La situation se corse en Espagne aux plans social et économique. Le motif n'est autre que le passage d'un cycle de transition de prospérité à un autre de récession. Bien que les politiques et entrepreneurs évitent d'user cette terminologie, plusieurs indices démontrent que l'Espagne risque de traverser des moments difficiles et que toutes les prévisions de croissance avancées par le gouvernement soient revues à la baisse. A la suite de l'adoption, la semaine dernière, par le parlement d'une réforme constitutionnelle instituant le contrôle et les limites du déficit public, plusieurs secteurs se voient directement affectés dont l'éducation, l'emploi et les services d'assistance médico-sociale. Le premier signe de la crise sociale a été donné, mercredi, à Madrid par les centrales syndicales qui ont organisé une manifestation contre la réduction du budget destiné à l'éducation par le gouvernement régional de Madrid. Ce sont 50.000 personnes qui ont participé à une marche qui a eu pour slogan « l'éducation n'est pas une dépense, c'est un investissement. Non aux coupes ». Ce sont des mères, des pères, des élèves et de simples citoyens de tous âges qui ont parcouru les rues centrales de la capitale pour tonner les mots d'ordre rejetant la décision de prolonger de deux heures l'horaire des professeurs et licencier près de 3.000 autres suppléants. La marche a coïncidé avec le jour de la rentrée scolaire. C'est la première mobilisation inscrite à l'agenda des centrales syndicales pour forcer les gouvernements régionaux dirigés par le Parti Populaire à reconsidérer le recours à des mesures d'austérité dans l'éducation publique, a expliqué à Albayane un syndicaliste des Commissions Ouvrières (CC.OO), syndicat proche de la Coalition de la Gauche Unie. C'est aussi un appel au gouvernement régional de Madrid pour qu'il ouvre des négociations avec les syndicats des enseignants et abandonne cette mesure drastique, a indiqué un porte-parole de l'ANPE, un syndicat indépendant des professeurs. Outre l'enseignement, le marché du travail passe par des moments difficiles. Depuis 2007, les statistiques et rapports de conjoncture décrivent avec des termes pessimistes comment la dégradation des postes d'emplois hypothèque les espoirs de plusieurs millions de travailleurs, dont 35% sont des immigrés. D'après une récente étude, à laquelle a eu accès Albayane, le secteur du travail saisonnier s'est aggravé de 7,4% en 2011 à cause surtout de l'augmentation du nombre de contrats de durée limitée, qui serait de 25%. Cette étude, réalisée par le Cabinet d'Analyse de Secteurs DBK Espagne note que l'emploi saisonnier a généré en 2010 un volume de 2,15 milliards d'euros, soit une hausse de 11,7%. Cette tendance pourrait se maintenir en 2011 compte tenu de la conclusion de plus de 2,1 millions de contrats dans le secteur. L'étude retient particulièrement la chute de 10,8% du ciment préparé, un sous-secteur intimement lié au bâtiment qui emploie une abondance main d'œuvre. S'agissant du marché du travail, 80% des postes d'emploi détruits dans les trois dernières années à cause de la détérioration de la situation économique, étaient occupés par des jeunes de moins de 25 ans, ce qui a porté à 41% le chômage de cette catégorie de travailleurs, face au 20% de la moyenne européenne. La centrale syndicale Commissions Ouvrières, qui a rendu publique mercredi cette donnée lors d'une conférence de presse, a dénoncé la «précarité scandaleuse» de certains jeunes au marché du travail. La centrale syndicale a révélé que près de 35.000 bourses de formation des 200.000 existantes en Espagne sont entachées de «fraude» pour «camoufler» le chômage des jeunes. Un autre paramètre retenu pour prendre le pouls de l'économie espagnole est celui des plans de pension particuliers dont le volume a baissé de 1,21% en août dernier et de 3,42% depuis janvier. Ces plans financés par les individus à partir de leurs propres épargnes réunissent un total de 49,234 milliards d'euros déposés dans des entités financières privées (banques et caisses d'épargne). Selon les données d'un rapport parvenues à Albayane de VDOS Stochastics, une compagnie de capital espagnol spécialisé dans les services à entités financières, le recul des plans de pensions en août est dû à la baisse de rentabilité et au retrait de 68 millions d'euros par les épargnants. La rentabilité pondérée nette a diminué de 1,82% durant le même mois. De nombreux épargnants ont annulé leurs plans de pensions à la suite de la perte de leur emploi. La loi autorise le retrait des sommes épargnées dans ces plans à l'issue de deux ans de chômage. Enfin, la baisse des prix de logements, traduit le climat de récession qui plane sur l'économie espagnole. L'Institut Espagnol de la Statistique (INE), un organisme officiel, révèle dans son rapport de conjoncture, parvenu jeudi à Albyane, que ces prix ont baissé de 6,8% durant le deuxième trimestre de l'année en cours, soit la chute la plus forte depuis celle du deuxième trimestre de 2009 (7,7%). Cette chute s'explique par la baisse du nombre d'appartements vendus durant la même période qui se calcule sur la base de l'indice des Prix de logements (IPV). La baisse des prix dans ce secteur a commencé en 2007 dès les premiers symptômes de la crise de l'immobilier et du bâtiment. Toutes ces données, puisées dans des sources fiables, démontrent à quel point l'économie de l'Espagne peine à décoller en dépit des multiples mesures adoptées par le gouvernement socialiste et l'appui de l'Union Européenne. Les experts du gouvernement l'ont reconnu lorsqu'ils ont appelé, en 2010, à une réflexion sur un nouveau modèle économique basé sur la créativité et les nouvelles technologies de communication. En tout cas, le recours à un plan de sauvetage n'est pas une option immédiate.