Le patron de la RAM, Driss Benhima, s'est fait invité à la CGEM pour expliquer son plan de restructuration de la compagnie. Dans une sorte de « parlons vrai », Benhima s'est livré à un exercice pédagogique pour expliquer les défaillances structurelles de la compagnie nationale et les contraintes conjoncturelles qui viennent compliquer la donne. Aujourd'hui, la RAM vit une situation très difficile et les perspectives de l'aérien n'annoncent rien qui puisse apaiser les craintes. D'ores et déjà, pour la première fois, pour cet hiver (novembre 2011 à mars 2012), Benhima anticipe une baisse de 11% de l'offre pour la compagnie, dans un contexte de repli généralisé à l'international (-17%). La crise économique et financière internationale, conjuguée aux effets du «Printemps arabe» impacte fortement le secteur du transport aérien. Il est donc «difficile de prévoir une reprise après mars 2012», constate M. Benhima. «Nous sommes dans la double peine: le prix du pétrole continue à augmenter, alors que nos prix -des billets- ont baissé de 19 %». La RAM, pour paraphraser une formule de son président, est malade de ses charges. Des coûts fixes très élevés et des services d'une qualité très approximative, en comparaison avec la concurrence. Des chiffres livrés par le patron de la compagnie, on retiendra, en l'occurrence, une perte de quelque 20 millions DH par semaine ! Des anomalies, il y en a à la pelle, rappelle M. Benhima. Au plan fiscal, la RAM se doit de payer au fisc 1,4 milliard DH (redressement fiscal au titre de la TVA sur l'exercice 2009). Un paradoxe qui intervient à un moment d'exacerbation de la concurrence et de l'arrivée en force des compagnies low cost, au lendemain de la signature de l'accord «Open Sky». M. Benhima dira que le régime fiscal –auquel est soumis la RAM- ne cadre pas avec l'environnement de la compagnie. De plus, sur d'autres activités, la RAM perd beaucoup d'argent. Dans le handling, le chiffre d'affaires a baissé de 17%, soit une perte de 55 millions DH. De même, l'activité cargo (transport de marchandises) est très peu développée. «La RAM ne sait pas faire du porte à porte», selon Benhima. Même dans le pèlerinage, la compagnie continue à jouer le rôle de «caisse de compensation» sur les billets au profit des Marocains se rendant à la Mecque. Bien entendu, depuis 2006, date de libéralisation effective du ciel marocain, et d'installation de Benhima à la tête de la compagnie, la RAM a connu une croissance fulgurante de son activité. Le trafic passagers est passé à 6 millions, la flotte est renouvelée (la moyenne d'âge des avions est de 5 ans) avec projet d'acquisition de deux «Dream liner» de Boeing, les liaisons avec l'Afrique montent en puissance, et bon reclassement au plan régional, en tant que 2ème compagnie africaine. Autrement dit, c'est cette croissance qui semble masquer les difficultés de la boîte et retarder aussi sa restructuration. En effet, la progression d'1 milliard DH du chiffre d'affaires a permis de diluer les coûts fixes de la RAM. Pourtant le cabinet conseil McKinsey avait préconisé, il y a quelques années déjà, la restructuration de la RAM. Cette restructuration n'a jamais eu lieu, mises à part quelques opérations de lifting incolores et inodores. Sauf que, ces trois dernières années, la RAM enregistre une dégradation continue de ses fondamentaux (baisse des recettes et hausses des coûts). D'où l'indispensable restructuration, qui commence d'abord par le licenciement économique de 1.500 personnes entre 2011 et 2013 pour assurer la survie de la compagnie. Le Plan social (qui a pris la forme de départ volontaire) coûtera à la compagnie pas moins de 1,2 milliard DH, entièrement financés par l'Etat. Jusqu'ici tout semble rouler comme prévu. Comme l'offre faite par la compagnie est généreuse, voire unique en son genre, plus de 1.050 personnes ont déjà soumis leurs candidatures au départ volontaire. Chemin faisant, la compagnie n'a pas connu de remous dans ses vols ni dans son exploitation. Le Plan social, entré en vigueur il y a peu, après la signature du contrat-programme avec l'Etat, en septembre dernier, et dont le coût est assez consistant, risque, cependant, d'impacter les comptes de la compagnie au cours de l'exercice 2012. Il faut juste rappeler que le soutien de l'Etat est non seulement nécessaire, mais aussi légal et légitime, au regard des enjeux du transport aérien et du rôle de la compagnie nationale dans la promotion de la destination Casablanca et du développement du tourisme national. Car, on ne peut perdre de vue les défis que le Maroc doit réussir s'il veut assurer son intégration dans la zone de libre-échange euro-méditerranéenne qui interviendrait en principe en 2012. Benhima est à l'œuvre pour mener à bien ce projet de réforme et changer la culture de gestion d'une compagnie qui a sombré dans la paresse et le confort de la protection avant l'open sky.