Face à l'enthousiasme du gouvernement espagnol à la suite de l'annonce officielle de la visite au Maroc de son président, Mariano Rajoy, le lobby anti-marocain d'Andalousie ne cesse de manifester son hostilité aux exportations marocaines vers l'Union Européenne (UE). Bien qu'il soit conscient du préjudice que pourrait provoquer sa permanente attitude en rupture avec la volonté des hautes autorités politiques de son pays d'inaugurer une nouvelle étape dans les relations amicales avec le Maroc, ce lobby multiplie les gestes d'hostilité et change de rôle entre ses partenaires. Après la campagne contre la tomate marocaine, menée tambour battant par l'Association Agraire des Jeunes Agriculteurs d'Andalousie (ASAJA), est venu le tour d'un autre lobby plus structuré et plus aguerri. Il s'agit de la Fédération Andalouse des entreprises Coopératives Agraires (FAECA), un conglomérat d'associations embrassant l'ensemble des activités agricoles et agissant à tous les niveaux allant de la production jusqu'à l'exportation et la promotion de leurs produits à l'extérieur. Son objectif va au-delà de ceux d'ASAJA puisqu'elle se déclare déterminée à mener la bataille contre l'ensemble des exportations agricoles marocaines vers l'espace communautaire et remettre en cause les accords passés en cette manière et ceux que les deux parties comptent souscrire. C'est un défi lancé au nouveau gouvernement espagnol et à Rajoy qui devra, mercredi prochain, assurer les hautes autorités marocaines de la ferme et sérieuse disposition de l'Espagne d'enterrer définitivement les instruments de harcèlement et de dénigrement des institutions du royaume, y compris le respect de ses intérêts économiques. Il est certain que l'attitude du lobby agricole espagnol agit dans une communauté autonome où le Parti Populaire compte diriger à l'issue des prochaines élections régionales, le 25 de mars. Tous les pronostics le plébiscitent grand vainqueur avec la possibilité d'obtenir la majorité absolue et former le futur gouvernement andalou. C'est là où gît le grand dilemme du gouvernement. D'une part, Rajoy tend la main au Maroc en effectuant une visite d'amitié au royaume, de l'autre, la section de son parti en Andalousie, agit pour des intérêts électoralistes dans le but d'arracher aux socialistes la direction de l'un de leurs fiefs traditionnels. C'est Javier Arenas, président du PP d'Andalousie et vice-président national de ce parti pour les affaires territoriales, qui prêche un discours belligérant à l'égard des intérêts du Maroc en appuyant ouvertement les campagnes contre ses exportations agricoles. Pourtant, la région d'Andalouse est unie au Maroc par une multitude d'actions dont des projets de développement dans le nord du Maroc, la présence d'une forte communauté marocaine et diverses initiatives s'inscrivant dans le Projet Européen de Coopération Transfrontière financé par le fonds Européen de Développement Régional (FEDER) qui favorise la délocalisation d'entreprises andalouses au Maroc. Les échanges commerciaux entre le Maroc et l'Andalousie représentent d'autre part 17% du volume total des échanges entre les deux royaumes, soit un chiffre d'affaires de 950 millions d'euros à titre de 2009, selon les statistiques disponibles auxquelles a eu accès Albayane. Plus de 300 projets de coopération et de développement andalous ont été réalisés au Maroc entre 1999 et 2009. C'est dans ce contexte qu'interviennent les réactions du PP et le lobby agricole en Andalousie. La dernière en date est rendue publique, vendredi dernier, par la FAECA qui se déclare prête à mener la guerre contre le nouvel Accord Commercial entre l'UE et le Maroc. Dans un communiqué, la fédération croit que la commission du Commerce International du Parlement Européen doit rejeter, au cours de sa séance du 25 janvier, ce projet d'accord qui, selon elle, aura des «conséquences très négatives pour les agriculteurs et coopératives» d'Espagne. Toutefois, la FAECA reconnaît que l'accord porte des aspects «positifs pour l'ensemble de l'UE» mais sera «défavorable au secteur horto-fruiticulteur espagnol», particulièrement pour «le producteur de tomates, concombres, courgettes, fraises et agrumes». La fédération énumère les variations que contemple le nouvel accord et signale que le texte prévoit « une importante augmentation du contingent de tomate avec un régime douanier spécial, qui passera de 233.000 tonnes annuellement à 285.000 tonnes en 2014 ». De même, les exportations de « a courgette passera de 25.000 à 50.000 tonnes, celles du concombre de 5.600 à 15.000 tonnes, de la clémentine de 130.000 à 175.000 et de l'ail de 1.000 à 1.500 tonnes ». Le projet d'accord mentionne d'autre part l'ouverture de deux nouveaux contingents pour la fraise marocaine de 3.600 et 1.000 tonnes respectivement en avril et mai, des mois qui « coïncident avec les périodes de productions espagnoles». De son côté, la Fédération espagnole d'Associations de Producteurs et Exportateurs de Fruits, Légumes, Fleurs et Plantes Vives (FEPEX), accuse le Maroc de la perte de 15.000 postes de travail et de la baisse de 300.000 tonnes des exportations espagnoles vers l'UE de produits agricoles en Andalousie et à Murcie durant les dix dernières années. Ces attitudes démesurément hostiles au Maroc sont démenties par la réalité des chiffres des exportations agricoles espagnoles vers l'espace européen. Jusqu'à fin décembre dernier, les exportations de fruits et légumes avaient progressé de 9% pour atteindre 10,4 millions de tonnes, reconnaît la FEPEX dans un rapport de conjoncture rendu public début janvier. La valeur de ces exportations a également augmenté de 1,5% uniquement en octobre dernier par rapport à la même période de 2010, signale la FEPEX. De janvier à octobre dernier, note la même source, les exportations espagnoles de fruits et légumes se sont élevées à huit millions de tonnes (plus 12%) pour une valeur de 6,677 milliards d'euros (plus 0,2%). En repassant ces statistiques relatives aux exportations espagnoles de fruits et légumes et celles de leurs homologues marocaines, la différence paraît abyssale. Pourtant, de nombreuses entreprises espagnoles opèrent dans l'agro-industrie marocaine alors que d'autres aspirent à délocaliser une partie de leurs productions devant la saturation du marché espagnol. C'est dans ces conditions que Rajoy entreprend sa première visite au Maroc en tant que président de gouvernement. D'autant plus, dans l'agenda bilatéral, vient aussi le message pressant des pêcheurs andalous qui aspirent retourner dans les eaux territoriales marocaines.