mort du patron du géant pétrolier français Total, Christophe de Margerie, 63 ans, tué dans la nuit dans un accident d'avion à Moscou, décapite la plus grande entreprise française en privant la Russie, sous sanctions européennes, d'un ardent défenseur L'avion privé à bord duquel se trouvait l'homme d'affaires s'est écrasé peu avant 20H00 GMT lundi sur l'aéroport Vnoukovo de Moscou après être entré au décollage en collision avec une déneigeuse, provoquant la mort des quatre occupants de l'aéronef.La France perd "un grand capitaine d'industrie et un patriote", a déclaré le Premier ministre français, Manuel Valls.Christophe de Margerie, qui était depuis 2010 à la tête du plus grand groupe français présent sur tous les continents, était "un vrai ami de notre pays", et l'acteur d'"une coopération fructueuse entre la Russie et la France", a souligné le président russe Vladimir Poutine. Selon le quotidien russe Vedomosti, Christophe de Margerie quittait Moscou après une réunion avec le Premier ministre russe, Dmitri Medvedev, consacrée aux investissements étrangers en Russie, alors que les sanctions américaines et européennes décrétés dans la foulée de la crise ukrainienne frappent durement la Russie.Cette crise a conduit à une détérioration sans précédent depuis la fin de la Guerre froide en 1991 des relations entre Russes et Occidentaux. Le PDG de Total ne se privait pas de critiquer la politique des sanctions, "une voie sans issue", et de plaider pour un "dialogue constructif" avec la Russie. Connu pour son franc-parler, Christophe de Margerie avait été l'un des quelques grands dirigeants d'entreprise à participer en mai au forum économique international organisé à Saint-Pétersbourg et boudé par de nombreux hommes d'affaires. Caractère indépendant Le président français François Hollande a salué mardi "le caractère indépendant" et la "personnalité originale" du grand patron qui "défendait avec talent l'excellence et la réussite de la technologie française à l'étranger". Total est un des géants mondiaux du pétrole et du gaz et la première entreprise de France en termes de chiffre d'affaires et de bénéfices (la deuxième par la valeur boursière derrière le groupe pharmaceutique Sanofi), avec un chiffre d'affaires 2013 de 189,5 milliards d'euros, près de 100.000 employés et une présence dans plus de 130 pays.Le groupe a confirmé dans la nuit "avec une vive émotion" la mort de son PDG "dans un accident d'avion, à l'aéroport de Vnoukovo de Moscou, à la suite d'une collision avec un engin de déneigement".Dans un communiqué, l'aéroport de Vnoukovo a précisé que l'avion, un jet Falcon-50, s'est écrasé alors qu'il s'apprêtait à décoller pour Paris avec une visibilité de 350 mètres. Selon le comité d'enquête russe aussitôt mis en place, le conducteur de l'engin de déneigement, qui est indemne, était "en état d'ivresse" au moment de l'accident. Les enquêteurs russes ont évoqué mardi une "négligence criminelle" de la direction de l'aéroport.Selon le directeur de l'Agence fédérale d'aviation, Alexandre Neradko, plusieurs éléments peuvent expliquer la catastrophe, parmi lesquelles de mauvaises conditions météorologiques, avec notamment une couverture nuageuse, du brouillard et des précipitations. En outre, les autorités n'excluent pas "le facteur humain", a-t-il ajouté selon l'agence Interfax. Parallèlement, la justice française a ouvert une enquête pour "homicides involontaires", une procédure courante lorsqu'une ou plusieurs des victimes d'un accident survenu à l'étranger a la nationalité française. Trois enquêteurs français sont partis en Russie participer aux investigations. "Total doit continuer à aller de l'avant" après le décès de son PDG, a déclaré le secrétaire général du groupe Jean-Jacques Guilbaud. "Le groupe est organisé pour assurer la bonne continuité de sa gouvernance et de ses activités, pour faire face à cet événement tragique", a-t-il assuré. Christophe de Margerie disparaît sans avoir désigné de dauphin, mais il s'était entouré de lieutenants susceptibles de prendre sa succession. Surnommé par ses proches "Big Moustache", marié et père de trois enfants, Christophe de Margerie était devenu PDG de Total en 2010 après toute une carrière au sein du géant pétrolier. "C'était un bon vivant", résume Aymeric, un employé au siège de la Défense dans la banlieue de Paris, "quelqu'un de super-humain et de très abordable". Sous son égide, Total avait accéléré ces dernières années ses investissements dans l'exploration, pour remplir des objectifs ambitieux de croissance de sa production de pétrole, tout en menant d'importantes cessions d'activités et en restructurant ses activités en France. L'image du groupe a souffert de plusieurs catastrophes - naufrage au large des côtes françaises du pétrolier Erika (en 1999), explosion du site de sa filiale d'engrais AZF (en 2001) dans le sud-ouest du pays - et n'a pas été épargné par les polémiques: notamment celle entourant sa politique en Birmanie mise au ban des nations et sa mise en cause dans le scandale "pétrole contre nourriture" en Irak.