Paula Wolfert, l'experte américaine en cuisine méditerranéenne, a présenté, cette semaine à New York, un beau livre intitulé "The food of Morocco" où elle propose une "collection personnelle" de recettes de cuisine originelles collectées à travers son parcours initiatique dans le "monde merveilleux" de la cuisine marocaine. "Ses secrets culinaires", elle les a appris, de première main, à l'abri des murs des grandes maisons cossues citadines ou dans le Maroc profond, auprès de paysans avec lesquels elle a partagé "un tagine qui a mijoté à petit feu sur le kanoun". Elle avoue "adorer autant la cuisine raffinée urbaine que rurale où encore celle des pêcheurs du vieux port de Safi". Leur dénominateur commun, les produits simples du terroir. La cuisine moderne ne l'intéresse pas. "Ce n'est pas une cuisine de tous les jours", ce qui la passionne c'est cette cuisine authentique berbéro-arabo-judéo-andalouse, dont sont dépositaires les anciens et qui figure au "menu quotidien du Marocain" quelque soit son milieu et dont elle a saisi l'esprit. "C'est la baraka", dit-elle. Au cours de sa tournée promotionnelle à New York, pour présenter son livre, le 2eme du genre entièrement consacré à la cuisine marocaine, après "Couscous and other good food from Morocco" (couscous et autres riches mets du Maroc, 1973) elle veut communiquer son savoir, dit-elle aux participants réunis dans le cadre d'une rencontre à l'initiative de l'Office national marocain du Tourisme (ONMT). "Depuis, ma cuisine a mûri, gagnée en technique et connaissances". Mais surtout, les produits à la base de sa composition sont désormais disponibles aux Etats-Unis. Aux Américains, elle fait découvrire "citron confit", "huile d'argan", "Ras El Hanout", "viande séchée", "smen" (beurre rance) et autres mets qu'elle prépare chez elle à Sonoma, en Californie. Dans cette "route de la gastronomie" traditionnelle du Maroc, elle propose d'aller dans les souks du Haut Atlas, à la découverte du pain cuit sur la pierrade et des figues fraîches ajoutées dans le plat de couscous, à Marrakech, pour savourer la Tangia et le Méchoui, au Mellah pour s'approvisionner en épices, puis à Taddert au pied du Tiz-in-Tichka où les échoppes ne ferment jamais. Plus au sud, c'est dans les grands champs de Safran de Taliouine, qu'elle fait une halte pour un thé à la menthe au safran. "Un délice", dit-elle. Avant de redescendre et parcourir la plaine du Gharb pour goûter le miel à la fleur d'oranger ou se diriger vers l'Oriental pour déguster "Berkoukech", une soupe à base de semoule grossièrement roulée. Son livre, richement illustré de photographies, avec en couverture le marché coloré de Moulay Idriss, est une véritable cartographie du Maroc culinaire. Paula Wolfert est une "inconditionnelle" du Maroc, qu'elle découvre pour la première fois quand elle accoste à Casablanca, en provenance de New York, dans un navire battant pavillon yougoslave. Elle a 19 ans. C'est la fin des années 50. Elle vit sa période beatnik. A Marrakech, sur la place Jema El Fna, elle déguste la soupe à la vermicelle dans un bol "légèrement ébréché, qui a dû beaucoup servir". Et la magie prend !. Dans ce condensé de recettes, elle livre "tout ce qu'elle sait" sur la cuisine marocaine, tout ce que "j'ai appris durant 50 ans et partagé" avec ce pays dans lequel elle reviendra, quelques années plus tard pour s'installer sur les hauteurs de Tanger, avec son mari, William Bayer, un célèbre écrivain et ses deux enfants. Intarissable, elle "nous entraîne dans son monde fabuleux" à Tanger. Le Tanger de Paul Bowles. "J'ai découvert le Hamam avec son épouse, Jane", dit-elle en naviguant sur son ipad pour chercher la photo de sa maison aux tons bleu et blanc qui surplombe la Méditerranée. Cinq ans inoubliables à parcourir le pays d'Est en Ouest et du nord au sud, dans sa quête gastronomique. Elle réserve tout un chapitre aux épices et condiments. Un autre est entièrement dédié au Tagine, cet ustensile dont elle comprend mieux l'usage, et dont le couvercle conique donne à la cuisson cette saveur à part. "J'ai passé ma vie professionnelle à explorer la cuisine méditerranéenne", de l'Espagne à la Turquie, de la France, à la Tunisie en passant par chaque île et recoin de la Mare Nostrum, -elle a écrit six autres ouvrages et reçu les prix les plus prestigieux, dont le "Julia Child" et le "James Beard", équivalent des Oscars pour la gastronomie aux Etat-Unis -, elle restera toujours habitée par le goût et les arômes d'ici. Ce qu'elle découvre au fur et à mesure de ses pérégrinations à travers les régions du Royaume, "nulle part je n'ai trouvé l'équivalent de cette cuisine inimitable", dit-elle à la MAP, à laquelle elle dédicace ce livre "en souvenir de Tétouan et de la famille de Mehdi Benouna".