Le troisième roman de l'écrivaine marocaine Halima Zinelabidin est une occasion pour interroger une expérience à mi-chemin. Sa relation avec la critique, son rapport avec ses romans, son évaluation des dynamiques sociales et politiques, à l'aune de ce qui est communément appelé printemps arabe, ainsi que la condition féminine, sont le menu principal de cet entretien avec l'auteur de « Sur le Mur »…Entretien. Al Bayane : Vous avez annoncé sur votre page facebook, que vous êtes sur le point de publier un nouveau roman en langue arabe intitulé «Sur le mur» (ala ljidar), où en est votre projet ? H. Zinelabidin : Chacun de mes romans est une partie de moi et dont les événements se déroulent, entre les années 70 et 90 du siècle dernier, dans un univers différent. Dans «Le souci du retour» (hajiss al awda) par exemple, j'ai choisi que son monde fictif ait lieu sur la porte de la prison. Son enjeu majeur était la dignité du détenu politique. Il s'agit d'un produit narré au pluriel, dans la mesure où plusieurs personnages se sont succédé dans le fait de la narration. Les narrateurs tiennent des positions diverses et des opinions différentes : père, mère, frère, épouse, sœur… Quant à «Forteresses du silence», elle présente un espace interne, en l'occurrence les personnalités des personnages eux-mêmes. Ce sont des histoires réelles qui remontent au temps du protectorat pour s'étendre aux années 70. Des histoires façonnées par la fiction, afin qu'elle reflète mieux la réalité, ou pour qu'elles proposent une alternative d'un lendemain meilleur. Pour ce qui est de mon nouveau roman «Sur le mur», elle a plutôt un nouveau espace, à savoir le Net, et plus précisément les forums sociaux : facebook, twiter, youtube, google plus et d'autres forums des jeunes, ainsi que les journaux électroniques. Les personnages appartiennent au monde fictif. Les événements sont celles du printemps arabe, de la gifle de Bouazizi en Tunisie aux élections présidentielles yéménites. On y trouve bien évidemment, l'amour fictif et cette vie alternative qui se déroule dans les écrans des computers. Le style de ce roman repose surtout sur le mythique, le rêve et le légendaire…Ce roman est actuellement à l'imprimerie, elle verrait probablement le jour en ce mois de mars 2012. A : Les titres de tes romans vont de l'ouverture à la clôture, est-ce un choix délibéré, conscient ou juste une pure coïncidence ? H. : Le plus difficile dans l'écriture des textes reste le choix des titres, puisque ces derniers constituent le seuil de tout livre et compile ses indices et ses signes…c'est pareil à la porte de tout espace. Et comme vous savez, à chaque texte une vie, ses entrées qui lui sont propres. Ses soucis l'habitent, mais une fois le livre atteint le lecteur, l'auteur perd toute dépendance à son à son œuvre. A : Comment la critique, a-t-elle accueilli ton expérience romanesque, et comment évaluez-vous cette critique ? H. : Pour «Le souci de retour», et à l'instar des autres écrits carcéraux, l'attitude de la critique a été unidimensionnelle, à savoir la détention politique et son impact sur le détenu et sa famille…Il faut dire qu'on a presque oublié la dimension créative dans cette œuvre. Bien que j'ai organisé des dédicaces dans plusieurs villes marocaines, il n'y avait pas de critique à même d'en tirer profit dans d'autres travaux. La critique a été différente pour «Forteresse de silence». Plusieurs écrits avaient accompagné cette œuvre à différents égards : corpus narratif, enjeux, femmes, amazighité, politique, amourtolérance, résistance collective et individuelle… Elle a été aussi abordée du côté de sa structure syntaxique, sémantique, pragmatique ainsi que le type de narrativité et ses techniques. A : En plus de votre travail de romancière, vous êtes aussi militante féminine, comment avez-vous trouvé l'investiture d'une seule femme ministre dans le gouvernement Benkirane ? H. : Bien évidemment, c'est une grande régression par rapport au passé. Passer de sept femmes ministres à une, cela reste flagrant. La responsabilité y référant doit être endossée aux partis politiques d'abord, et au mouvement féminin ensuite… A : Comment avez-vous trouvé, en tant que militante et créatrice, le printemps arabe en général, et sa version marocaine en particulier ? H. : Au début, je voyais dans cette dynamique un rêve, mais désormais cela me semble être un cauchemar. Les révolutions s'apprêtent à un projet alternatif d'avenir. Ils ne se mesurent pas au nombre des personnes y participant, ni de leur nature et leur conception quant à l'alternative. Cette dynamique ressemble fort à des putshs militaires, dans la mesure où l'on n'a pas changé de structures sociales, culturelles et politiques, mais seulement les chefs de régimes. Pacifique et civilisationnelle, la version marocaine de ce printemps n'est pas similaire aux autres, puisque les manifestants ne réclamaient pas la chute du régime, mais de la dépravation. La réaction du souverain était rapide et intelligente, même si cela n'a pas été sans victimes…