L'économie algérienne, dont la charpente a été bâtie sur le «peak oil» ou la période faste du pétrole, a commencé à donner des signes d'essoufflement en 2013, une année où tous les clignotants ont été au rouge, ravivant le débat, même timidement, sur la viabilité d'un modèle économique en vigueur depuis des lustres. En tant que personne la plus au fait des arcanes des caisses de l'Etat, le ministre des Finances, Karim Djoudi, a choisi le langage de la vérité en exprimant ses inquiétudes quant aux équilibres budgétaires, menacés par la contraction des hydrocarbures qui représentent près de 98 % des sources de revenus. Ajouter à cela, les prévisions pessimistes pour la demande mondiale, le fléchissement des cours et la chute de la production du gisement géant de gaz naturel de Hassi R'mel, une réalité reconnue tout récemment par le gouvernement et qui devra affaiblir la position de l'Algérie sur l'échiquier gazier international, de l'avis des connaisseurs. 60 milliards de dollars d'importations Il en a résulté un excédent commercial en nette régression, à cause également d'une boulimie d'importation hors contrôle. Les achats extérieurs de l'Algérie, y compris les carburants, devront boucler l'année sur un pic historique avoisinant les 60 milliards de dollars. Dès le mois de mai dernier, alors que le tableau n'était pas aussi clair qu'il l'est actuellement, Djoudi avait mis en garde contre les effets de la baisse des prix de l'or noir, expliquant que cette perspective «devrait inciter à la prudence dans la gestion du budget de fonctionnement». L'avalanche d'indicateurs négatifs a remis au goût du jour les questionnements occultés par la bulle pétrolière. Avant la dernière mise en garde du FMI relative aux conséquences de l'Etat-providence et aux freins à l'émergence du privé, des économistes algériens sont montés au créneau pour critiquer le mode de gouvernance de l'économie nationale. Les statistiques publiées depuis le début de l'année sont révélatrices d'une économie «instable, dépendante et fortement dépensière», aux dires de ces experts qui ont souligné l'impératif d'un nouveau régime de croissance, sinon la structure macro-économique va en faire les frais. Au terme de sa mission à Alger (12/25 décembre), le FMI a relevé «des signes d'affaiblissement» de la position extérieure du pays, du fait que l'excédent des transactions courantes devrait baisser à 1,1 % du PIB. En cause, la diminution des exportations d'hydrocarbures et le dynamisme des importations. Ceci dit, l'institution de Bretton Woods a recommandé d'accélérer la croissance tirée par le secteur privé, en améliorant le climat des affaires, en levant les contraintes à l'investissement étranger et en promouvant l'intégration commerciale internationale, l'Algérie n'étant pas encore membre de l'OMC. Dépréciation» du dinar Mais, les suggestions du FMI sur la rigueur budgétaire ne sont pas passées comme une lettre à la poste. Un tollé s'en est suivi dans les milieux syndicaux qui ont perçu comme une guerre au pouvoir d'achat son appel pour le maintien d'un article de loi relatif au SNMG (salaire national minimum garanti). En décodé, les fonctionnaires ne pourront pas prétendre à de nouvelles augmentations de salaires. En plus des effets de cet article controversé sur les conditions de la classe ouvrière, le pouvoir d'achat a reçu un coup supplémentaire avec «la dépréciation» du dinar de 10 %, quoique cette mesure ne convient toujours pas à l'optique du FMI, qui considère la monnaie locale encore surévaluée. Les commentateurs algériens, qui préfèrent parler plutôt de «dévaluation», estiment que cet ajustement va grever davantage le portefeuille du citoyen. Et l'impact n'a pas tardé à se faire ressentir. L'on constate une augmentation des prix de certains produits alimentaires et l'on prévoir une forte hausse de certains articles importés, comme les voitures et l'électroménager. En père-courage, le ministre des Finances ne veut pas céder au fatalisme. Il appelle de tous ses vœux à la diversification des sources de la richesse nationale. Or, le privé, théoriquement en mesure de déclencher le déclic, ne semble pas dans de meilleures dispositions. L'indice de confiance des chefs d'entreprises étant au plus bas que jamais. L'Algérie a-t-elle mangé son pain blanc ? La réponse devra tomber dans quelques mois. A la proclamation du nom du nouveau président de la République, en avril 2014.