Il y a quelques jours, plus exactement en juillet dernier, les autorités de Gibraltar ont coulé en Méditerranée, au large des côtes de ce «Rocher» de 6.8 km2 et de 30.000 habitants, et sous souveraineté britannique, des blocs de bétons formant ainsi un récif artificiel. C'est cet agrandissement illégal de ce petit territoire qui a déclenché l'ire des autorités espagnoles qui ont réagi en instaurant des contrôles sévères à l'encontre des Gibraltariens qui transitent par le territoire espagnol. Ce que les Britanniques ont à leur tour considéré comme des mesures de représailles injustifiées. Si l'Espagne se limite pour le moment à affirmer que l'édification de ce récif artificiel constitue une entrave au travail de ses pêcheurs, le problème est en fait beaucoup plus profond. Madrid revendique purement et simplement la restitution de ce territoire qu'elle avait cédé il y a 300 ans à la Grande-Bretagne, dans le cadre du traité d'Utrecht en 1713. C'est dans ce sens que le ministère espagnol des Affaires étrangères a affirmé, lundi, que l'Espagne envisageait de faire front commun devant les instances internationales avec l'Argentine, qui revendique la souveraineté sur les îles Malouines, un autre territoire britannique situé à quelques encablures des côtes sud-américaines. «Entre les Malouines et Gibraltar il y a des éléments communs», a ajouté le ministère espagnol. Pour rappel, le contentieux anglo-argentin sur les iles Malouines a déclenché au début des années 80 une guerre meurtrière lancée par Margaret Thatcher, alors Premier ministre britannique, et soutenu par l'Américain Ronald Reagan, pour déloger les troupes argentines qui avaient momentanément pris possession de ces iles. Bis repetita ? Même si une guerre est difficilement envisageable entre les royaumes britannique et espagnol, la marine de la Perfide Albion est en train de sortir ses muscles. Une frégate de la Royal Navy, le HMS Westminster, a appareillé pour la Méditerranée alors que le porte-avions britannique HMS Illustrious, a quitté lundi les côtes britanniques vers la même direction. Face à cette démonstration de force, les Espagnols, eux, ont mis en avant la voie diplomatique. «Nous ne sommes pas inquiets (...) car nous savons que le droit est de notre côté», a réagi lundi un haut responsable du ministère, Ignacio Ibanez, directeur général pour les Affaires étrangères, interrogé sur la radio BBC. C'est ce qui explique que Madrid entend déposer ce dossier sur la table de l'Organisation des Nations unies mais aussi devant les prétoires de la Cour internationale de justice de la Haye. Le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Garcia Margallo, vient d'ailleurs de déclarer publiquement que son pays étudie la possibilité de présenter devant l'ONU «une résolution reprenant les termes de la résolution 1966 qui parlait de décolonisation en respectant les intérêts de la population de Gibraltar». La non-appartenance de la Grande-Bretagne et donc de Gibraltar à l'espace Schengen place l'Union européenne dans une situation de spectateur qui ne peut pour le moment intervenir dans un conflit qui oppose deux de ses membres. Pour sa part, le Maroc, dont plusieurs présides sont encore occupés par l'Espagne au même titre que Gibraltar par les Britanniques, suit avec grand intérêt l'évolution de cette situation.