Tout en étant engagé depuis une longue date dans la construction de son avenir en partenariat avec l'Union Européenne (UE), le Maroc est fermement attaché à son droit à la différence et à ses particularités, a affirmé lundi le chef du gouvernement, Abdelilalh Benkirane, à l'ouverture d'une rencontre sur les relations maroco-européennes. Les partenaires du Royaume avec lesquels il partage nombre de valeurs dont en premier le respect de la dignité humaine et des droits de l'Homme sont appelés plus que jamais et en particulier à l'heure des mutations en cours dans la monde arabe à respecter le droit du Maroc à la différence et des particularités-atouts qui lui ont permis de relever sans dégât le défi du printemps arabe. Pays musulman, le Maroc n'a rien à voir avec les pays où l'église catholique exerce ses prérogatives parallèlement à celles de l'Etat. Le Royaume a été et est toujours un pays de tolérance où les juifs persécutés en Andalousie se sont repliés pour y vivre sans être inquiétés et sous la protection de ses sultans, a-t-il dit. Feu SM Mohammed V avait dû défier le régime de Vichy, mis en place par les nazis en France, en refusant de livrer aux autorités du protectorat la liste des juifs marocains, dont les survivants évoquent toujours avec fierté et gratitude le noble geste royal. Il a par ailleurs fait savoir que le Maroc a la chance d'avoir un roi, qui est également Amir Al Mouminine, qui a très vite réagi aux revendications des jeunes emportés par le mouvement du printemps arabe, en annonçant une réforme constitutionnelle et toute une série d'autres décisions ayant abouti aux élections de 2011, remportées dans la transparence par le Parti de la justice et du développement (PJD), parti à référentiel islamique. Selon le chef du gouvernement, l'action du gouvernement vise en premier lieu à approfondir les réformes et à mettre en œuvre de manière saine les dispositions de la nouvelle Constitution, fondée sur les valeurs partagées avec les partenaires européens du Royaume. Auparavant, M. Hans Gert Poettering, président de la fondation Konrad Adenauer, membre du parlement européen et ancien président du parlement européen, a rappelé que la construction de l'Europe se fonde sur un certain nombre de valeurs communes que sont la dignité humaine, les droits de l'homme, les libertés fondamentales, la démocratie, la paix et la solidarité collective. Ce sont ces valeurs que l'UE souhaite partager avec ses partenaires dont fait partie le Maroc, a-t-il dit. Dans le cadre de la réalisation du marché européen, il a été procédé, a-t-il rappelé, à la mise en place d'une monnaie unique et du principe de la liberté de circulation. Actuellement, a-t-il dit, l'Europe subit de plein fouet une crise financière et économique, dont la solution lui offre l'opportunité de renforcer plus que jamais ses structures pour se mettre à l'abri d'autres crises éventuelles. L'UE a aujourd'hui tous les atouts pour réussir le pari à travers le dialogue au sein du Parlement européen, chose qui fait défaut aux pays arabes, qui font face en rangs dispersés aux défis de la transition qu'ils vivent. A l'exception du Maroc, tous les pays arabes sont en difficulté, a-t-il dit, estimant que ce ne sont pas toujours ceux qui ont fait la révolution qui l'emportent comme c'est le cas actuellement en Egypte, où les frères musulmans semblent être mieux placés pour gouverner. En attendant, a-t-il estimé, il faut œuvrer dans les pays musulmans pour réconcilier la démocratie avec la foi musulmane, en insistant sur le fait que personne en fait ne détient la vérité absolue et ceux qui prétendent le contraire, finissent toujours par être responsables de pires atrocités. En Allemagne, a-t-il dit, l'Union démocrate chrétienne (CDU) au pouvoir gère les affaires du pays, selon une vision fondée sur la responsabilité chrétienne. Ce qui ne signifie pas qu'elle poursuit une politique chrétienne, a-t-il indiqué. Il a par ailleurs indiqué que la CDU qu'il est possible pour l'UE et le Maroc de parvenir à s'entendre sur un certain nombre de valeurs partagées ayant trait à la dignité humaine et au respect du droit à la vie, qui est un don de Dieu, et à la mise en place d'une économie de marché sociale à dimension humaine. Pour accompagner les réformes en cours dans le pays et mettre en œuvre les dispositions du statut avancé accordé au Maroc, l'UE se doit d'abolir toutes les restrictions et barrières devant ses importations marocaines et accorder aux étudiants marocains un plus grand nombre de bourses d'études, a-t-il noté. Réagissant aux propos du responsable allemand, le ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères et de la coopération, Youssef Amrani, a indiqué que le Maroc ne vit pas de transition, mais qu'il poursuit un processus de consolidation de ses institutions démocratiques, engagé de longue date. Il a rappelé que dans le cadre de la construction de son avenir avec l'Europe, le Maroc a bénéficie en 2008 d'un statut avancé, qui renforce son enracinement historique au sein de l'UE et lui permet une plus grande appropriation de son partenariat avec le vieux continent. A présent, a-t-il ajouté, l'enjeu pour le Royaume est d'aller au-delà de la logique commerciale pour construire avec l'UE un espace de dialogue et de valeurs partagées destinées à créer une nouvelle synergie dans les domaines culturel, agricole, industriel, humain, et sécuritaire et ce dans l'intérêt de toutes les parties, a-t-il expliqué. Le Maroc, a-t-il ajouté, souhaite que l'UE l'accompagne dans sa démarche et dynamique réformatrice en consentant un effort économique et financier supplémentaire. Au-delà de l'accord d'association, le Maroc aspire à la mise en place d'une nouvel cadre contractuel rénové avec l'UE, a-t-il souligné, appelant à la mise en œuvre d'une politique volontariste pour la réussite du projet de l'Union pour la Méditerranée et à la relance de l'Union du Maghreb arabe. L'UE doit assumer ses responsabilités vis-à-vis du Maghreb pour avoir un seul interlocuteur de poids, a-t-il expliqué. Ces différents exposés ont suscité un vif débat au cours duquel l'assistance a reproché à l'Allemagne sa position ambigüe sur la solution de deux Etats pour mettre fin au drame palestinien et son soutien aveugle à Israël. L'Allemagne a une «dette historique envers les juifs», dira à ce sujet M. Poettering. Cette rencontre, la 8ème du genre, est initiée par l'Association Ribat Al Fath pour le développement durable en partenariat avec la fondation allemande Konrad Adenauer sous le thème «les relations Maroc-Union européenne à l'heure des transitions dans le monde arabe», qui représentent pour l'UE «un processus de mutation profonde» et qui «auront des conséquences durables non seulement sur les populations et les pays de la région mais aussi pour le reste du monde et l'UE».