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Livre/Essai : «Espagne-Maroc : plaies non cicatrisées» (Partie 10)
Publié dans Albayane le 08 - 08 - 2012

«España - Marruecos : Heridas sin cicatrizar» (Espagne-Maroc : plaies non cicatrisées) est le titre d'un essai sociologique qui vient de paraître en espagnol à Madrid. Ecrit par le journaliste-sociologue marocain, Mohamed Boundi, l'ouvrage décortique le discours des médias espagnols sur le traitement de la question marocaine et explique les causes qui
motivent la persistance dans le temps et dans l'imaginaire collectif espagnol d'un ensemble de préjugées, stéréotypes et images déformées de la société marocaine.
(p. 97-103)
Le dénouement dramatique des batailles qui ont précédé la débâcle d'Anoual est intervenu dans une courte période de treize jours, du 15 au 28 juillet 1921 :
15: proposition de Sylvestre au Haut commissaire du Protectorat Damasco Bérenger de créer une base côtière de soutien à Anoual. L'escadrille ne s'est pas mobilisée.
18-21: échec des dernières tentatives de venir au secours du détachement militaire d'Igueriben.
19: envoi du premier d'une série de télégrammes de désespoir de Sylvestre demandant au Haut Commissaire des aides de secours d'urgence.
21-22 : dans de successives réunions, Sylvestre et ses officiers décident de se retirer en direction de Ben-Tayeb. Le retrait en débandade d'Izoumar, se convertit en un désastre. Mort de Sylvestre et chutes en cascades des positions militaires de défense.
23: intervention risquée des Cazadores de Alcantara (chasseurs d'Alcantara) et arrivée du Haut Commissaire de Melilla Damasco Berenguer dans la nuit.
24: mort du capitaine Amador à la tête de sa compagnie durant une charge a la baïonnette.
25 : capitulation d'Araujo à Dar Quebdani
28: le général Navarro est encerclé dans le mont Laroui. La position intermédiaire « A » est tombée et le dernier soldat espagnol sur le front est tué.
La débâcle dans le Rif avait violemment secoué la société espagnole en ce juillet 1921, et demeure, 90 ans après plus tard, comme une référence dans l'histoire militaire universelle.
A cause de l'ampleur de la défaite, le gouvernement d'Allende Salazar a présenté sa démission et un nouveau gouvernement, dirigé par Antonio Maura, fut nommé par le roi Alfonso XIII. Quelques jours après, le Conseil Supérieur de Guerre et de la Marine, a décidé d'élucider les circonstances dans lesquelles est survenu la défaite de l'une des grandes armées européennes. Le général de division Juan Picasso Gonzalez, qui a été chargé de cette mission, s'est engagé à déterminer le degré de responsabilité du Commandement Général de Melilla durant les mois de juillet et août 1921 en rapport avec cette défaite et l'abandon des positions, de « concrétiser les responsabilités » et de ne pas se limiter à évoquer des « faits circonstanciels, conséquence naturelle et obligée des erreurs ». A l'issue de neuf mois d'investigation sur le terrain, Picasso a remis le 18 avril 1922 au Congrès des Députés un rapport de 2.433 pages accompagné d'un résumé de 294 pages. En dépit des tentatives au sein du ministère de la Défense d'introduire des rectifications concernant certains récits et témoignages défavorables au Haut commandement militaire, une « Commission Parlementaire de Responsabilités » fut constituée le 10 juillet 1923. Toutefois, le parlement n'a jamais pu débattre en plénière ce rapport. Le 13 septembre 1923, le capitaine général de Catalogne, Miguel Primo de Rivera, a pris le pouvoir à la suite d'un coup d'Etat militaire. Il a décidé la dissolution du parlement et l'instauration de la dictature, et, d'enterrer ce rapport. Le texte a de nouveau réapparu et fut soumis au parlement avec l'avènement de la Deuxième République. Le résumé élaboré par Picasso ainsi que les rapports de ladite commission ont été publiés, en 1931. Pendant la dictature du général Franco, ce document a été totalement ignoré jusqu'à 1976, année à laquelle le même résumé (294 pages) a été publié, hors de l'Espagne, avec un prologue du syndicaliste et écrivain anarchiste Diego Abad de Santillán sous le titre : « Documents relatifs à l'information instruite par le général de Division Juan Picasso sur les responsabilités des actes commis au Maroc en juillet de 1921 ».
Il a fallu attendre 1998 pour découvrir une parte de ce document dans les archives du parlement. Toutefois, il manquait dix principales pièces d'un total de 2.148 pages, une annexe de 82 pages et une autre de 203 pages contenant divers témoignages. Finalement, le résumé du rapport a été édité en un seul volume, en 2003, sous le titre : « El expédiente Picasso, las sombras de Annual » (trad. : rapport – Picasso : les zones sombres d'Anoual » (Almena, 2003).
Le général Picasso considère que le Haut Commissaire du protectorat, le général Berenguer et le chef du commandement général de Melilla, le général Navarro, avaient agi par négligence alors que le général Sylvestre par imprudence.
Ce volumineux document conclut en fait sur un réquisitoire contre le laissez -aller des militaires, l'absence de coordination au sein de la chaîne de commandement et l'orgueil débordé et chevaleresque de certains hauts officiers qui sous - estimaient les forces de l'adversaire. Le rapport a néanmoins passé sous - silence, par omission ou par volonté délibérée, l'audace des combattants rifains. Il a également évité de reconnaître l'habileté dont avait fait preuve Abdelkrim Khattabi qui a su comment mobiliser ses adeptes dans un terrain peu propice mais idéal pour acculer les bataillons de l'armée espagnole à faire face à une nouvelle tactique de guerre basée sur le harcèlement de l'armée régulière que les chroniqueurs ont baptisée « guerre de guérilla ».
Le texte porte la griffe d'un militaire orthodoxe et discipliné qui était prêt à défendre l'honneur de ses collègues tués sur le champ de bataille. Dans ses conclusions, il laisse entendre que la principale cause de la débâcle militaire réside dans la stratégie que le général Sylvestre avait choisie au moment crucial de la bataille. Cette hypothèse réduit intentionnellement à néant la présence des combattants rifains, qui étaient mus par l'esprit patriotique. Lisons ce qu'il écrit dans la page 318 de son rapport :
« La position fut abandonnée par tous ses éléments, sans ordre, ni instructions, en toute hâte, sans connaissance ni de plan, ni de directive ni la moindre idée visible que celle de sauve-qui-peut, par la fuite honteuse des uns, inexplicable des autres et déplorable dans les deux cas. Comme se sont avérés inutiles les efforts de quelques uns pour contenir cette avalanche, il est impossible de faire la description exacte de ces moments de panique, décrits de différentes manières dans les récits de différents témoins dont on ne peut tirer qu'une triste impression de douleur ».
Dans son rapport, le général Picasso exprime son désespoir pour la mort des colonels Morales et Mandela et soutient que nul général ne désire mettre fin à sa carrière dans un dénouement aussi tragique. Il rend ainsi un hommage posthume à ses amis d'armes, dans la page 319 de son compte-rendu:
« Mort ou disparu le général Sylvestre, il est certain qu'en ce moment s'éclipse définitivement son étoile en laquelle, selon un témoin, avait confiance ()...) et qui s'est éteinte pour toujours à Anoual (...). Il demeure clair que parmi les lueurs et la certitude que l'orientation et les procédés employés dans notre Zone de Protectorat du Maroc avaient été, seront et parait-il qu'ils continuent d'être t
otalement erronés dans tous leurs aspects ».
Le récit d'un témoin oculaire, repris par l'écrivain – journaliste Manuel Leguineche, dans son ouvrage (trad.) « Anoual 1021 : Le désastre de l'Espagne dans le Rif » (Alfaguara, 1996), reconnaît dans la page 250 l'horreur sur la scène de la bataille et l'ingéniosité des combattants rifains:
Nous n'étions pas préparés pour cette offensive parce qu'il n'y avait pas de moral au sein de la troupe, ni moyens ni provisions ni armes adéquates (...) Mais les rifains d'Abdelkrim cédaient du terrain dans l'attente de saisir leur opportunité. Ils l'avaient eue et s'en étaient profitée à merveille".
A l'issue de la bataille d'Anoual, la Guerre du Rif va entrer dans une nouvelle dynamique avec le recours à d'exceptionnels équipements et l'intervention de l'aviation. A l'origine des échecs de l'armée dans le protectorat et des changements à la tête du commandement militaire à Melilla, des voix de protestation se sont élevées dans toute l'Espagne, dans la presse et au parlement réclamant l'anéantissement d'Abdelkrim et de ses combattants. En peu de jours, le désastre militaire d'Anoual a pris l'allure d'un désastre humain dont les acteurs sont les troupes qui se sont livrées aux razzias dans les villages assiégés, aux représailles contre les familles des combattants d'Abdelkrim et à la punition collective de la population civile. Recourant à des méthodes impitoyables, l'armée a incendié, dans son avance sur le territoire, les terrains « conquis sans résistance », rapporte le correspondant du quotidien Heraldo de Madrid, dans son édition du 12 décembre 1921. Les militaires appliquaient ainsi la loi du vainqueur à un territoire qui est placé sous la protection de son Etat.
En face, Abdelkrim s'est consacré, à la suite des victoires des combattants rifains, à introduire des réformes dans la zone qu'il contrôlait et que l'armée espagnole ne peut occuper. Il a créé une administration moderne, nommé à la tête de chaque village un caïd, éliminé le système d'amendes et construit des maisons d'arrêt pour y mettre les délinquants.
Poussés par la clameur de l'opinion publique, la fureur des parlementaires et les critiques de la presse, les militaires ont décidé d'entreprendre une nouvelle campagne dans le Rif avec « la guerre chimique » comme élément additionnel, écrit l'historienne Maria Rosa de Madariaga dans une étude sous le titre « Guerre chimique dans le Rif : 1921-1927 », publiée en avril 2003 dans la revue Historia. Anxieux d'obtenir une victoire rapide, les militaires ont opté pour « la terre brûlée » avec l'introduction de l'aviation pour terroriser la population rifaine et anéantir les derniers carrés de résistance. Cette tactique constitue sans nul doute un aspect nouveau dans le cours des opérations militaires dans la mesure où ces zones seront soumises jusqu'à juillet 1927 à de violents bombardements sélectifs de bombes à gaz. Ces bombardements vont coïncider avec le moment où une usine de Melilla a commencé à produire des bombes de gaz de différentes dimensions. Au début, les appels se sont limités à des missions de reconnaissance et de prise de photographies du champ de bataille pour évaluer les forces de l'adversaire. Les bombardements ont commencé sur ordre des officiers supérieurs qui se sont rendus compte des grandes pertes de l'infanterie dans les monts du Rif et l'incapacité de progresser dans les zones entourées de fortifications et d'embuscades. Pour terroriser la population et les combattants rifains, les pilotes arrosaient avec des bombes et des gaz les villages et les marchés. Dans une chronique du 20 décembre 1921, le correspondant de guerre de Herlado de Madrid encensait l'aviation avec ces termes :
Nos escadrilles d'aviation bombardaient les champs et villages des moros, semant ainsi la terreur et la confusion au sein des villageois. Ce procédé nous paraît très efficace. Ces bombardements doivent continuer sans interruption et avec la même intensité (...). Les forces coloniales doivent le faire en employant des moyens offensifs que l'ennemi ne peut disposer; la supériorité, la civilisation et les ressources doivent pour une fois servir à quelque chose. L'avion est une arme magnifique, non seulement pour les pertes matérielles qu'il provoque mais aussi pour l'effet moral qu'il produit.
Dans une autre chronique du 23 décembre de la même année, le même correspondant a appuyé sans encombre les méthodes violentes de l'armée :
Il faut doter notre armée du matériel de guerre le plus moderne : aéroports et gaz asphyxiant, canons de lancement ainsi que d'autres moyens offensifs que la science a inventés pour détruire l'ennemi et le terroriser (...). La cruauté et la brutalité se trouvent dans la guerre elle-même mais en acceptant le fait violent de la guerre, signifie qu'il faut l'accepter avec toutes ses conséquences.
A suivre ...


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