«Les pionniers du cinéma marocain rejetés» Invité au Festival international du film transsaharien (FIFT), qui a eu lieu entre le 8 et le 11 novembre courant à Zagora, Abdelkader Moutaa, artiste comédien et figure emblématique du cinéma, du théâtre et de la télévision marocains depuis les années 60, n'a pas mâché ses mots, dans cet entretien avec Al Bayane, sur le cinéma marocain actuellement. Al Bayane : Quelle est la réalité actuelle du cinéma marocain ? Abdelkader moutaa : Faut pas m'en vouloir si j'avance que le cinéma marocain n'existe guère et, personnellement, je ne connais le cinéma marocain que depuis que celle-ci était en noir et blanc et ma dernière participation au cinéma remonte à 1978. Le récent film de Saïd Naciri «Les bandits», où je suis apparu, n'était pas un film au vrai sens du terme, il était enregistré par vidéo. Le cinéma pour moi, c'est la prise de vue par «NEGATIF» comme c'était le cas pour «Ouachma» de Hamid Bennani, lauréat des grandes écoles françaises du cinéma. C'est aussi le cas pour Ahmed Elbouanani et Mohamed Abderrahman Tazi, directeur de la photographie, le meilleur dans le monde arabe dont je ne sais pas pourquoi il a intégré la réalisation, et Mohamed Saquât un cameraman de grande qualité. Tous ceux-ci ont créé le cinéma marocain et n'ont jamais été vendeurs d'olives tels la majorité des comédiens et réalisateurs actuels. En tout état de cause, pourquoi toutes ces académies si ce n'est pour former des réalisateurs et acteurs de carrière. Concernant les générations de notre époque, elles sont simplement rejetées. Hassan Al Joundi, Abdelatif Hilal et Mohamed El Khalfi qui étaient les pionniers du cinéma marocain et l'histoire de celle-ci en sont les témoins. Quant à la télévision, c'est la fenêtre par laquelle nous pénétrons dans les foyers de nos téléspectateurs avec des rôles artistiques bien ficelés, respectueux et avec un grand mérite de notre part. Est-ce pour cette raison qu'on connaît une percée de la sitcom ? Est-ce une alternative ou une contrainte pour parer à l'oisiveté artistique ? Le sitcom est une sorte de «Drama légère», et personnellement j'aime les arts dramatiques, opéra, opérette et théâtre de la rue qui sont en relation étroite avec le rôle, la personnification et qui représentent un plus pour mon expérience personnelle. Cependant, le rythme de la sitcom n'est pas celui d'une série télévisée. La sitcom est un genre artistique aimable et accepté par tous. Les grands et les petits. C'est aussi une manière de faire la joie et la gaieté du téléspectateur, un moyen pour que continue la vie sans problèmes matériels. Qu'en est-il du Festival international du film transsaharien ? Zagora est une belle ville historique, qui a connu l'afflux de différentes cultures et différentes ethnies. Et c'est de là que Zagora tire ses lettres de noblesses et pourrait être la ville du cinéma par excellence et la ville des festivals de cinéma avec mérite, grâce à ses intellectuels et sa culture locale. A cet effet, les organisateurs de cette manifestation culturelle sont obligés, afin de donner au FIFT la place qu'il mérite parmi les festivals nationaux, au même titre que celui de Marrakech par exemple, de penser à l'élaboration du scenario du festival. Un scenario qui soit original, c'est-à-dire purement marocain et culturellement local. Ceci, étant donné que Zagora est connue par ses danses folkloriques, telles «rakba» et «aqllal». Par la même, il n'est pas déconseillé de procéder à un coursier pour vulgariser le programme du jour à travers les souks de la ville, et c'est ainsi qu'on ajoute une touche spécifique et originale à cette activité. Y a-t-il un projet de production d'un court métrage par l'association du festival ? Ce serait une bonne idée. Mais cela nécessite obligatoirement que le film produit soit l'exemple d'un travail presque parfait, teinté de professionnalisme et d'expérience, parce que dans ce genre de création rien ne sera laissé au hasard, du scenario à la réalisation. Propos recueilli par Aziz Laâfou de Zagora