Dans un contexte où la mondialisation s'impose dans presque tous les domaines, portée encore plus par l'utilisation des moyens de communications diversifiés et de plus en plus performants; l'affirmation de l'identité nationale se trouve confrontée à des interrogations portant sur les changements probables ou voulus dans le cadre de l'évolution d'une société complexe dans sa structure et dont l'état clair-obscur reste prépondérant. Les Marocaines et les Marocains se trouvent, dans ce cadre, confrontés à des choix sur la langue de communication, celle de la maison, celle de la rue, celle de l'école et de l'université, celle des affaires, celle de la revendication, de la souffrance et de l'espoir, celle des élites et celle des discours. Il est évident que le problème n'est pas nouveau dans un pays anciennement colonisé et où la diversité linguistique est reconnue de facto. L'arabe, le français, la pratique simultanée des deux langues en 3aransia, la langue amazighe, le hassani, l'espagnol, la darija dans ses multiples parlers régionaux et locaux, sont devenus des moyens d'expression utilisés par les médias audiovisuels et affichés sur les placards publicitaires. C'est le «nonlinguisme» qui pose problème. Suite à l'arabisation des façades prônée, et appliquée particulièrement de l'école au lycée depuis la fin des années soixante-dix du siècle passé, les esprits se sont plus qu'embrouillés jusqu'à ne plus comprendre. La majorité de nos étudiants se trouvent dans une situation de handicap majeur pour acquérir le savoir alors que l'usage de la langue véhiculaire de l'enseignement n'est nullement assuré. La mise en place de modules de langues et communication dans toutes les filières n'a rien changée ni à l'approche ni au résultat. Et voilà que maintenant on veut mettre l'enseignement à la darija pour que «l'éléphante soit ajoutée à l'éléphant» de notre système éducatif et de notre culture nationale. A l'aliénation culturelle rampante et multiforme dans la société, on rajoutera, en plus de l'analphabétisme résiduel, un nouvel analphabétisme spécifiquement adressé aux jeunes issus des couches de la société dont les familles ne peuvent assurer à leur progéniture un enseignement privé où les langues étrangères sont maitrisées et servent à forger l'esprit et à apprendre le savoir. L'échec patent de l'arabisation des années soixante-dix du siècle passé trouvera ainsi sa continuité dans l'abêtissement et le mépris des masses populaires que les tenants de la darija veulent promouvoir. Autant l'arabisation de feu Azzedine Laraki n'a pu éradiquer les idées de progrès et de modernité dans la société marocaine, autant la généralisation de la darija conduirait à priver les générations futures des moyens d'expression et de langage nécessaires à la reconnaissance et à l'affirmation de notre culture dans sa diversité linguistique. En assurer la protection et la promotion doit être un choix de société et une question de fierté. C'est par ses moyens d'expression que vit une nation et c'est par leur maîtrise que le patrimoine culturel fondamental se transmet de génération en génération et participe à l'épanouissement universel. Le patchwork de la darija, inventé à tout moment et à tout niveau, qu'il soit phonologique, syntaxique, sémantique, pragmatique ou lexical, voire gestuel, ne peut servir de base à véhiculer un enseignement. Que l'on prenne son courage entre ses mains pour affirmer la nécessité de l'enseignement notamment des matières scientifiques en français ou en anglais mais que l'on ne pratique pas la fuite en avant populiste et simpliste de l'usage d'un parler vernaculaire dont l'expansion est aussi importante que sa subduction. On ne peut corriger un échec en approfondissant l'amalgame, surtout quand il s'agit des masses populaires alors que l'enseignement privé et les missions étrangères sont encouragés et accueillent les enfants des familles aisées. L'attrait de la facilité conduit à la paresse alors que le pays doit se mettre au travail beaucoup plus qu'auparavant pour assurer son développement, augmenter ses richesses et bien les répartir afin que les Marocaines et les Marocains expriment leur bien-être dan la langue la plus pure et la plus précise.