Aller en plein hiver à l'endroit le plus froid de la planète. Cette idée qui donne des frissons dans le dos et qui paraît si fantaisiste, voire «suicidaire», a pourtant trouvé preneur en la personne d'Abdallah Essadiq. Ce natif de Kénitra, la soixantaine épanouie, qui a l'amour de l'aventure dans le sang, a déjà plié bagage, il y a quelques jours, vers une destination pour le moins insolite : l'Antarctique, au pôle Sud. A bord d'un vieux et solide bateau de recherche russe, lui, un autre Marocain et une quarantaine de personnes, scientifiques pour la plupart, vont bientôt atterrir au « continent de glace » après une dizaine de jours de trajet où ils auront parcouru pas moins de 14.000 km. L'expédition, à laquelle participent des chercheurs de différentes nationalités (Etats-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande'), a pour but de mener, pendant une quinzaine de jours, des recherches permettant d'explorer des aspects méconnus de la géologie et du climat de l'Antarctique. Il s'agit de la énième mission scientifique dépêchée à cette terra nullius qui fut proclamée en 1991 « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science ». Mais c'est la deuxième fois que des Marocains y participent, à en croire M Essadiq, la première Marocaine ayant foulé ce territoire étant l'astronome Meryem Chadid (en 2006). Si cet homme d'affaires qui a fait fortune aux Etats-Unis où il a passé près de 20 ans avant de revenir s'installer au Maroc, a jeté son dévolu sur une destination aussi originale, c'est pour un motif autre que la recherche scientifique ou la sensibilisation à l'environnement. « C'est par un pur désir de découverte et d'aventure que je m'y rends. Je suis tout excité à l'idée de voir la nature à l'état brut, qui n'a pas été jusque là polluée ni profanée par l'action de l'homme, et qui n'appartient à personne. Ce sera aussi l'occasion d'admirer les icebergs géants qui s'étendent à perte de vue et d'observer de plus près la faune et la flore maritimes dans toute leur splendeur. Bref, c'est une expérience que je ne pense avoir nulle part ailleurs ! », a-t-il confié à la MAP peu avant son départ. Son périple ne sera pas cependant de tout repos, eu égard à l'inclémence du climat et à l'inaccessibilité du terrain. En hiver, la température chute en Antarctique à près de -90°, la vitesse du vent peut atteindre jusqu'à 300 km/h et les amoncellements de neige forment des banquises (couches de glace) épaisses de plus de 50 centimètres. Pour avancer dans cet immense désert de neige au milieu des brises les plus spectaculaires, il faut, outre un moral d'acier et une grande endurance physique, un matériel et des vêtements appropriés. « Il faut, avant tout autre chose, se tenir au chaud et au sec en se munissant de lourds vêtements imperméables, bonnets et bottes en caoutchouc. Il ne faut surtout pas oublier d'emmener avec soi des paires de jumelles et un appareil photo pour immortaliser des moments aussi exceptionnels », note-t-il. Des torches puissantes figurent aussi parmi les indispensables du voyage, « puisqu'entre novembre et février, il fait nuit tout le temps en Antarctique », relève M Essadiq. Cette situation ne présente pas que des inconvénients : chaque jour est l'occasion d'assister à l'aurore polaire, un phénomène naturel qui ne se produit que dans les pôles Nord et Sud. Il se manifeste par une sorte d'arc-en-ciel de couleurs chatoyantes, à dominante verte, qui illumine le ciel nocturne, offrant un paysage époustouflant qui semble sortir tout droit d'un univers onirique ou du tableau d'un artiste surréaliste. C'est que tout est extrême dans le continent antarctique ! En matière de voyages d'exploration, M Essadiq n'en est pas à sa première expérience. « J'ai déjà traversé les eaux de l'Islande, réputées être les eaux les plus difficiles du monde. Ma femme, qui me partage la passion du voyage, m'a toujours tenu compagnie lors de mes précédentes escapades. Cette fois-ci, vu la nature de la destination, elle a hésité au départ, et n'a changé d'avis que tardivement, lorsqu'il ne restait malheureusement plus de place à bord du vaisseau». Séduit par l'endroit, l'aventurier, père de cinq enfants, dit n'éprouver pas la moindre anxiété à l'idée de partir se jeter ainsi dans l'inconnu. « Cela fait belle lurette que j'ai commencé à mûrir ce projet. J'ai toujours été fasciné par ces documentaires qui présentent des paysages pittoresques comme on en voit rarement dans la vie. Je me suis dit alors que, si jamais l'occasion se présente, j'irai en Antarctique. Maintenant que le moment est venu de concrétiser mon fantasme, je me considère comme un homme comblé ! », raconte-t-il, voix vive et regard exalté.