociale, l'Entraide Nationale offre plusieurs prestations au profit des orphelins notamment l'éducation préscolaire destinée à la petite enfance en bas âge (3 à 6 ans) au sein des jardins d'enfants, relevant de l'établissement et ceux gérés par les associations partenaires. L'octroi des subventions annuelles qui assurent la prise en charge totale des orphelins dans le cadre de l'appui à l'éducation et à la scolarisation, et autres services. - Peut-on parler aujourd'hui d'un changement radical du vécu quotidien des orphelins au Maroc? A-t-on réussi à briser les tabous et les préjugés qui existaient auparavant vis-à-vis de l'orphelin marocain ? Il faut d'abord distinguer la nuance qui existe entre un enfant orphelin et un enfant abandonné. Selon des estimations de l'Unicef, plus de 8 millions d'enfants sont abandonnés dans les rues dans le monde. Au Maroc, ils sont près de 30 000 enfants. Le problème de ces enfants abandonnés a été longtemps un sujet tabou. Aujourd'hui, la loi et la société civile se penchent de plus en plus sur le cas de ces enfants et en particulier, ceux nés hors mariage. La société civile marocaine a été à l'avant-garde pour sensibiliser les Marocains et briser les tabous qui entouraient ce sujet. Cependant, beaucoup reste à faire. Concernant la réalité du vécu quotidien des enfants abandonnés au Maroc, il faut avouer qu'ils restent toujours exposés aux différents risques de la rue (drogue, abus sexuel, violence, criminalité etc.). Cela, nécessite la mobilisation des pouvoirs publics et la société civile afin de participer à l'amélioration du quotidien de ces enfants. - A ce propos, quel message voudriez-vous adresser aux citoyens marocains ? Pensons aux orphelins, contribuons tous à l'avenir de cette catégorie de la société marocaine, qui fait partie des hommes et femmes du Maroc de demain.