Intrinsèquement liée au caractère souple de la séparation des pouvoirs mise en place au Maroc par le nouveau texte constitutionnel, la collaboration des pouvoirs comprend deux aspects principaux : d'une part, la mise en place de mécanismes de contrôle et de censure réciproques entre les détenteurs du pouvoir exécutif et le parlement, et d'autre part, la mise en place de dispositions constitutionnelles permettant à l'exécutif de légiférer dans certains cas précis, clairement définis par la Constitution marocaine, telle que promulguée le 29 juillet 2011. Il conviendra de s'attarder ici sur le second aspect susmentionné, afin de définir les différents moyens d'action dont disposent les pouvoirs, législatif et exécutif. Ainsi, on entend par collaboration des pouvoirs, dans un régime de nature parlementaire, les rapports constitutionnellement établis entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, et qui sont définis par la coopération qui s'établit entre eux, puisque le maintien du gouvernement dépend systématiquement de l'appui que lui apporte le parlement. S'il arrive que le gouvernement perde un vote décisif ou ne bénéficie plus de la confiance de la Chambre des représentants, il sera amené à démissionner. Généralement, suite à cette démission collective, se tiennent des élections législatives anticipées, puisqu'entre temps le chef de l'Etat aura certainement dissous le parlement dans son ensemble ou plus vraisemblablement la seule Chambre des représentants, responsable de la chute du gouvernement. Ainsi, le système politique mis en place au Maroc est relativement complexe et s'apparente à ceux adoptés par les Etats européens parlementaires, dont le but ultime est d'endiguer toute pratique arbitraire et d'éviter toute forme d'abus lié à l'exercice des attributs de la souveraineté. Rappelons également que ces dispositions sont consubstantielles à l'installation de la démocratie dans le pays, et renseigne sur l'effectivité de la séparation des pouvoirs au Maroc. De cette manière, un régime politique fondé sur une collaboration des pouvoirs a tendance à soumettre le gouvernement à un contrôle continu exercé par l'institution parlementaire. Le régime marocain est d'ailleurs qualifié de parlementaire en raison notamment de la prépondérance du parlement sur le gouvernement. De cette manière, et notamment grâce aux dynamiques internes ayant cours au sein des formations partisanes, les chefs de parti exercent un ferme contrôle sur le vote de leurs élus au parlement. De plus, du fait du mode de désignation du chef du gouvernement, nommé par le roi parmi les cadres du parti politique arrivé en tête des élections législatives, et de la formation d'une coalition parlementaire rationnelle et solide autour de ce parti, le chef du gouvernement se retrouve être, soit directement, soit indirectement, celui qui procède au contrôle des décisions parlementaires au sein de la majorité. La nouvelle Constitution interdisant la transhumance en cours de mandat parlementaire, les élus des deux Chambres n'oseront maintenant que très peu s'opposer à leur groupe parlementaire, pour ne pas risquer d'en sortir. De cette manière, ni le gouvernement, ni le parlement ne sont subordonnés l'un à l'autre. Il n'existe aucune hiérarchie entre eux, dans la mesure où ces organes, disposant respectivement des pouvoirs, exécutif et législatif, disposent tous deux de moyens juridiques et politiques d'action réciproque, et maintiennent ainsi un équilibre institutionnel se traduisant au niveau du pays par une stabilité politique incontestable. * Créé en 2004 à Rabat, le Centre d'Etudes Internationales (CEI) est un groupe de réflexion indépendant, intervenant dans les thématiques nationales fondamentales, à l'instar de celle afférente au conflit du Sahara occidental marocain. La conflictualité structurant la zone sahélo-maghrébine constitue également l'une de ses préoccupations majeures. Outre ses revues libellées, «Etudes Stratégiques sur le Sahara» et «La Lettre du Sud Marocain», le CEI initie et coordonne régulièrement des ouvrages collectifs portant sur ses domaines de prédilection. Sous sa direction ont donc été publiés, auprès des éditions Karthala, «Une décennie de réformes au Maroc (1999-2009)» (décembre 2009), « Maroc-Algérie : Analyses croisées d'un voisinage hostile» (janvier 2011) et « Le différend saharien devant l'Organisation des Nations Unies» (septembre 2011). En avril 2012, le CEI a rendu public un nouveau collectif titré, «La Constitution marocaine de 2011 – Analyses et commentaires». Edité chez la LGDJ, ce livre associe d'éminents juristes marocains et étrangers à l'examen de la nouvelle Charte fondamentale du royaume.