C'est en marge de la 13ème édition du festival international du film de Marrakech que nous avons eu cet entretien avec Elia Suleiman. Celui que l'on surnomme d'habitude le Keaton arabe (influence qu'il désapprouve comme nous le verrons plus bas). Comme tout cinéaste palestinien, Suleiman ne pouvait qu'être cinéaste engagé, mais il a su néanmoins tracer au sein même du front d'engagement son sillon personnel en puisant avant tout dans le langage cinématographique loin de toute démagogie ou instrumentalisation de la juste cause palestinienne, ce qui ne constitue pas, il faut le dire, le cas de la majorité des cinéastes issus de la terre-martyre. Le silence pour crier la rage et la frustration du palestinien moyen à travers un récit fortement ancré dans l'autobiographie tout en gardant ses distances avec le sujet (Une équation ô combien difficile que le réalisateur a daigné nous dévoiler sa façon de la résoudre), des séquences orchestrées avec minutie pour signifier le chaos et conjurer l'arbitraire sont les principaux mots d'ordre qui définissent le style de Suleiman. Résultat : Une sorte de force tranquille se dégage de chaque scène portant l'ensemble à la hauteur d'un unique et puissant projet. L'évolution des titres de ses trois œuvres (on traitera de l'évolution du style dans l'entretien) en dit long d'ailleurs : On commence par relater la « Chronique d'une disparition » (1998) pour ensuite invoquer l' « Intervention divine » (2002) avant de tirer l'alarme sur « Le temps qu'il reste » (2009). Une évolution on ne peut plus visionnaire au vu des développements récents de la question palestinienne. Jamais nous n'avions senti aussi fort la nécessité d'une paix équitable et urgente d'une part et la minceur des chances d'y aboutir de l'autre.