Le Barça, l'osmose des blaugrana et le Réal, le galactique des merengues font frémir les marocains, partout dans le royaume. Les fans des deux super idoles sortent, après chaque prouesse de l'une ou de l'autre, dans les rues faire exploser leurs allégresses peut-être plus hystériquement que les hispaniques respectifs eux-mêmes et plus ardemment qu'une performance des icônes marocaines, le Wydad et le Raja. Une bizarrerie invraisemblable qui ne fait que s'incruster au fil du temps, en dépit des divergences politiques qui font surface, de temps à autres, entre les deux pays voisins. Aujourd'hui, la péninsule ibérique traverse une crise financière causant plus du quart de la population active, acculé au chômage, sans que le Maroc, profitant de cette fébrilité ravageuse, n'enfonce davantage le fer dans la plaie. Tout naturellement, c'est au moment où « l'ennemi » fléchit que son vis-à-vis aiguise les crocs de la riposte. Allusion faite aux vieux différends frontaliers entre les deux riverains autour des présides nordiques, Ceuta et Melilla. Non, loin de monter au créneau pour faire avancer cet indolent dossier, des dizaines de décennies durant, la diplomatie marocaine continue à épargner l'ancien conquistador, en pleine émeute populaire contre les actuelles mesures de paupérisation, prise à la hâte pour endiguer la récession asphyxiante. Pis encore, les instincts franquistes ne cessent de piétiner les sentiments d'orgueil, quand, récemment, le ministre de l'Intérieur espagnol, Jorge Fernandes Diaz, se paie le luxe de fouler le sol de Melilla, avec des gerbes d'hommage posthume dédiées à ses anciens compatriotes tombés sur ces terres spoliées, lors de la glorieuse bataille d'Anoual en 1921. Un défi défiant toute la chronique et suscitant un profond malaise dans le cœur et la mémoire d'une Nation qui avait enfanté de valeureux résistants de la trombe d'Abdelkrim Khattabi. Melilla, symbole de cette épopée nationale « glorifie », maintenant, en son arène qui vibre encore aux sons de la grande victoire de la bravoure marocaine, la défaite cuisante, brandie sans vergogne par un dirigeant du gouvernement espagnol. Ironie du sort : d'un côté, on eut jamais de cesse de commémorer les soldats vaincus, au cœur de cette terre subtilisée et, de l'autre, on s'obstine à déshonorer, par l'oubli et l'inaction, l'héroïsme d'une belle époque. Ni l'Histoire nationale, encore moins la conscience collective n'ont daigné faire de cette date homérique, à juste titre, un sursaut de reconnaissance, mais également un déclic d'appartenance qui hisseraient très haut les gloires d'une ère légendaire. Alors que nos voisins du nord ne manquent guère «d'immortaliser» les soldats de la débâcle, même s'ils éclaboussent la dignité nationale. Devant de telles controverses qui s'acharnent à fomenter des coups durs à notre Histoire authentique, longtemps tronquée par nos historiographes officiels, commandités au bon vouloir du Makhzen, l'affaire Melilla et Ceuta sonnerait, sans doute, le glas d'une ère révolue. On ne saurait être partisan de belligérance, après tant de pondération dont le Maroc a toujours fait preuve, pour revendiquer de plus belle la justesse historique et la légitimité territoriale de nos présides confisquées. A commencer d'abord par éterniser, en euphorie et liesse populaires, la bataille d'Anoual et resplendir la flamme de son principal déclencheur qu'on a constamment voulu, à tort, en occulter les luisances. La réécriture et la divulgation à grande échelle, de notre passé populaire, enfoui dans les méandres des scribouillages fallacieux, s'avèrent des nécessités impérieuses dans une Nation agissante qui est déjà parvenue à tourner la page des années de plomb et ouvrir celle de l'équité et de la réconciliation nationales. L'actuelle initiative de la diplomatie marocaine de réclamer auprès de son homologue espagnole d'ouvrir une enquête approfondie sur le scandale relatif au déversement, en 1921, des gaz chimiques sur toute la région rifaine, causant des dégâts épouvantables dont les cas cancéreux se présentent en réelles calamités humaines. Tous ces faits inciteraient, assurément, à une prise de conscience nationale qui mènerait, sans nul doute, à embrasser des issues salvatrices aux entités marocaines encore sous le joug colonial. Ces revendications légitimes n'empêcheraient jamais les mordus de la balle ronde marocaine de chérir le Réal ou le Barça, non pas parce que ces deux géants du football mondial n'ont pas d'égal, car des calibres similaires tels le Milan AC ou encore l'Arsenal n'ont rien à envier, mais que la proximité, le voisinage et surtout la coexistence au temps colonial ont tissé, depuis toujours, des cordons de communion indélébiles. Marocains et espagnols sont, donc, condamnés à vivre dans la sérénité et la paix, mais aussi dans le respect des appartenances et des identités mutuelles.