Analyse Si l'oralité s'expectore par le souffle dans une cadence rythmée pourvue de sens implicite et/ou explicite, on a pu s'apercevoir que ce processus de socialisation par la fonction de communication varie nécessairement d'une société à l'autre et s'effectue différemment suivant les systèmes de représentation culturels. Il nous faudrait prendre en compte non seulement l'aspect historique d'une société mais aussi sa condition d'adaptation à un milieu, ce qui induirait par ricochet l'approfondissement des recherches dans ses capacités biologiques et fonctionnelles et prendre ipso facto une résultante qui serait au croisement de toutes les sciences actuelles nous menant à découvrir l'homme comme «machine à penser». Il nous faudrait envisager aussi de quelle façon, l'homme a développé différentes aptitudes à créer le langage, l'art, les techniques... et nous verrions qu'il utilise un procédé particulier par une étape métacognitive qui est de l'ordre des métareprésentations au travers de laquelle émergent des «idées» qui ont été au préalable mentalisées en dehors de l'environnement. Une intelligence technique qu'il associe, combine, multiplie et qu'il emploie à des fins sociales et qui permet l'émergence des cultures parallèlement à son évolution cérébrale donnant naissance à une floraison d'aptitudes nouvelles. Tout porte à croire que le langage n'est qu'un support qui véhicule la pensée et qui le précède et que ce sont les images mentales qui le conditionnent et non l'inverse. Ors, à quoi nous sert ce «flatus vocis», sinon, à démontrer que nous sommes dans le cadre existentiel d'une coopération réciproque, nécessaire à la survie dans un environnement plus qu'ardu et qui nécessite un dialogue, chacun donnant à son tour une information considérée comme un investissement. Un investissement rentable, puisque l'information est utile, intéressante, et qu'on est le premier à en faire part pour être accepté dans la coalition qui nous apportera une protection contre les aléas de la vie. D'autre part, la coalition grâce aux individus parlant prendra des décisions efficaces car le langage, avant tout, sert à afficher une qualité essentielle au succès de la coalition par anticipation sur les autres. L'idée de l'écriture et son arrivée dans l'histoire comme dira Jack Goody représente un moyen d'archivage d'information qui pallie à la faiblesse et l'incertitude de la mémoire humaine et en même temps une communication de la parole. Il démontre qu'avec les savoirs scripturaux ou graphiques ne sont pas seulement des procédés mnémotechniques mais le produits d'aptitudes nouvelles induites par les problèmes graphiques que pose l'usage de l'écriture qu'elle soit de nature pictographique ou logographique. L'écriture s'inscrit alors dans la même démarche que la parole comme le développement d'aptitudes mentales métacognitives dont les informations sont des investissements. L'écriture induit des démarches mentales nécessaire au développement de savoirs rationnels et objectifs, une démarche tout à fait scientifique qui produit une culture écrite et un mode de discours qui fixe l'éphémère et dont l'apprentissage, la maîtrise, la lecture demandera un mode d'initiation au cours des siècles. D'ailleurs, il semble impossible à l'écriture de reproduire fidèlement la parole. En premier lieu parce que la parole s'énonce dans un contexte qui lui donne du sens, mais aussi parce que cette parole s'accompagne d'implicites, d'un langage non verbal (hauteur de voix, clignement d'yeux, gestes, intonations...) ou non phonique, et que la lecture ou le décodage ne se pratique pas de façon microscopique, mais macroscopique. C'est alors que l'écriture et la parole deviennent un art initiatique, chacun chargé de ses mystères. Sans l'appui du livre, aucune tradition n'est possible. D'ailleurs l'homme porteur de sa mémoire est condamné à la finitude. Il est mortel et la progression est inéluctable. Il passe son savoir à d'autres mémoires, à d'autres hommes mais les mots s'effacent, se métamorphosent et se transposent. Ils trahissent le sens du premier «flatus vocis» dans le prolongement et le transfert, même si l'essentiel persiste, car l'acte énonciatif semble soutenir une sorte de filigrane mental du texte oralisé, une sorte de charpente invisible liée à une intention...Celle du premier souffle qui retient un registre rituel dans un registre profane et inversement entre parole qui raconte et parole écrite, et ce qu'il reste, qui réside et qui fait la valeur véritable, c'est la pensée qui s'y retrouve inscrite sous forme implicite... La pensée insufflée, inspirée, qui métamorphose dans l'alchimie fusionnelle du corps et de l'esprit ce passé en présent, ce présent en avenir. Cette pensée qu'il nous faut préserver dans ses supports coûte que coûte, d'arrachepied, mémoire de toute l'humanité Car bientôt, couplés avec la machine, les vecteurs oraux ou scripturaux ne seront plus nécessaires. Notre détachement à l'environnement sera tel que seule notre pensée virtuelle sera communicante et que les supports disparaîtront. Il nous faudra chercher l'art écrit, manuscrit, peint, chanté au-delà de nous- mêmes et trouver loin de la machine cet essentiel à partager. Mystère et nourriture du pain intellectuel qui satisfait la faim, nourrit les idées, transmet les valeurs et fédère la coalition autour d'une culture Humaine liée à la terre, créée à l'image, et inspirée par le souffle...