L'année 2012 marque l'engagement, pour la première fois au Maroc, du nouveau Gouvernement à travers le Ministère de l'Habitat de l'Urbanisme et de la Politique de la Ville, dans le processus d'élaboration d'une politique nationale de développement des villes, qui s'inscrit dans le cadre des nouvelles dispositions constitutionnelles et de la déclaration du gouvernement. Ce processus fait l'objet d'un débat national afin d'assurer une large adhésion des différents acteurs concernés à la conception, l'élaboration et la mise en œuvre de la politique de la ville. Nos villes connaissent des transformations profondes dues à une urbanisation accélérée (65% de la population habite dans les villes, 75% à l'horizon 2030). Elles se sont développées rapidement dans un contexte économique et social caractérisé par le recul du secteur primaire par rapport aux secteurs secondaire et tertiaire plus attractifs, ce qui a engendré un exode rural massif et continu, maintenu par le retard accusé par le monde rural en matière d'accès aux services de base. On peut dire que nos villes se sont développées avec un déficit en matière de contrôle et d'accompagnement de l'administration, avec notamment pour conséquences une extension urbaine non maîtrisée, une insalubrité patente de nombreux tissus urbains, et une insuffisante couverture du territoire par les documents d'urbanisme. Ce retard s'est souvent trouvé comblé par le système des dérogations, ainsi que par un manque de transparence et d'optimisation de la gestion du foncier public. Dans les grandes villes, l'extension urbaine s'est faite au détriment des noyaux des villes et des tissus anciens (médinas) avec une faible capacité de rénovation et de renouvellement, ce qui a conduit à une recrudescence de l'habitat menaçant ruine, et a porté atteinte au patrimoine historique et architectural des villes, véritable entrave à leur compétitivité et à leur attractivité économique. Les populations des quartiers marginalisés ont accumulé des handicaps socio-économiques et spatiaux (conditions d'habitat, déficit d'infrastructures, sous-emploi, pauvreté, vulnérabilité...) ce qui a accentué la fracture urbaine et a donné lieu à une décomposition progressive des liens de solidarité, un affaiblissement du sentiment d'appartenance à la ville et une montée de la délinquance sous toutes ses formes. Une telle situation est à relever également dans les villes nouvelles, qui souffrent d'un manque d'accompagnement aux plans économique et social. La capacité d'intégration économique, social et résidentielle, par les pouvoirs publics, reste limitée, ainsi que le manque d'intervention des élus locaux dû au faible niveau de décentralisation et de déconcentration, et de la capacité restreinte de prise de décision à l'échelle locale. Ceci n'est pas sans rappeler que les bidonvilles et l'insalubrité de l'habitat en général, ont longtemps constitué un enjeu électoral dans les grandes villes, en particulier à travers les solidarités de groupes et les comportements clientélistes qui ont caractérisé ces tissus. Une telle situation a constitué un frein à la bonne conduite du système de l'unité de la ville, qui a pour but de réduire les disparités spatiales et sociales. Ajouté à cela le mode de scrutin appliqué aux villes composées d'arrondissements, et qui n'a pas permis à ce jour l'éclosion d'une élite locale portant un projet de ville. Gestion non rationnelle, manque d'efficience, de suivi et de contrôle, déficit de concertation et de transparence, apparaissent comme les maîtres-mots et les défis majeurs de la gestion de nos villes. Face à ce constat, les pouvoirs publics ont progressivement pris des initiatives que l'on peut considérer comme des prémices à ce que pourrait être une politique de la ville. Il s'agit du (i) programme «Villes Sans Bidonvilles», des (ii) programmes de mise à niveau urbaine associant départements ministériels, collectivités locales et organismes publics, des (iii) projets INDH fondés sur le ciblage et la convergence des actions de plusieurs acteurs, (iv) des instruments de planification stratégique dont se sont dotées certaines villes (SDV, PCD, Agenda 21 local...). Aujourd'hui, si ces initiatives font face à des contraintes opérationnelles, c'est en partie en raison des dysfonctionnements en matière de gouvernance : faible culture de l'inter-ministérialité, manque de partage de l'information et de la participation, multitude des intervenants au niveau local, limites des ressources financières des communes et sous-qualification de leurs ressources humaines, et tutelle centrale qui reste dominante en termes de prise de décision et d'autonomie de gestion financière. Nos villes sont aujourd'hui confrontées à des défis de taille en vue d'assurer un développement durable. Ces défis sont liés aux priorités économiques, sociales, et environnementales fondées avant tout sur l'équité. Ils résident aussi dans l'aménagement équilibré des espaces, l'attractivité économique, la cohésion sociale, la création d'emplois, l'accès au logement et au foncier, l'accès aux services de base pour tous dans les secteurs de l'éducation, la santé, le transport, l'eau et l'énergie, l'amélioration du cadre bâti et du patrimoine, la gestion des déchets solides et l'assainissement liquide...Comment faire de nos villes des pôles de croissance, de compétitivité, de création de richesses et d'emplois ; des espaces intégrés, inclusifs, solidaires et durables? Questions essentielles auxquelles la nouvelle politique de la ville devrait apporter des propositions constructives, pour un projet de ville partagé avec l'ensemble des acteurs du développement et des citoyens. * Membre du BP du PPS, député, membre du Conseil de la ville de Rabat