Victime d'une Bourse sans profondeur Difficile de juger ce déclassement, mais le message, qu'on le veuille ou pas, est perturbant : la Place de Casablanca, autrefois classée «Emerging Market», descend dans l'indice MSCI et rejoint le pallier «Frontier Market». A première vue, ce ne pourrait être qu'un avertissement de mauvais augure. L'ignorer, ou tenter de lui trouver une allure «opportuniste», c'est courir le risque d'en aggraver les conséquences. D'abord, il y a les faits : la Bourse de Casablanca vit une crise qui dure depuis cinq ans. La faible liquidité (manque de papier, baisse radicale des transactions...), conjuguée à l'érosion lente et régulière du marché, pénalise la Place casablancaise et en fait un «dark Pool». Dominique Brutin, ancien patron de la Bourse de Paris, n'a pas tort de dire qu'il faut beaucoup de choses pour sécuriser les portefeuilles. Lors d'une conférence, lundi à Casablanca, sur les «enjeux et les perspectives du marché boursier », M. Brutin était catégorique : d'abord, il faut rassurer l'investisseur par la transparence notamment dans les cas d'OPA. D'un autre côté, au-delà d'une réglementation adaptée et respectée par tous, «il est fondamental pour une Bourse, comme celle de Casablanca, d'avoir dans son escarcelle des marchés des dérivés (taux, matières premières, change, prêt-emprunt...). Ce ne sont pas là des paroles dans l'air. La misère de la Place de Casablanca ne peut cacher le déclin de toute l'économie nationale. Pourrions-nous l'ignorer ? Non ! De leur côté, les gestionnaires de la Place disent, depuis plus d'un an déjà, disposer d'un plan beaucoup plus vaste et ambitieux... et qui pourrait bouleverser l'ordre du «dark Pool» qui règne depuis plusieurs années. Sauf que ce processus de réforme prend encore du temps à se concrétiser. Pour l'heure, c'est le vide. On constate encore que les signes de faiblesse sont là. Et «le marché a horreur du vide». Là, encore, il semble qu'on a mis la charrue avant les bœufs. Les textes de loi, c'est bien, mais pas suffisant pour redonner vie à un marché foncièrement chétif et rétif. Cela mérite un débat public permanent, si l'on veut restaurer la confiance durablement et retrouver une large base d'investisseurs pérennes. En France, par exemple, on compte quelque 7 millions d'investisseurs individuels. Chez nous, on avance un chiffre de quelque milliers seulement !. L'actionnariat populaire, qui a connu un succès dans les pays développés, a besoin d'être réinventé au Maroc. La balle revient au camp des politiques. A plus long terme, se pose la question du Hub régional ou de l'intégration maghrébine. Le chemin va être long et douloureux, sans le moindre doute.