Cette semaine, je vous invite à un petit voyage littéraire dans les transports en commun parisiens ! Eric Fottorino, ancien directeur du Monde a signé il y a quelques semaines « Suite à un accident grave de voyageur, un petit roman publié chez Gallimard. Un extrait étant parfois le meilleur moyen de découvrir un livre, je vous propose ces quelques lignes : «En septembre 2012, à quelques jours de distance, trois personnes se sont jetées sur les voies du RER, derrière chez moi, dans les Yvelines. Un vieillard, une mère de famille, un homme qui n'a pu être identifié. À la violence de leur mort a répondu le silence. Il ne s'est rien passé. Nul n'a désigné la souffrance par son nom. Une voix neutre a seulement résonné dans les haut-parleurs de la gare : « Suite à un accident grave de voyageur... » Nos vies ont pris un peu de retard. A cause de trois détresses qui n'ont jamais existé.» Ce livre d'à peine plus de 60 pages est une des plus surprises de cette année et je le recommande aux lecteurs, nombreux, qui empruntent chaque matin ces lignes de banlieues. Suite à un accident grave de voyageur, d'Eric Foororino (Gallimard)Retour à Paris avec la réédition récente du livre de Daniel Bialot paru en 2004. Un homme marche dans Paris. Il a été ramassé quasi mort à la fin de la Seconde Guerre mondiale par des soldats américains sur une route parsemée de cadavres et porte un matricule sur l'avant-bras gauche. S'il a tout oublié de l'enfer traversé, il ne sait plus non plus ce que fut sa vie d'avant la déportation. A-t-il une famille ? Des enfants ? Un métier ? Doté par défaut d'un prénom de hasard, il réapprend à vivre dans une capitale française qui, comme lui, veut panser ses plaies. Bribes et souvenirs lui reviennent au fur et à mesure de ses déambulations et des quartiers traversés. Un nom frappe sa mémoire : celui d'une station de métro. Son passé est là, tout près, il le sent. Pourra-t-il enfin renouer les fils d'une mémoire occultée ? La station Saint Martin est fermée au public, de Daniel Bialot (Editions Libretto). Notre voyage se poursuit, cette fois au métro Rome, au cœur de l'hiver. Un clochard écrit son journal : il y raconte ses journées et ses nuits, les passants, les humiliations et les petites victoires quotidiennes contre le froid, la faim, contre les autres aussi... Parmi tous les visages qui défilent sur le quai de sa station et qu'il se plaît à observer, l'un se détache, relié à son passé, celui d'une jeune musicienne qu'il guette tous les jours, pour le simple plaisir de la voir passer. Au fil des pages, sa vie d'avant la rue ressurgit par bribes et prend une place de plus en plus importante. Il était pianiste, autrefois, plutôt doué, mais il n'a pas su saisir sa chance. Il est devenu l'accompagnateur d'Ariane, jeune violoncelliste prodige mais instable, et a fini par apprendre son lourd secret : depuis un malaise sur scène, elle ne ressent plus rien ; elle mène ses auditeurs à des émotions inouïes, mais elle-même n'en éprouve plus. Un événement tragique et mystérieux a fini par les séparer, de manière irrévocable, et c'est ce que le personnage cherche à oublier en dormant, en buvant de plus en plus, en s'enfouissant dans des musiques mentales. Porté par une écriture à la fois crue et poétique, Station Rome est un roman qui ne peut pas laisser indifférent. Le lecteur est tenu en haleine jusqu'aux toutes dernières pages et la révélation finale ne pourra que vous surprendre. Station Rome, de Vincent Pieri (Mercure de France). Balancer dans les cordes Belle nouvelle cette semaine avec le très prisé Prix SNCF du Polar 2013 qui revient au très jeune auteur Jérémie Guez. L'histoire nous plonge dans l'univers noir de la banlieue parisienne. Tony est un jeune boxeur ; garçon sans histoires, il consacre sa vie au sport, prépare son premier combat pro et se tient à l'écart des trafics qui rythment la vie de sa cité. Mais il doit composer avec une mère à problèmes, qui se laisse entretenir par des voyous. Tout dérape lorsque l'un d'entre eux la bat et l'envoie à l'hôpital. Tony décide de faire appel à Miguel, le caïd de la ville, pour étancher sa soif de vengeance. Mais dans ce milieu, rien n'est jamais gratuit. La faveur demandée à un prix, celui du sang. Tony, qui doit payer sa dette, entame alors une longue descente aux enfers... Une plume acérée, une intrigue parfaitement maitrisée. Son Prix SNCF du Polar n'est qu'un juste retour des choses ! Balancer dans les cordes, de Jérémie Guez (J'ai lu) * Journaliste, éditeur et agent littéraire à Paris