La Résurrection des pierres (En hommage à toutes les victimes du tremblement de terre qui a détruit la ville d'Agadir, le 29/2/1960, à 23h40) Une nuit Cela s'est passé ainsi Etait-il tremblement? Etait-il mugissement ? Etait-il ébranlement? Etait-il grognement ? Etait-il fracassement? La terre a-t-elle gémi ? La mer a-t-elle débordé ? La montagne s'est-elle irritée ? Le ciel a-t-il pleuré? Les anges ont-ils envoûté les endormis ? Les endormis ont-ils été condamnés? Dieu n'avait-il aucune pitié? Qu'importe ! Les anges ont déserté Les pierres ont avalé la cité La charogne a ravi les endormis Les décombres les ont broyés Les chiens ont aboyé Les chacals ont hurlé Les hiboux ont hululé Les hyènes ont ricané La mort s'est installée Les endormis ont trépassé Les cadavres se sont entassés Les corbeaux ont voilé le ciel Odeur d'apocalypse, goût de fiel Le sang a inondé l'océan Et l'océan a vomi le sang Cela s'est passé ainsi Une nuit... Le poète s'en est allé En quête de coquillages océaniques Habité par des rêves nostalgiques Hanté par des visions apocalyptiques Déchiré par des pensées mélancoliques Le poète s'en est allé En quête d'un horizon clément En quête d'un soleil fondant Dans le bleu du firmament Il s'en est allé Chercher son entité dans les parchemins Chercher son présent et son demain Chercher sa main, chercher son pain Chercher l'absent dans le présent Chercher le présent dans l'absent Chercher la pluie et le vent Chercher la vie et le printemps Chercher le rire d'une fille rebelle Qu'il a faite sienne Qui l'a fait sien Qui lui a donné cette envie inouïe De demeurer encore en vie Après cette tragédie Le poète s'en est allé Chercher la mémoire des revenants Evaporée dans l'espace et le temps Le poète s'en allé Loin de sa cité En quête de vérité Le poète s'en est allé Le poète se prosterne Devant son livre sacré Devant son encrier tari Devant l'encre qui noircit Les cils de sa feuille Le poète se prosterne Et se souvient L'amour ne peut avoir Que cette sagesse du prophète Que cette folie du poète Que cette liberté du vent Que cet infini de l'océan Que cette patience de l'arganier Que cette résistance de l'olivier Que cette volupté du rivage Que cette éternité du voyage ... Et l'itinéraire obéit Aux pas du bohémien Ira-t-il loin ? Nous reviendra-t-il demain ? Qu'importe ! Le poète se prosterne Et se souvient... De l'autre côté de l'horizon De la lame pourpre du néant Du cœur battant de la terre Des abysses de l'enfer Ils nous reviennent Etrangers, égarés, errants Sourds-muets, morts-vivants Dans la panique Le tumulte et la houle Les cris déchirants de la foule Les gémissements effrayants des pierres Ils nous reviennent Miraculés, survivants Mais l'espoir les attend Il se lit dans leurs yeux brillants Ils soulèvent la destinée de la cité Vers les cieux Telle le phénix Agadir émerge de ses cendres Renaît de la ténacité des biceps De la sueur des pelles Du sang des fourches Et de la peine des hommes Agadir revit Sur la cime fière de l'aube Vêtue de sa plus belle robe Elle brandit son flambeau Et épouse la vie Dans la noce du pluriel Pour devenir une rose Dans le cœur du poète: AGADIR!