Les piémonts d'Agadir occupent encore une fois l'actualité, ces derniers temps. Depuis le début de la semaine, le fameux Ighil Ouderdour, quartier anarchique situé dans la zone sud-est, au versant de la montagne et au pied des lits d'oueds en hibernation, est en ébullition houleuse. Cette localité piémontaise qui connaît aujourd'hui un mouvement sans précédent de constructions illicites, débouchant sur la naissance d'un second quartier hybride, s'insurge avec virulence contre les forces de l'ordre. Ces dernières qui reçoivent désormais l'ordre ferme de ne plus permettre l'acheminement des matériaux de construction vers les bâtisses en dur, sont soumises à des ripostes acerbes de la part des populations déchaînées. mardi dernier, en allant faire un tour d'inspection dans les lieux, le Caid de l'arrondissement de Hay Mohammadi s'est compati devant sa bagnole violemment corrigée par des manifestants enragés, au vu et au su de tout le monde. Il peut s'estimer heureux d'en sortir indemne, au regard de cette ire débordante. Le lendemain, en début d'après midi, des dizaines de centaines d'habitants se sont rués vers le carrefour sis à la nationale 8, en angle avec le Boulevard Aderrahim Bouabid, menant à la double voie du Hay Mohammadi. Arrivés sur ce giratoire stratégique qui bonde de flux circulatoire, les cohortes humaines barricadent toutes les issues, provoquant ainsi des bouchons des plus asphyxiantes. Certains ont même déposé sur les chaussées des blocs de pierres bloquant systématiquement le passage des véhicules qui causèrent d'interminables embouteillages. L'anarchie bat son plein, alors que les forces de l'ordre éparpillées dans les alentours par dizaines temporisaient afin d'éviter des accrochages musclés, car les banlieusards, pour la plupart des jeunes fort excités, étaient prêts à récidiver de plus belle. Quelques heures plus tard, en dépit des interventions répétées des autorités, on se mit à délibérer en pleine route encombrée qui ne tolère plus les va et vient des véhicules et prit la décision de dépêcher un comité de négociation à la Wilaya. La situation semble dramatique et prend de plus en plus des tournures très compliquées. «Le lot de terrain que j'ai acquis à plus de 2000 dh le mètre carré ne me servirait plus à rien si on m'interdisait à le bâtir. Il fallait stopper cette hémorragie avant que les citoyens ne se soient mis à acquérir les parcelles à construire !», s'indigne un manifestant qui ne se contrôle plus. «Je ne comprends plus rien ! C'est à ce moment là qu'ils empêchent les gens de construire, après que le quartier s'était élevé, des années durant, sans le moindre souci. Il faudrait tout détruire alors !», rétorque un autre dans le même ton de révolte. Il est bien vrai que les responsables paient aujourd'hui très cher leur comportement longtemps entaché de laxisme voire de complicité corrompue, car ce quartier, à l'instar d'autres semblables des piémonts, était monté en toutes pièces avec le soudoiement suspect des agents d'autorité et des élus d'antan qui «fermaient l'œil» devant ces illicéités déconcertantes, moyennant des tarifications selon la tête des clients et des voix électoralistes. A qui en vouloir maintenant ? Aux citoyens qui ont fui la flambée des prix exorbitants exigés par les promoteurs immobiliers dans les divers coins de la cité et de la spéculation meurtrière du foncier ou bien aux autorités et conseillers qui se frottaient les mains des rentes corruptives, sans se soucier du devenir de ces contrées bâtardes. Une question qui traduit bien la dépravation qui ronge toujours les centres de gouvernance et le déficit dont pâtissent les secteurs sociaux de notre pays.