Le 31 janvier 2011, lors d'un sommet de l'Union africaine (UA) tenu à Addis-Abeba, le chef du Polisario, Mohamed Abdelaziz, s'est permis de demander aux participants d'adopter des mesures pour l'adhésion de la «République arabe sahraouie démocratique» (RASD) aux instances internationales, notamment l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies (ONU). Pour étayer son argument, le chef de file de la mouvance séparatiste a invoqué la Déclaration de Tripoli de l'UA, adoptée en 2009, et son rôle, en ce qui concerne la paix et la sécurité en Afrique, dans la consécration de la «volonté du continent» en matière de parachèvement de la décolonisation à travers l'organisation d'un référendum d'autodétermination à «options multiples». Une lecture sereine de cette déclaration révèle que le dirigeant du Polisario avance un procédé manipulateur à la veille de chaque fait structurant de la conflictualité saharienne notamment en amont de l'adoption des résolutions du Conseil de sécurité, ou avant la tenue d'une session de négociation afin de «mettre la pression» sur les instances internationales intéressées, notamment l'ONU. La manipulation phraséologique du Secrétaire général du front séparatiste avait un autre objectif : réaffirmer les positions du Polisario comme étant une entité intransigeante, sourde aux appels provenant du Maroc pour un règlement réaliste et négocié du conflit saharien. L'objectif de telles déclarations est de remettre en cause la position du Maroc. Celui-ci est conforté par ses choix stratégiques qui se matérialisent via le développement socio économique des provinces du Sud, la consolidation démocratique dans ses dimensions, constitutionnelle et territoriale notamment, et la présentation du Projet marocain d'autonomie (PMA), qualifié par la majorité des acteurs internationaux de «sérieux et crédible». Ce qui constitue en soi un gage de bonne volonté du royaume. Mohamed Abdelaziz ne s'est pas privé, dans le même discours, de s'en prendre à la France, et ce, à un triple titre : d'abord, pour «manœuvrer dans les coulisses onusiennes contre la paix au Sahara occidental», ensuite, pour refuser l'établissement de mécanismes pouvant aider à «protéger les populations des violations et des abus » et, enfin, pour être «à l'origine du retard enregistré dans la résolution de la question sahraouie». L'enjeu ici est de décontextualiser, tacitement, le soutien français au PMA en le présentant comme un soutien aux thèses marocaines. A l'évidence, les griefs du dirigeant polisarien, formulés à l'encontre de la France, sont dénués de fondement, celle-ci ayant agi conformément aux lourdes responsabilités qui lui échoient en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. Le même scénario s'est quasiment reproduit lors de la célébration du 35e anniversaire de la proclamation de la pseudo RASD dans le camp des réfugiés à Aousserd, au mois de mai 2009, et ce, en présence d'une délégation officielle algérienne. En cette occasion, Mohamed Abdelaziz a exhorté les grandes puissances internationales à prendre les «mesures nécessaires», y compris des «pressions» et des «sanctions» contre le Maroc, afin de mettre fin au conflit saharien qui entrave la paix, la stabilité et l'intégration de la région. Mohamed Abdelaziz a demandé, par la même occasion, au gouvernement espagnol d'assumer ses responsabilités en tant que «puissance administrante et responsable juridiquement du territoire». Il a également lancé un appel au gouvernement français pour qu'il cesse de «soutenir la thèse expansionniste marocaine» et a demandé à l'ONU de «respecter (...) ses engagements visant la décolonisation (...)». A cet égard, le Secrétaire général du Polisario - en même temps président de la « RASD » - a insisté sur l'urgence d'élargir le mandat de la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO) au monitorage de la situation des droits de l'Homme. Au jugement de Mohamed Abdelaziz, l'urgence alléguée se justifierait par l'exigence de libérer immédiatement les «prisonniers politiques» sahraouis détenus au Maroc. Trois autres constats peuvent encore être déduits de l'analyse du discours officiel du Polisario : l'affichage, trompeur, de l'attachement du mouvement séparatiste à la légalité internationale ; l'adoption de postures victimaires pour s'assurer la sympathie de l'opinion publique internationale ; la menace récurrente d'en appeler aux armes, tentation qui en dit long sur l'origine identitaire et la marque de fabrique du Polisario. En fait, cette menace est en passe de devenir un leitmotiv dans les discours des responsables du Front Polisario. Il n'est que de citer, pour s'en convaincre, la déclaration de Khatri Addouh, président du «parlement» de cette mouvance, en marge du 35e anniversaire de la création de la «RASD», n'excluant pas, expressément, le retour à la «lutte» armée. En greffant une telle stratégie de communication aux nouvelles configurations de la scène internationale, le Polisario se donne un triple objectif : brouiller le privilège statutaire du Maroc dans les négociations, véhiculer des allégations mensongères liées au PMA et à la situation des droits de l'Homme au Sahara et s'appliquer à s'affirmer sur le plan international comme un interlocuteur crédible et digne de confiance. Faut-il rappeler ici que, au regard du droit international, la «RASD» ne remplit pas les critères minima requis pour bénéficier d'un statut étatique, à savoir être une entité disposant d'un territoire, d'une population, d'un pouvoir politique organisé et d'une reconnaissance internationale la plus large possible ? Sur un autre registre, à l'occasion de la destruction de 1506 mines antipersonnel à Tifariti, le 28 février 2011, Mohamed Lamine Bouhali, alors «ministre» de la défense de la «RASD» a exprimé la «préoccupation» du Front Polisario devant «l'intransigeance du régime marocain et sa non adhésion aux traités internationaux qui visent à débarrasser l'humanité des armes». Par la même occasion, l'ancien dignitaire polisarien a pris soin de dénoncer, devant les représentants d'une Organisation non gouvernementale (ONG) dénommée, Appel de Genève, le mur divisant le Sahara tout en soulignant les risques que représentent, selon lui, la «zone tampon» en matière de déminage. Il est évident que les propos dudit « ministre » s'inscrivent dans la même ligne propagandiste adoptée par la direction du Polisario visant à démontrer l'implication de la « RASD » dans l'action internationale en matière de désarmement notamment dans le domaine de l'éradication de mines antipersonnel. Il s'agit d'une méconnaissance de taille de la portée conventionnelle du droit international, la signature et la ratification d'un traité international étant un acte éminemment souverain qui traduit la volonté librement exprimée d'un Etat d'adhérer à un arsenal juridique à base conventionnelle. L'on comprend dès lors pourquoi, s'agissant de la Convention dite d'Ottawa sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, le Maroc, à l'instar de nombreux pays tels, les Etats-Unis, la Chine ou encore la Corée du Sud, ne juge pas encore opportun d'y adhérer. S'agissant du mur «sécuritaire», et contrairement à ce qu'avance le Polisario, il constitue un rempart contre toutes les formes d'infiltrations et de menaces, notamment terroristes, susceptibles de fragiliser davantage la sous-région à cause de l'existence d'un mouvement armé, ne remplissant au regard du droit international, aucun titre de responsabilité étatique. Argument d'autant plus probant que, de nos jours, le Polisario est soupçonné de complicité avérée avec de nombreux réseaux terroristes, de trafic d'armes et de drogues, implantés dans la zone sahélo-saharienne. De ce qui précède, on remarque que les responsables du Front Polisario optent pour une «stratégie» de communication pour le moins dualiste puisqu'ils essayent d'adapter la teneur de leurs discours à leurs destinataires. Quand il s'agit des membres permanents du Conseil de sécurité, des grandes puissances et de l'ONU, les responsables du mouvement séparatiste montrent leur attachement à la légalité internationale. Devant des organisations humanitaires ou des pays tiers, ils usent d'une rhétorique victimiste. En toutes hypothèses, dans l'un et l'autre cas de figure, le discours polisarien prend appui sur une démarche offensive pointant du doigt une prétendue violation des droits de l'Homme pratiquée par les autorités marocaines à l'encontre des partisans de la thèse séparatiste. On le sait, ces griefs sont loin d'entamer l'image internationale du Maroc en matière de respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Et pour cause : le royaume, comparé à la plupart des pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, a acquis désormais le label de modèle référentiel en matière de démocratisation. Incontestablement, le Maroc a fait des progrès considérables en matière de consolidation des droits et libertés fondamentaux. Ces efforts ont été concrétisés par la création, le 3 mars 2011, d'un organisme public pluraliste conforme aux standards internationaux en vigueur, en l'occurrence le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), en remplacement du Conseil consultatif des droits de l'Homme. Cette nouvelle institution se distingue par des dispositifs de proximité destinés à la protection et à la défense des droits des citoyens dans toutes les régions du royaume, y compris, évidemment, dans les provinces sahariennes. Zoom sur le CEI Créé en 2004 à Rabat, le Centre d'Etudes Internationales (CEI) est un groupe de réflexion indépendant, intervenant dans les thématiques nationales fondamentales, à l'instar de celle afférente au conflit du Sahara occidental marocain. Outre ses revues libellées, «Etudes Stratégiques sur le Sahara» et «La Lettre du Sud Marocain», le CEI initie et coordonne régulièrement des ouvrages collectifs portant sur ses domaines de prédilection. Sous sa direction ont donc été publiés, auprès des éditions Karthala, « Une décennie de réformes au Maroc (1999-2009)» (décembre 2009), « Maroc-Algérie : Analyses croisées d'un voisinage hostile» (janvier 2011) et «Le différend saharien devant l'Organisation des Nations Unies» (septembre 2011). En avril 2012, le CEI a rendu public un nouveau collectif titré, «La Constitution marocaine de 2011 – Analyses et commentaires». Edité chez la LGDJ, ce livre associe d'éminents juristes marocains et étrangers à l'examen de la nouvelle Charte fondamentale du royaume.