Les associations célèbrent Yennayer Mohamed Daghour, membre du conseil fédéral de l'association Tamaynut «À l'occasion du nouvel an amazigh, l'association Tamaynut organise des activités culturelles et artistiques afin de rayonner cette culture authentique aux Marocains ainsi que le monde entier. Pour ce faire, on invite un groupe d'artistes amazighs qui fêtent avec nous cet événement. Au menu de cette manifestation, des spectacles artistiques, expositions de livres, des habits, gastronomie et bijoux reflétant la culture et la civilisation amazighe. En effet, le but de fêter un tel événement est de sensibiliser les citoyens aux différentes appartenances géographiques, ethniques et culturelles marocaines y compris l'amazigh. Entre outre, je pense qu'il est temps de réclamer le nouvel an amazigh, 13 janvier, comme jour férie au Maroc. Dans ce cadre, l'association Tamaynut a diffusé un communiqué appelant l'Etat et le gouvernement marocain pour la réclamation de ce jour comme jour officiel. De l'autre part, nous travaillons sur un agenda dans le cadre d'un livre qui trace notre feuille de route, notamment l'implication de l'amazigh dans tous les établissements et la vie publique, et qui sera distribué par la suite aux acteurs actifs en la matière. ». Khadija Hansali vice-présidente de l'association la voix de la femme amazighe (IMSSLI n tamgharte tamazighte) «L'association la voix de la femme amazighe a pour objectifs la sauvegarde et la revivification de l'identité et de la culture amazighe, c'est dans ce cadre bien défini qu'elle s'inscrit pour la célébration de Yennayer (le nouvel an amazigh) qui correspond au 12 janvier du calendrier grégorien. Les Imazighen avaient donc déjà leur propre calendrier (datant de l'Antiquité), basé à la fois sur les changements de saisons et les différents cycles de la végétation qui déterminent les moments cruciaux de l'agriculture et les positionnements des astres comme la lune et le soleil. Le nouvel an amazigh représente aussi pour nous un jour annuel dans lequel nous faisons un rappel de notre histoire, ou nous faisons connaitre nos belles traditions et coutumes, sans oublier les revendications qui depuis la constitutionnalisation de tamzight sont la loi organique qui intègre la langue amazighe dans la vie quotidien de tout Marocain et la reconnaissance du 13 janvier (1er Yennayer) en tant que jour férié. Cette année la voix de la femme amazighe, en partenariat avec d'autres associations, célébrera le nouvel amazigh au féminin, le 25 janvier. Le programme débutera avec une conférence-débat sur plusieurs sujets, dont tamazight et comme thème central La Femme, avec les interventions de plusieurs activistes et intellectuels. Nous clôturerons par une soirée musicale qui sera animée par plusieurs groupes originaires du sous, sud-est, et du rif du Maroc.... et bien d'autres surprises. Pour information, nous sommes en 2964 du calendrier amazigh. Ce que nous souhaitons c'est que le pouvoir marocain satisfasse aux revendications des Imazighen et que la femme amazighe gagne la lutte pour l'égalité et le respect de ses droits.». Association Talilte, Agadir «L'association Talilte organise une soirée artistique à l'occasion du nouvel an amazigh (Yennayer). Cette année c'est la 4e édition que venons d'organiser. Les revenus de la soirée sont consacrées pour la mutuelle des artistes amazighs y adhérent, dont notre objectif central est le soutien des ces artistes. D'ailleurs nous pensons que c'est le moment pour déclarer le 13 janvier comme fête officielle.» Moha Souag, écrivain et poète amazigh «Les moments culturels forts, pour moi, c'était justement la célébration du nouvel an amazigh à Tiznit avec l'association Tayri n wakal de la poétesse et chanteuse Fatima Tabaamrant. Ensuite c'était la fête des mariages collectifs à Alnif en été. Je parle de ces deux moments auxquels j'ai assisté. J'aimerais bien que l'on reprenne le grand agraw de la poésie amazigh, auquel j'ai assisté à Meknès à la place Lahdim, il y a longtemps de cela. Il faudrait aussi renforcer le festival d'Ahidous d'Aïn Leuh et éviter qu'il soit sous la menace des groupes islamistes qui jouent à la Muttawaa comme en Arabie Saoudite. En ce qui est de l'ensemble des manifestations culturelles au Maroc, je veux parler de Mawazine, une grande rencontre culturelle qui s'est ouverte aux artistes amazighs marocains comme Moha Mellal et aux groupes Touaregs et étrangers. A un autre moment de l'histoire du Maroc, je vous aurais répondu non. Mais maintenant que certaines personnes et certains partis politiques oublient que le Maroc appartient à tous les Marocains et que les Imazighen devaient "s'intégrer" comme s'ils étaient des immigrés venus d'une autre civilisation et d'une autre race, ma réponse est oui. Nous avons toujours fêté Id Sugas sans problème, mais j'ai l'impression qu'un ethnocide est en train de se préparer sous des motifs religieux.» Propos recueillis par Mohamed Nait Youssef *** Entretien avec Ataa Allah Fadoua, chercheur à l'IRCAM «Les NTIC ont pavé la voie pour le développement de la langue amazighe» Ataa Allah Fadoua, chercheur à l'IRCAM, estime que la langue amazighe a réussi grâce aux efforts de l'ensemble des chercheurs de l'IRCAM à franchir plusieurs barrières technologiques. Pour elle, la standardisation informatique de la langue amazighe, par le biais de l'encodage des caractères tifinaghes en Unicode a permis d'ouvrir de grandes perspectives pour l'intégration de la langue amazighe dans les NTIC. Al Bayane : Aujourd'hui, à l'heure de la mondialisation, les Nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) sont devenus un outil indispensable pour le développement des langues. La langue amazighe dispose des moyens qui lui permettent de s'affranchir des barrières technologiques ? Ataa Allah Fadoua : On pourrait dire que l'amazigh a intégré les NTIC dès la fin des années 1990. D'ailleurs, l'analyse des sites sur la toile, avant la standardisation informatique de la langue amazighe, a montré qu'il existe une abondante documentation sur l'amazigh, mais très peu sont ceux qui l'utilisent comme langue de communication. Sa modélisation informatique faisait appel souvent à d'autres alphabets : l'alphabet arabe ou l'alphabet latin enrichi par des caractères empruntés de l'Alphabet phonétique international (API). Par contre, sa présence sur la toile en caractères tifinaghs semblait occasionnelle, basée essentiellement sur des insertions sous forme d'images. Mais une fois que le tifinagh a été adopté comme la graphie officielle de la langue amazighe, il a fallu prévoir la possibilité de le codifier afin de permettre l'évolution technologique de la langue et assurer sa promotion. Mais la codification a toujours posé problème pour une meilleure standardisation de la langue amazighe ? Il faut souligner que pour atteindre cette fin, plusieurs travaux ont été menés, notamment ceux liés au choix du meilleur standard de l'encodage, qui est représenté de nos jours par le codage Unicode. Néanmoins, ce choix générique, qui assure à chaque caractère un identifiant numérique unique d'une manière unifiée sur toutes les plates-formes informatiques et qui a vraiment permis à l'amazigh de bénéficier de l'internationalisation de l'édition électronique ainsi que de l'échange et du traitement d'informations, nécessitait du temps que le processus de l'introduction de la langue amazigh dans le système éducatif marocain en 2003 ne pouvait pas tolérer. Ainsi face à ce défi, il a fallu trouver des solutions rapides basées sur des normes de codage de caractères existantes. Une des solutions, réalisée au sein de l'Institut royal de la culture amazighe (IRCAM), était basée sur le codage ASCII étendu ANSI (assurant l'encodage des caractères latins) et sur un ensemble de polices de caractères dédiées à la graphie tifinaghe. Mais, la normalisation de ce codage à une échelle internationale était difficile. Du coup, l'échange des documents produits était limité et la gestion des documents multilingues posait plusieurs problèmes. Après cette phase transitoire, la langue amazighe a réussi grâce aux efforts de l'ensemble des chercheurs de l'IRCAM à franchir plusieurs barrières technologiques. Pouvez-vous nous citer quelques exemples révélateurs ? En fait, il y en a plusieurs. Je cite la reconnaissance officielle, en juin 2004, par l'organisation internationale de normalisation (ISO, International organization for standardization), de l'alphabet tifinagh comme partie du plan multilingue de base, ce qui a permis à la langue amazighe de véhiculer sur Internet et faire l'objet des traitements informatiques. A cela s'ajoute également la publication en, mars 2005, de la version 4.1 du standard Unicode qui inclut tous les caractères tifinaghs normalisés par l'IRCAM, sans omettre la normalisation, en mai 2005, par le système d'exploitation Linux du support du caractère tifinagh. En juillet 2006, il a été décidé l'homologation, par le Service de normalisation industrielle marocaine (SNIMA), du clavier pour la saisie des caractères tifinaghs en respectant la norme internationale ISO/CEI 9995. Et ce n'est pas tout. En octobre 2009, le système d'exploitation Windows 7 a incorporé la police panafricaine «Ebrima», qui prend en charge les glyphes (représentations graphiques) des caractères tifinaghs. A cela s'ajoute la prise en charge, en octobre 2012, de la langue amazighe par le système d'exploitation Windows 8. Et au final, l'approbation, en novembre 2012, par le comité de l'ISO 639-2 de l'ajout de l'indicatif [zgh], désignant la langue amazighe marocaine standard qui intègre les trois variantes régionales, dans la liste officielle des noms de langues. Il faut dire que toutes ces réalisations ont pavé la voie pour que la langue amazighe s'intègre dans la «société de l'information». Vous avez opté pour un convertisseur de la langue amazighe, pourquoi un tel choix ? En général, un convertisseur est un dispositif qui opère la transformation d'une matière d'un état à un autre. Dans le cas du «Convertisseur de la langue amazighe», ce dernier représente un outil informatique constitué de deux modules fondamentaux. D'une part, il y a le transcodage, assurant la conversion du codage des textes amazighs saisis en tifinagh à la base du code ASCII étendu ANSI et de polices de caractères au codage Unicode. D'autre part, la translittération, garantissant la transformation des textes amazighs transcrits en arabe ou en latin à des textes écrits en caractères tifinaghes, selon des règles d'orthographe prévues et des tables de correspondance prédéterminées telle que celle proposée par l'IRCAM, ou personnalisées que peut l'utilisateur adapter à ses besoins. En quoi consiste l'avantage d'un convertisseur ? Brièvement, je peux dire que le convertisseur de la langue amazighe a été réalisé dans une perspective de sauvegarde du patrimoine culturel amazigh, notamment littéraire, et une vision de promotion et d'évolution technologique de la langue amazighe. Pour mieux élucider cette réponse, nous avons besoin de la liée aux fonctionnalités garanties par le convertisseur, à savoir le transcodage et la translittération. Déjà au niveau de la première fonctionnalité, qui permet le passage de l'encodage ASCII étendu ANSI à l'encodage universel Unicode, nous pouvons faire plusieurs constatations. A savoir que cette dernière assure implicitement le passage de l'espace de diffusion des textes traités d'un espace régional, généralement limité aux communautés possédant les polices de caractères utilisées lors de la saisie de ces textes, à un espace international. Qu'elle garantit l'exploitation des documents par et dans toutes les plates-formes informatiques, mais aussi simplifie le traitement et la gestion des documents multilingues, particulièrement lorsque ces documents contiennent des caractères latins, car dans l'absence des polices de caractères utilisées dans ces documents, la distinction visuelle entre l'amazighe et une langue latine est absolument impossible. En outre, au niveau de la deuxième fonctionnalité, nous pouvons affirmer que la translittération vers l'alphabet tifinagh contribuera à une large promotion et diffusion de la graphie autochtone de la langue amazighe, à l'unification des graphies utilisées pour la transcription des textes des collections d'étude en une graphie standard illustrée par le tifinaghe Unicode, et à la légèreté du processus de l'auto-détection de langues d'un document, en se basant sur la reconnaissance des graphies utilisées et leur plage de codage. Quels sont les projets d'avenir de votre centre de recherche ? Concerné par la préservation de la diversité écolinguistique, par la sauvegarde de la culture et par la gestion de la langue amazighe en tant que patrimoine et moyens de communication, l'IRCAM, en particulier le Centre des études informatiques des systèmes d'information et de communication (CEISIC), déploie tous ses efforts pour que l'amazigh soit en phase avec les développements continus que connaît le domaine technologique. La standardisation informatique de la langue amazighe, par le biais de l'encodage des caractères tifinaghs en Unicode a permis d'ouvrir de grandes perspectives pour l'intégration de la langue amazighe dans les NTIC. Les utilisateurs des produits informatiques, particulièrement le grand public, ont besoin de retrouver leur identité dans les outils qu'ils manipulent, comme ils ont besoin de communiquer en leur propre langue qu'ils connaissent le plus. Dans cette perspective, nous sommes en train de consolider la matière nécessaire au développement technologique de la langue. Ainsi, nous avons pensé à une ligne d'actions qui vise à élaborer et à promouvoir le développement et la distribution des ressources langagières utiles et à vocation très large tels que les dictionnaires électroniques, les corpus et les bases de données ; à produire les outils de la manipulation et la gestion de ces ressources ; à ne pas se cantonner dans le traitement de l'écrit, mais de passer aussi au traitement de la parole et aux applications vocales. Parmi les travaux en cours, nous citons : les systèmes de génération et d'analyse morphologique, les systèmes d'aide à la traduction, les systèmes de reconnaissance optique, les systèmes d'éducation et d'apprentissage en ligne, et les applications pour les téléphones intelligents. Propos recueillis par Moha Moukhlis *** ...Ur igi winnek... Tarezgi turmed Tuli-d seg twada Nnek tar azey. Asaddi, Ifesti , Inetman, Ttebbin. Bedd! Adu n Tmessi lkem nnig. Ataraksi? Aggwa isul, ghefk, Ittebbi. Bedd! Bedd ! Sers aggwa Siggez-t acku... Traduction : Peine perdue L'amertume goutée La destinée incertaine Lumière, calme, sensualité Stop ! Fadesse Ataraxie ! Fardeau cruel Stop ! Stop ! Délivre Peine perdue *** Touf Ayour Touf Ayour Mon olivier, mon arganier Mon figuier, mon amandier Ils t'ont brûlée Touf Ayour Ma charrue, ma pioche Ma hache, ma fourche Ils t'ont brisée Touf Ayour Mon épi, ma menthe Mon basilic, mon absinthe Ils t'ont souillée Touf Ayour Mon rocher, ma plaine Ma vallée, ma montagne Ils t'ont clôturée Touf Ayour Ma source, mon puits Ma rivière, ma pluie Ils t'ont empoisonnée Touf Ayour Mon oncle, mon père Mon enfant, mon frère Ils t'ont exploitée Touf Ayour Ma fille, ma sœur Ma femme, ma mère Ils t'ont violée Touf Ayour Ma vérité, ma mémoire Mon entité, mon histoire Ils t'ont falsifiée Touf Ayour Mon héritage, mon sort Ma richesse, mon trésor Ils t'ont volée Touf Ayour Mon foie, mon cœur Mon sang, mon corps Ils t'ont mutilée Touf Ayour Ma maison, mon potager Mon horizon, mon verger Ils t'ont dénaturée Touf Ayour Mon chant, ma mélodie Ma musique, ma poésie Ils t'ont défigurée Touf Ayour Tamazirt'inou Emerge de ta nuit Ici et maintenant Réveille-toi cette aube Mets ta plus belle robe Brandis ta fourche et ta pioche Libre et digne Fière et belle Relève – toi Marche vers le soleil Epouse le vent Enfante demain Et apprends ton nom A nos enfants : Touf Ayour ! 1- Touf Ayour : « plus belle que la lune », en amazigh 2- Tamazirt'inou : « Mon pays » en amazigh Par Mostafa Houmir