Frères musulmans et armée se regardent ces jours-ci en chiens de faïence. Le clash entre les deux principales forces politiques et économiques qui se concurrencent pour faire (ou garder) main basse sur l'Egypte semble inévitable. Un avant-goût de ce qui risque de se passer les prochains jours a été donné de la manière la plus sanglante la semaine dernière avec la mort de plusieurs dizaines de militants islamistes, tombés sous les balles de l'armée. Le prochain clash est d'autant plus imminent que les positions des deux camps semblent jusqu'ici inconciliables. Pour l'armée, qui a conduit un coup d'Etat (il faut appeler un chat un chat) contre des institutions élues, il n'est plus question d'un retour des frères musulmans à la tête de l'Etat. Il semble même qu'il s'agit là d'une exigence américaine qui vient d'ailleurs d'être exprimée clairement par la voie de son secrétaire d'Etat, John Kerry, lorsqu'il a considéré comme légitime la mise à l'écart du président Mohamed Morsi. Les islamistes, eux, ne comptent pas quitter de sitôt les grandes places qu'ils tiennent au centre du Caire, particulièrement la Place Raiâ El Adaouiya où bivouaque le gros de leurs troupes depuis maintenant près d'un mois. Ils exigent le retour à la légalité, c'est-à-dire le retour de Morsi au pouvoir, la réactivation de la constitution et du parlement, pour mettre fin à leur action. Mais avec les instructions qui viennent d'être données au ministère de l'Intérieur pour tout faire afin de «libérer» les places occupées par les «Frères», ainsi que l'ultimatum qui a été lancé à ces derniers, des échauffourées sanglantes sont à craindre. Surtout qu'en moins d'un mois plus de 250 partisans de Morsi ont été tués dans différents heurts avec la police et autres adversaires politiques. Pour sauver les apparences, Abdel Fattah al-Sissi, l'homme fort de l'Egypte, a rencontré dimanche d'influents prédicateurs salafistes, mais aucun représentant des Frères musulmans n'a daigné répondre à son invitation dont l'objectif était de trouver un terrain d'entente voire une issue à la crise politique aiguë qui met en danger la stabilité de l'Egypte. A l'issue de cette rencontre, l'auteur du putsch du 3 juillet dernier a affirmé à ses interlocuteurs qu'il y avait «encore des chances pour une solution pacifique à la crise à condition que toutes les parties rejettent les violences». Bluff ou ultimatum ? En tout cas, ce face-à-face explosif est d'autant plus intenable que la communauté internationale a dépêché des émissaires sur place en vue de pousser les deux adversaires à un compromis. Après le secrétaire d'Etat américain adjoint William Burns et la commissaire européenne C. Ashton, une délégation de l'Union africaine vient de terminer une mission d'une semaine au cours de laquelle elle a notamment été autorisée à rencontrer Morsi, détenu au secret par l'armée depuis sa destitution. Autant dire que les prochains jours seront déterminants pour l'avenir de l'Egypte qui, faute d'un accord, risque de basculer de suivre l'actuel modèle syrien. Une autre faute au «Pritemps arabe».