C'est une école rurale quelque part au Maroc. Dans un lieu montagneux, apparemment, isolé et coupé du monde extérieur. Une image ahurissante, blessante et choquante. On ne comprend pas comment et pourquoi on a osé accepter une telle construction dont la porte d'accès et de sortie donne directement sur un ravin qui risque, à tout moment, d'emporter à l'au- delà des vies humaines innocentes. La tare, c'est qu'on n'a même pas songé à élever devant un mur protecteur. Cette image navrante reflète, hélas, la triste véritable réalité des maux, des souffrances et des lacunes que vit notre enseignement scolaire. On aura beau parler des réformes, de l'amélioration de notre système scolaire, des budgets colossaux engagés pour ce et, aussi, de l'amélioration des conditions de travail des enseignantes et des enseignants du cycle primaire dans le milieu rural qui représentent, pourtant, 60% de l'effectif des enseignants du Royaume. Mais lorsqu'on découvre un tel cas, qui n'est pas, d'ailleurs, isolé, on conclut, ipso facto, qu'aucun progrès dans l'évolution de l'enseignement au Maroc n'a été réalisé. L'école publique en milieu rural connaît, selon les participants au 1er forum des enseignantes et des enseignants exerçant dans les zones rurales organisé à Marrakech du 13 au 15 janvier, de nombreux dysfonctionnements du fait que le programme d'urgence établi par le ministère de l'Education a échoué dans sa mission. Lequel programme était supposé alléger les souffrances qu'endurent le corps enseignant de ce milieu. Aujourd'hui encore, dans les contrées les plus reculées de la campagne marocaine, les écoles ne disposent ni de l'eau ni de l'électricité et sont souvent sans infrastructures des plus élémentaires. Pour rejoindre leurs classes, les élèves doivent parcourir, quotidiennement, de très longues distances à pied. Il est, certes, vrai que le département de l'Education nationale consentit des efforts pour améliorer l'offre scolaire en milieu rural. Néanmoins, il n'en demeure pas moins qu'il reste beaucoup de chemin à parcourir pour faciliter l'intégration de l'élève dans son environnement. Outre l'absence de raccordement en eau potable et de l'inexistence de blocs sanitaires, c'est le facteur de l'éloignement de l'école du domicile de l'élève qui dissuade souvent les enfants, surtout les filles, de poursuivre leur scolarité. La quasi- totalité des écoles se situent à des kilomètres des lieux d'habitation des élèves. Les classes, souvent surpeuplées, sont installées, de surcroît, dans des régions difficiles d'accès, présentant, ainsi, un réel danger pour ces écoliers qui parcourent jusqu'à des dizaines de kilomètres par jour. Cette autre grande difficulté compliquant davantage la situation demeure l'inexistence de logements de fonction pour les instituteurs qui trouvent du mal, également, à se rendre à l'école. Une situation qui les oblige, le plus souvent, à loger dans les salles des cours avec ce que comporte comme les dangers qu'ils encourent. En particulier les enseignantes. Si la rentrée scolaire officielle est dans quelques jours et si l'événement fait la joie de milliers d'écoliers dont, surtout, ceux qui découvriront pour la première fois l'école, il ne l'est pas, pour autant, pour les enseignants exerçant dans le milieu rural. Contraints, malgré eux, de quitter leurs familles, leurs épouses et leurs enfants ainsi que leur milieu citadin où ils ont vécu très longtemps pour mener une autre vie à laquelle ils ne sont guère adaptés, ils vivront des situations fortes pénibles. Surtout que pour la plupart d'entre eux, s'établir définitivement à proximité de leurs lieux de travail est inimaginable. Un vrai calvaire à supporter, donc, durant plusieurs, en cette période de froid et de pluies. De telles situations, engendrant de graves inégalités au sein de la population marocaine, doivent inciter, plus que jamais, le département de tutelle à adopter une stratégie globale et intégrée afin de sauver nos élèves de la déperdition scolaire. Surtout que les statistiques révèlent que 68,4% de femmes rurales sont analphabètes et qu'un taux tout aussi important d'enfants qui abandonnent l'école en cours de scolarité. Réformer en profondeur l'enseignement en milieu rural par la construction de classes, de cantines, d'internats et de routes nécessite, non seulement, l'engagement du ministère de l'Education, mais aussi celui des ministères de l'Equipement et des Transports, de l'Habitat, de la Jeunesse, des finances, des collectivités locales ainsi que celui de la société civile. Le gouvernement marocain se doit de tracer une véritable volonté politique de transformer son école rurale. Surtout après le dernier très significatif discours royal.