Cette semaine, je voulais rendre un hommage sincère à la richesse de la littérature marocaine d'aujourd'hui à travers ses auteurs et surtout le soutien d'une maison d'édition belge, Maelström Reevolution. Récemment, à Paris, s'est tenu le Marché de la poésie, à Saint-Germain des-Prés. A cette occasion, j'ai pu rencontrer de nombreux auteurs et des éditeurs passionnés. Notamment David Giovanni, un éditeur belge qui a développé au fil des années de petits livrets de performance poétique à bas prix, qu'il a baptisé Bookleg. En décembre dernier, dans le cadre de la saison artistique et citoyenne organisée à Bruxelles, cet éditeur a lancé une nouvelle collection, Daba Maroc, qui allie oralité et écriture. Parmi les 18 auteurs marocains qui y ont participé, nous en avons retenu cinq. Abdallah Zrika :le cinéma de l'après-midi J'imagine encore ma grand-mère en train de tisser. Je l'entends pleurer ses défunts proches et lointains. Tisser, pour elle, c'est se souvenir de ses disparus, et tisser des relations avec des femmes qui viennent souvent regarder les couvertures qu'elle fait. Elle casse toujours ce blanc par deux traits noirs. Mais quand elle s'ennuie de ses deux couleurs «basiques», elle fréquente le souk de laine, comme si elle voulait le consulter, ou s'inspirer de ses couleurs et de son vacarme. Elle est toujours agitée, et ne se contente de rien. Son tempérament de femme de caractère ne l'aide pas à se calmer. Son regard trop présent et fouineur la rend redoutable. Je pense que sa «manie» de tisser lui a donné cette passion pour les mots. Une personne qui ne sait pas parler est pour elle une personne morte. Mina Oualdlhadj : la sagesse du fou À quelques jets de pierre de la côte méditerranéenne se terre une modeste demeure parmi d'autres, moins modestes. Une maison sans étage, un deux-pièces pourvu d'une toiture plate aménagée en terrasse. Une natte habille une partie de la plate-forme et une tonnelle de fortune préserve ses habitants des regards indiscrets. Une mère face à sa fille. Une fille face à sa mère. La fille a vingt-quatre ans, la mère la devance de quelque dix-huit printemps. Assises en tailleur, elles s'observent dans une position identique, comme pour être mieux en phase l'une avec l'autre. Mohamed Hmoudane : Parenthèses Boualem, contrairement à ce que j'imaginais, ne parut pas emballé lorsque, de retour à Saint-Denis, je lui racontai dans le détail la «petite saga» de Walid ainsi que le cadre somptueux et idyllique dans lequel il vivait désormais. Le «fabuleux destin» de mon vieil ami d'enfance, même émaillé d'épisodes croustillants, le laissait indifférent mais ne manquait pas néanmoins de l'irriter. «Un pédé faux Juif devenu gigolo, tu appelles ça un fabuleux destin, toi ?» Youssef Fadel : partir La prof. Mon collègue s'est occupé des entraînements. Moi c'est juste l'organisation du voyage. La directrice. Le voyage ? Parce qu'il y a un voyage ? La prof. On ne vous a pas dit ? La directrice. Eh bien figurez-vous que non. La prof. On jouera le premier match le vendredi à Séville, le samedi à Malaga et le retour est prévu pour le dimanche. Il s'agit d'un tournoi important pour le prestige de notre école. J'ai tout préparé. J'ai travaillé toute l'année pour organiser ce voyage. La directrice. Séville, Malaga, et quoi encore ? Jalal El Hakmaoui : ce que je n'ai pas dit à Al Pacino Je suis venu sur cette terre obscure Avec le nez d'Al Pacino (Le vrai Al Pacino regarde vers le Haut) Pour voir ces enfants danser sur les rythmes des bendirs de l'apocalypse & déchirer leurs vêtements pour faire sortir Des nouveau-nés forts et rudes & frapper avec leur manche sur le ventre du message oriental Prendre d'assaut les affiches des salles de cinéma... Les déchirer en miettes & accrocher à leur place la photo d'un homme qui s'appelle le supplice du tombeau (Donnant l'accolade à Bush Jr) *Journaliste et agent littéraire à Paris