Que serait l'image culturelle et surtout cinématographique sans la veine documentaire insufflée par les films d'Izza Genini ? Sûrement elle serait amputée d'un grand élan lyrique et d'un fond riche de connaissances. Car tout le travail de cinéma de cette dame intelligente est axé sur deux piliers constitutifs d'une grande part de la culture marocaine: la musique et la judéité typiquement marocaine. Et il faut l'entreprendre pour s'en assurer. Ce qu'elle a fait durant une longue carrière faite de recherches, de musique, et d'images vivantes. Et on ne peut que s'émerveiller devant les dizaines de films qu'elle a réalisés. Sensibles, pleins d'émotions, originaux, et dont la touche personnelle est indéniable, empreinte d'amour et de passion pour son pays, le Maroc, dont elle perpétue la mémoire vivante, objectif de départ et d'arrivée afin d'en dire l'ampleur de l'apport culturel au monde. Ça a commencé vers les années soixante-dix où elle participa à l'éclosion du cinéma national en lui conférant avec fougue son cachet de cinéma intellectuel, en ce temps où le nombre de films était visiblement réduit. Et ce, avec la production et la promotion des films tels l'interdit « Mille mains et une main » de Souheil Ben Barka ou le mythique « Transes » de Mohemmed Maanouni que la grand Martin Scorsese a mis en bonne place dans son choix des meilleurs films de l'histoire du cinéma. Entre autres. C'est dire que le départ était un choix de taille, d'une pionnière. Puis ce fut la production personnelle imprégnée de la vivacité des sujets élus. Plonger dans la mémoire collective, racler le fond des souvenirs collectées, aller à la rencontre des vivants pour tracer la vie et l'apport d'une partie de la population marocaine que les aléas de l'histoire tantôt ancrent dans la fertilité de la terre, tantôt fait voyager à travers le monde entier. Les Juifs marocains. Là on ne peut que saluer cette œuvre majeure qu'est « Retrouver Ouled Moumen », récapitulatif imaginé et remis à fond à partir d'un vécu multiple de l'histoire millénaire des juifs de notre pays, compatriotes de nos ancêtres, et légateurs d'une partie de notre mémoire commune qu'on continue de respirer et de célébrer dans nos rites et us. Film où la réalisatrice sonne le glas, découvre pour les oublieux de leur origine fondatrice ce qui les fait vivre et signale en tant qu'hommes et participants au tumulte du monde dans les cinq continents. Et on a tous besoin de notre fondement premier. Nos marocains de l'ailleurs un peu plus que nos autres respirant l'odeur de la terre de la Chaouia arabe ou la Montagne amazighe ou la splendeur des jardins des villes impériales tel Fès. C'est là où le cinéma agit, fédère, musulmans et juifs, de langue arabe, amazighe ou hébreux, de cette empire prospère d'antan, nation libre d'aujourd'hui, et qui essaie d'intégrer son glorieux passé au présent moderniste approprié. On ne pourrait passer sous silence cet apport. Car dans selon le même souci fondateur, Izza Génini investit le champ le plus fédérateur de toutes les différences et toutes les aspirations, la musique. Et le Maroc en est tellement riche. Ce furent les œuvres de «Voix du Maroc», global inventaire sommaire de nos expressions de chants et de danses, avec leur infinie variété. Aita, Malhoun, Andaloussi, Ahwach, Ahidous... et autres, tous donnés à voir, magie du cinéma du réel oblige, dans leurs milieux originaux, dans la vie de tous les jours, sans exclusion ni préférence. Juste en montrant leur créativité inhérente. Ces films sont des morceaux de bravoure défiant les contrastes et les différences. Ils nous restituent, grâce à cette artiste hors pair, notre pays, notre Maroc de tous les temps, l'éternel qui vit en nous partout dans le monde. Izaa Genini fait éveiller les marocains de tous les horizons à leur conscience constitutive. Celle qui leur a donné leur cachet spécifique. Avec la manière et dans l'art. Les autres ne peuvent que les admirer. Izza, qui porte un prénom originel, du fond du terroir, celui des origines particulières, des femmes créatrices. Izza, un prénom voyageant entre Paris et Casablanca.