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Ambassadeur de la Palestine à Madrid, Moussa : «Le Maroc fait de la Palestine sa cause nationale»
Publié dans Albayane le 27 - 03 - 2012

Le peuple marocain n'a jamais cessé de soutenir le peuple palestinien et use de toutes les possibilités dont il dispose pour l'accompagner dans sa lutte pour la liberté, l'indépendance et la dignité. C'est aussi un peuple qui a fait de la Palestine sa cause nationale.
C'est avec ces paroles que le chef de la mission diplomatique de Palestine à Madrid, l'ambassadeur Moussa Amer Odeh, a résumé dans une interview à Albayane, l'attitude du Maroc et des Marocains à l'égard de la cause palestinienne et expliqué leur soutien à l'initiative de l'adhésion de la Palestine à l'ONU comme Etat membre de plein droit.
Dans un entretien, une semaine après l'historique discours du président de l'Autorité Nationale Palestinienne (ANP), Mahmoud Abbas, devant l'Assemblée générale des Nations Unies, le diplomate palestinien a repassé le processus de négociations entre palestiniens et israéliens, les entraves posées par les autorités de Tel Aviv devant toute initiative de paix et les violations quotidiennes par leur soldatesque des droits des palestiniens. Entretien :
Al Bayane : quel est le rôle qu'assume le Maroc, en tant que président du Comité Al Qods, dans le rapprochement des positions des pays arabes et celles des membres de l'Union Européenne pour que la cause palestinienne jouisse d'un soutien plus large au sein de la communauté internationale ?
L'ambassadeur Moussa Amer Odeh: Le Maroc joue un rôle permanent dans le soutien de la position du peuple palestinien bien avant sa présidence de ce comité. La question palestinienne est une cause de l'ensemble du peuple marocain qui, à chaque fois que l'occasion se présente, apporte son appui et contribue à convaincre ses amis parmi les Etats avec lesquels entretient de bonnes relations d'amitié, de soutenir la Palestine dans sa cause.
Quelle forme d'appui a apporté le Maroc au président Mahmoud Abbas lorsque l'ANP a décidé de demander l'adhésion à l'ONU de la Palestine comme membre de plein droit ?
Le Maroc a usé de toutes ses relations pour inciter les autres Etats à appuyer sans condition la demande palestinienne. D'ailleurs, le roi Mohamed VI a félicité le président Abbas immédiatement après son dernier discours historique devant l'Assemblée générale de l'ONU.
Quelle est la qualité des rapports unissant le roi Mohamed VI et le président Abbas ?
La réalité démontre que le roi Mohammed VI et le président Abbas sont unis par de profondes relations de fraternité et de respect. D'ailleurs, le souverain du Maroc est président du Comité Al Qods, et Al Qods est au cœur de la question palestinienne de manière que nous sommes en contact permanent et quotidien avec les responsables marocains, à leur tête le roi Mohamed VI. Le peuple palestinien n'oubliera jamais le constant appui de la part du peuple marocain, son gouvernement et son souverain.
Quelles sont les causes qui ont retardé la présentation par l'ANP de la demande d'adhésion à l'ONU ?
Jusqu'à aujourd'hui, Israël n'a jamais permis la publication de rapports sur les négociations entre israéliens et palestiniens. A chaque fois, tout nouveau gouvernement israélien exige d'entamer des négociations, en faisant table rase sur les précédentes. Depuis le début du processus de paix, il y a une vingtaine années, se sont ajoutés plus de 500.000 nouveaux colons dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967.
Quelle est la place des colonies de peuplement dans l'équation de la paix ?
Le peuplement des colons est illégal et viole les conventions internationales. De même, durant le processus de paix, Israël a élevé un mur de séparation, confisqué 80% des eaux souterraines en Palestine et engagé une politique de destruction du patrimoine historique à Al Qods. Dans ce contexte, la partie palestinienne a saisi, en 2004, le Tribunal Pénal International (TPI) pour dénoncer le caractère illégal de la construction du mur de séparation et les colonies de peuplement et que le peuple palestinien a le droit d'exploiter ses propres ressources.
Existe-t-il d'autres démarches pour atteindre ce but ?
Bien entendu, le peuple palestinien a entrepris une infinité d'initiatives, dont particulièrement la protestation contre l'annexion de terres en Cisjordanie et Al Qods, qui sont des actions totalement illégales. Il faut rappeler la constitution du Quartet, formé des Etas Unis, Russie, de l'Union Européenne et de l'ONU, auteur de la Feuille de Route. La partie palestinienne a accompli toutes les obligations et conditions alors qu'Israël les a totalement ignorées
Quelles sont ces obligations ?
La plus importante est le gel des colonies de peuplement, dont le chiffre a quadruplé depuis 2010 et que 50% se trouvent dans Al Qods. Pourtant, le président Barak Obama avait exigé, dans un discours au Caire, le gel de ces colonies mais Israël a ignoré cette proposition.
Quel est le fondement des propositions palestiniennes ?
Devant l'accroissement des colonies de peuplement, nous avons l'impression que l'idée de création de deux Etats ne peut jamais être concrétisée. Nous exigeons qu'il y ait une référence de paix dans le droit International et les résolutions des Nations Unies et que le Tribunal Pénal International exerce des pressions sur Israël pour cesser la construction de ces colonies et appuyer la création d'un Etat palestinien à l'intérieur des frontières d'avant 1967. Fidèle à lui-même, Israël refuse cette démarche et aspire à des négociations pour maintenir le statu quo.
Quelle est la stratégie à adopter par l'ANP ?
L'ANP a opté, devant cette situation délicate, pour la recherche d'une nouvelle formule de négociations en décidant de s'adresser directement à l'ONU pour demander la reconnaissance d'un Etat palestinien. Israël prétend qu'il s'agit uniquement d'un contentieux territorial mais en réalité il occupe illégalement des territoires palestiniens. Notre demande à l'ONU consiste à mettre fin aux colonies, à instaurer une autre forme de négociations entre un Etat occupant et un autre occupé et comme un peuple qui vit sous l'occupation et sans la possibilité d'exercer ses droits de peuple libre et indépendant. Israël s'est opposé à cette initiative.
Existe-t-il un précédent dans ce sens ?
Certes, le monde arabe avait à travers une initiative adoptée en 2002 appelé à la normalisation des relations avec Israël en contrepartie du retrait des territoires occupés en 1967, du sud du Liban et du Golan. Cette initiative a été également parrainée par l'ensemble des Etats islamiques ce qui signifie que 57 Etats étaient prêts à normaliser leurs relations avec l'entité israélienne. Nous avons dû supporter les pressions de la part des Etats Unis et d'Israël mais l'ANP a décidé finalement de porter ses demandes à l'ONU pour en faire partie de plein droit parce que nous sommes en faveur du processus de paix et de négociations positives.
Quelle est la position des Etats-Unis, membre du Quartet, à l'égard de votre demande ?
Washington menace d'user son droit de veto au Conseil de Sécurité de l'ONU. Nous ne comprenons pas pourquoi les Etats-Unis ont-ils appuyé le « printemps arabe » et les principaux mouvements de protestation dans le monde arabe mais refusent de faire de même à l'égard des palestiniens. Nous avons le droit à l'autodétermination et Israël s'oppose à cette initiative palestinienne de paix. Il est appuyé par les américains dans ses attitudes obstructives.
Que cherche Israël ?
Nous retenons dans l'histoire de l'humanité qu'il n'existe aucun peuple colonisé et soumis qui fût privé du droit à la résistance. Nous affrontons l'occupation par des moyens pacifiques et nous allons exercer des pressions à travers une culture de paix bien qu'Israël prétende que le fait que l'ANP s'adresse à l'ONU est un acte unilatéral. Au contraire, l'ANP est de son devoir de demander l'exercice de pressions sur Tel Aviv pour que l'initiative palestinienne se concrétise. A l'exception d'un petit nombre d'Etats, d'Israël et des Etats - Unis, aucun Etat ni personne ne contestent aujourd'hui la démarche palestinienne de s'adresser à l'ONU dans le but de trouver une solution au conflit. Israël prétend que la création d'un Etat palestinien risque d'entraîner des tensions dans la région et de porter préjudice au processus de paix. Au contraire, le président Abbas invite le peuple palestinien à continuer la lutte pacifique. Où est donc le processus de paix dont parlent les israéliens? C'est Israël qui a assassiné ce processus par l'édification d'un mur de séparation, sa politique d'expansion et d'agression. Nous n'avons jamais voulu renier le processus de paix mais pour instaurer une paix durable dans la région, il est indispensable qu'il y ait un Etat palestinien indépendant, voisin d'Israël.
Ce n'est pas en fait une revendication nouvelle, puisqu'elle revient à chaque fois que la question de paix dans la région est posée ?
Le président Abbas a présenté la sollicitude d'adhésion de la Palestine à l'ONU comme membre de plein droit, parce qu'il s'agit d'un droit légitime de créer notre Etat indépendant. Nous ne sommes pas un peuple mineur car notre niveau d'éducation est le plus élevé dans la région et un des plus élevés dans le monde. Notre peuple est disposé à assumer ses responsabilités et ses engagements d'instaurer les conditions de paix et de prospérité dans la région. C'est là notre projet de paix et notre peuple est prêt à le défendre et nous demandons que soient respectés son droit de vivre indépendant et en paix. C'est en fin de compte une démarche logique, nationale et responsable.
Pourquoi l'ANP rejette la référence au caractère juif d'Israël ?
Nous ne pouvons accepter que soit introduit l'élément religieux dans ce complexe conflit. Cette démarche aura des conséquences catastrophiques pour l'ensemble de la région. Nous avons reconnu l'Etat d'Israël en 1993 mais aucun Etat n'avait accepté l'élément religieux ou sa judaïsation. Israël cherche à travers la reconnaissance d'un Etat juif porter préjudice aux intérêts des 1,5 million de palestiniens qui vivent en Israël et aux droits de retour des réfugiés. Nous mettons en garde la communauté internationale contre l'émergence d'un Etat juif alors qu'il existe un Etat israélien. Dans ce contexte, nous ne voulons ni Etat juif, ni Etat chrétien ni Etat musulman. Nous voulons uniquement des Etats modernes et démocratiques pour tout le monde.
Quelle est la position de l'ANP à l'égard de la menace du recours par les Etats - Unis au veto pour avorter les espoirs des palestiniens ?
Nous déplorons vivement le fait que les Etats-Unis utilisent son véto au Conseil de Sécurité de l'ONU parce qu'il s'agit du droit du peuple palestinien à vivre dans un Etat libre et indépendant. Il est le seul peuple dans la région qui vit sous l'occupation.
Alors, que faire ?
Heureusement nous avons plusieurs options pour défendre et faire valoir notre droit à un Etat indépendant au cas où Washington use de son véto au Conseil de Sécurité de l'ONU. D'abord, nous jouissons de l'appui des trois cinquièmes des votes à l'Assemblée générale de l'ONU. Ensuite, la Palestine a besoin seulement de neuf votes des membres siégeant au Conseil de Sécurité. En cas de recourir au veto, les américains risquent de perdre énormément de leur crédibilité et leur position sera de plus en plus condamnée et critiquée de par le monde. Enfin, les Etats - Unis risquent de perdre son statut d'unique intermédiaire dans les négociations de paix. Par conséquent, il est de notre droit d'aller aux Nations unies pour revendiquer notre droit à un Etat indépendant. D'autant plus, nous n'avons aucun intérêt d'entrer en conflit avec Washington.
Et si les Etats - Unis persistent dans leur attitude ?
Dans ce cas, nous sommes disposés à retourner à l'ONU à chaque fois que se présente à nous l'opportunité de réclamer notre droit à l'adhésion en tant qu'Etat de plein droit. Nous pouvons alors obtenir par exemple le même statut qu'ont eu la Suisse et le Vatican parce que notre objectif ne consiste pas à avoir le statut d'observateur mais celui d'un Etat de plein droit.
Comment réagit l'Union Européenne (UE) à l'égard des démarches entreprises dans ce sens par les palestiniens?
L'UE appuie effectivement notre revendication d'un Etat indépendant et souverain.
Existe-t-il la possibilité de s'adresser au Tribunal Pénal International comme plateforme pour exercer davantage de pressions sur Israël ?
Ce que nous prétendons est que soient reconnues notre liberté et notre indépendance. Nous n'allons pas nous adresser à ce tribunal bien qu'Israël redoute cette démarche sachant que ses dirigeants sont auteurs de crimes de guerre. Ce qui intéresse les palestiniens est de mettre un terme à ce conflit dramatique et que la Communauté Internationale appuie la paix et la justice. En votant en faveur de l'Etat palestinien, les israéliens finiront par vivre en paix. De nombreux intellectuels israéliens aspirent à ce qu'Israël soit le premier à reconnaître le futur Etat palestinien. C'est la réalité qui prévaut sur le terrain. Palestiniens et israéliens sont appelés à aller en commun dans la recherche d'une solution pour la coexistence pacifique en mettant fin aux souffrances. Nous aspirons à un avenir basé sur la paix et la sécurité, seules garanties pour Israël.
Mais le déséquilibre des forces en présence joue en faveur des israéliens ?
C'est vrai, Israël a l'arme nucléaire. Il est la cinquième puissance militaire du monde. Par contre, l'ANP dispose uniquement d'une police mal équipée et contrôlée par les israéliens. Nous sommes disposés à accepter une troisième partie pour la garantie de la paix et nous refusons en même temps la présence de l'armée israélienne dans les territoires palestiniens parce que nous aspirons à être libres et faire partie de la Communauté internationale car notre action à l'ONU n'est dirigée contre personne.


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