L'écriture poétique subvertit la langue. Elle s'inscrit aux antipodes de l'idiome de l'Institution, de l'Opinion, des Idées reçues et des Poncifs. Elle brise la structure du code endoxal. Elle y trace une béance profonde, y explore à l'infini l'impossible et l'inconnu, l'innommé et l'indicible. Le poète entre par effraction fulgurante et fracassante dans la Materia lingua , matière fluctuante et scabreuse, pour s'y frayer des chemins raboteux et tortueux, pour y dénicher dans les recoins les plus reculés, fort fuligineux, bien noirs, quelques mots scintillants et lustraux, pour y dévoiler tous les mystères. Le poète en fait alors son sceptre spectral. Ainsi sa poétique est-elle, bon gré mal gré, la voix d'une dissidence à la limite du politique. Elle est para-doxale, c'est-à-dire un anti-pouvoir séditieux, un cri de révolte constant contre la Bêtise, conte l'Idiotie, contre la Stéréotypie. Sa poésie dérange de fond en comble les esprits obtus, secoue les ténors de l'Ineptie, remet en cause les Vérités poisseuses, pousse qui veut l'entendre au doute, au scepticisme, aux questionnements recommencés. Même interdite, bafouée et muselée, la parole du poète survit à toute persécution, déjoue toute censure, circule sous le manteau, s'évade dans un ailleurs de liberté, à la quête permanente de la terra incognita. Elle dit ses colères et celles des opprimés, chante leur espoir avorté, leurs désillusions endeuillées. Elle dit la misérable condition humaine avec des couleurs, des lumières, des ombres, des voyelles et des silences...