Le chef de la diplomatie française a choisi l'Algérie pour sa première visite officielle dans un pays arabe, conjoncture bilatérale et régionale oblige. Les rapports entre Paris et Alger demeurent en dents de scie, avec plus de « bas » mais que Laurent Fabius souhaite en faire plus de «hauts». De plus, la situation au Mali, mais également dans deux pays maghrébins, la Tunisie et la Libye, où la nébuleuse Al Qaïda a tiré profit, à la faveur des révoltes populaires, du climat d'instabilité que ces deux pays ont connu. Le déplacement du ministre français des Affaires étrangères, même si la coopération bilatérale classique est à l'ordre du jour, est plutôt motivé par l'inquiétude de la France face aux infiltrations d'éléments d'AQMI aux frontières et dans la région du Maghreb, après leurs succès au Nord du Mali. Ce qui réconforte la position du mouvement qui avait prêté son allégeance à Oussama Ben Laden. Cette nouvelle situation a imposé une ré-hiérarchisation des priorités d'Alger. La dernière réunion de l'UMA a constitué une première en matière de coordination sécuritaire au Maghreb, face aux menaces potentielles qui visent la stabilité de cet espace. Les deux ministres ont notamment abordé le conflit du Mali, aujourd'hui divisé entre une capitale sans réel gouvernement et un Nord occupé par deux groupes islamistes armés, Ansar Dine (Défenseurs de l'islam) et le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), alliés d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). M. Medelci estime que Paris et Alger ont le même son de cloche. «Nous avons constaté que nous avions exactement la même clé d'analyse et les mêmes objectifs en ce qui concerne le Sahel et le Mali, ajoutant que l'unité du Mali doit être préservée et que la lutte contre le terrorisme doit rester la priorité». Par ailleurs, lors de sa visite, Laurent Fabius a abordé la relation Algérie-Maroc, estimant qu'elle doit être «apaisée». «La France est extrêmement favorable à tout ce qui peut apaiser les relations entre l'Algérie et le Maroc», a-t-il affirmé. «Nous voyons avec beaucoup d'intérêt un certain nombre de mouvements dont a fait allusion le ministre algérien des Affaires étrangères Mourad Medelci qui vont dans le sens de cet apaisement parce que le Maroc et l'Algérie sont de grands pays, des pays qui sont amis de la France», a ajouté M. Fabius lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue algérien à l'issue des entretiens qu'ils ont eu dimanche soir à Alger. Mourad Medelci, pour sa part, a notamment affirmé qu' «aujourd'hui, nous pouvons noter avec beaucoup d'espoir que la relation entre le Maroc et l'Algérie est une relation apaisée» et elle «est en train de se reconstruire». Selon lui, les relations entre les deux pays sont en train de «se reconstruire y compris pour les questions concernant la frontière, qui est aujourd'hui non pas un sujet tabou, mais un sujet tout à fait ouvert», et «en cours d'évaluation », n'écartant pas la réouverture à un moment non précisé des points de passages fermés par Alger en 1994 De même, il a relevé que les relations entre les deux pays sont en train «de gagner en densité et en substance depuis quelques mois et que cela serait une très bonne chose au moment où nous sommes en train de remettre à l'ordre du jour et de manière concrète nos ambitions maghrébines». En ce qui concerne la question du Sahara, le ministre algérien a rappelé qu'elle était entre les mains du Conseil de Sécurité des Nations unies et que les positions diamétralement opposées du Maroc et de l'Algérie n'avaient pas empêché l'Union du Maghreb arabe (UMA) de se créer en 1989... Nombreuses et d'horizons divers sont les voix, aujourd'hui en France, qui plaident pour une réconciliation entre Alger et Rabat, afin de réussir la lutte contre le terrorisme menaçant et les réseaux de drogue qui lui sont affiliés. A la veille de la visite de Fabius en Algérie, le quotidien «Le Figaro» est sans ambages et revendique une «alliance des deux grands Etats», le Maroc et l'Algérie, en tant que nécessité qui devient de plus en plus pressante, à la lumière des derniers développements au Sahel. «Ici, tout devrait pousser le Maroc à réaliser enfin cet objectif historique sans cesse repoussé à plus tard, que représenterait une véritable réconciliation avec l'Algérie», écrit-il. «Outre toutes les raisons de politique économique et intérieure que l'on devrait évoquer à la faveur d'une telle entreprise, une circonstance supplémentaire vient à présent justifier un tel bond en avant. La victoire d'al-qaida et de ses alliés proches dans la partie septentrionale du Mali provoque, en effet, une situation inédite», explique-t-il. «Seuls le Maroc et l'Algérie ont les forces et la solidité historique nécessaires pour rétablir l'ordre dans l'Azawad, tout en donnant aux populations arabo-berbères qui y vivent le sentiment qu'elles ne seront plus jamais abandonnées», plaide-il.