Hors champ Le monde et ses turbulences frappe aux portes du FIFM et inonde ses écrans par une réécriture de son scénario ; véritable adaptation du récit du monde. Après des films autoréflexifs qui font dans le méta-cinéma où le cinéma réfléchit sur le cinéma, la deuxième journée nous a gratifié de films qui pensent toujours le cinéma mais en mettant en avant des souffrances, des doutes et des espoirs. Le cinéaste japonais, star de la soirée du dimanche, Kore-Eda Hirokazu à qui le festival rend hommage cette année, donne bien le synopsis de cette journée, dans son discours, qu'il continue encore à s'interroger, via ses films, sur « qu'est-ce que le cinéma, qu'est-ce que l'être humain ?». C'est au cœur de cette problématique que nous plonge le premier film du cinéaste italien Andrea Pallaoro, Medeas. Une production cosmopolite (Italie, Mexique, USA) pour un récit qui confine à la tragédie ; le titre ne renvoie-t-il pas à la mythologie de Médée réadaptée au cinéma par Pasolini ? Tout autorise à le penser même si la démarche esthétique prônée ici est aux antipodes à l'exubérance pasolinienne. On est dans un univers aux références spatio-temporelles neutralisées ; on imagine que le récit se déroule quelque part dans le sud des Etats-Unis. Un éleveur producteur de lait ; sa famille et l'espace. Par petites touches, le drame se construit devant nous pour arriver à son point paroxystique et la tragédie finale. Procédant au scalpel, la caméra capte avec un lyrisme inouï les fragments d'une vie qui s'effrite. La vie de cette famille de paysans écrasés par l'environnement, on sent que la crise n'est pas loin et la sécheresse dénude encore davantage le paysage offrant une lecture métonymique de la sécheresse, la vraie celle qui sépare ce couple sur la voie de la descente aux enfers. La femme, sourde, muette est mère de quatre enfants ; mais quelque chose est cassée. Des plans sublimes nous dessinent dans un mouvement ascendant, le non-dit ou plutôt le non vu qui pèse sur ce microcosme social. Les enfants occupent une position centrale dans la construction du point de vue. Ils sont merveilleusement bien dirigés. Quand la pluie arrive enfin, il est trop tard. La mort et l'errance l'ont précédée. Il y a trente ans des jeunes, des jeunes issus de la marge sociale et urbaine, ont décidé de dire Stop à la haine raciale atteignant un haut niveau de violence qui commençait à se banaliser au sein de la société française qui venait pourtant à l'époque, en 1981, d'envoyer un signal fort en élisant pour la première fois dan l'histoire de la cinquième république, un président de gauche. En 1983, du quartier des Minguettes partait donc ce cri d'alarme par l'organisation d'une marche contre le racisme et pour l'égalité. Novembre 2013, un film, La marche de Nabil Ben Yadir propose un retour cinématographique sur ce mouvement qui allait marquer les années 80 (dans son sillage naîtra SOS racisme) et ouvrira la voie à des mutations culturelles profondes y compris dans le champ du cinéma avec l'irruption d'une nouvelle figure de «l'immigré» cette fois en tant que comédien, cinéaste... C'est, me semble-t-il, la première observation qui s'impose avec le film de Nabil ben Yadir : la confirmation d'un nouvel état de lieu où les principaux concernés prennent en charge leur propre discours. Dans le film, les stars ce sont Jamal Debbouze, Loubna Azabal, Hafsia Herzi... c'est là la vraie concrétisation des idéaux de la marche de 1983... Quant au film lui-même, il porte les stigmates et les limites que rencontrent une œuvre artistique qui se confronte à un fait historique ; refusant la reconstitution pure et dure qui confinerait au documentaire, Ben Yadir, récompensé déjà à Marrakech pour Les barons (très belle comédie belge) a alterné les scènes de pathos et de distance. Le public est ému, mais il reste sur sa... fin. Le plan final qui se termine à l'Elysée donne au film des allures du politiquement correct. Le film n'a pas cherché à bousculer. Il fait œuvre de mémoire dans un contexte qui lui donne largement écho. Le plus beau plan de la journée est celui qui clôt le film de James Gray, The Immigrant, une magnifique composition spatiale et plastique signée Darius Khondji et qui nous offre un surcadrage, cadre dans le cadre, une sorte de split screen où les destins des personnages se résument en quelques secondes d'images.