Attendue à Jérusalem, la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice est arrivée lundi à Beyrouth pour une visite surprise, quelques heures après avoir appelé à un cessez-le-feu "urgent" au Liban, pour la première fois depuis le début de l'offensive israélienne dans ce pays. Sur le terrain, l'heure n'était pas à l'arrêt des combats, l'armée israélienne ayant au contraire étendu ses opérations terrestres dans le secteur oriental du sud-Liban, où de violents combats l'opposaient à la milice du mouvement chiite Hezbollah autour de la ville de Bint Jbeil. Selon la télévision du Qatar al-Jazira, deux soldats israéliens ont été tués lundi matin au Liban-sud. En outre, un hélicoptère militaire israélien s'est écrasé du côté israélien de la frontière pour des raisons inconnues. On ignorait s'il y avait des victimes. Le Hezbollah a peu après revendiqué avoir abattu cet hélicoptère. C'est dans ce contexte que Mme Rice est arrivée à Beyrouth peu avant 13h30 locales (10h30 GMT) par hélicoptère en provenance de Chypre, alors qu'elle avait quitté Washington pour se rendre officiellement à Jérusalem, où elle doit s'entretenir avec le Premier ministre Ehud Olmert et d'autres responsables israéliens. En route pour le Proche-Orient, Mme Rice avait tenu des propos qui tranchaient sur le discours officiel américain depuis le début de la crise. "Nous pensons qu'un cessez-le-feu est urgent", avait-elle déclaré à la presse à bord de son avion. Elle avait toutefois aussitôt ajouté qu'il était "important d'avoir les conditions pour qu'il (le cessez-le-feu) soit viable". C'était la première fois que les Etats-Unis, qui veulent la neutralisation du Hezbollah, appellaient à un cessez-le-feu au Liban, où plus de 360 personnes ont été tuées, dans leur immense majorité des civils, depuis le début du conflit, déclenché par la capture de deux soldats israéliens par la milice chiite le 12 juillet du côté israélien de la frontière. Sur la scène internationale, les Etats-Unis étaient de plus en plus isolés dans leur refus d'appeler à un cessez-le-feu. Les propos de Mme Rice sur "l'urgence" d'un cessez-le-feu avaient été précédés dimanche par une sévère critique contre Israël de la part d'un haut responsable de l'Onu. Parcourant les quartiers détruits de la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah, le secrétaire général adjoint de l'ONU pour les affaires humanitaires, Jan Egeland, visiblement surpris par l'étendue des dégâts, avait affirmé que les frappes israéliennes constituaient "une violation du droit humanitaire". "Il s'agit d'un usage excessif de la force dans une zone avec autant de citoyens", avait-il déclaré. Selon l'Onu, plus de 500.000 personnes ont été déplacées depuis le début de l'offensive israélienne, qui a imposé un blocus maritime, aérien et terrestre quasi-hermétique du Liban. Avant le départ de Mme Rice de Washington, le président américain George W. Bush avait reçu dimanche le chef de la diplomatie saoudienne, le prince Saoud al-Fayçal, pour lui demander de faire pression sur la Syrie, que Washington considère comme le véritable responsable du conflit actuel. A l'issue de l'entretien, qui avait eu lieu en présence de Mme Rice, le prince Saoud al-Fayçal avait appelé à un cessez-le-feu immédiat au Liban et avait dit que M. Bush était "très conscient des destructions et du bain de sang" dans ce pays et désireux de "parvenir à la fin des hostilités". Dimanche, douze personnes, dont neuf civils, avaient été tuées et 66 blessées dans les bombardements israéliens, portant à 362 le bilan des tués, dont 319 civils et 26 militaires. Dans le même temps, une centaine de roquettes tirées par le Hezbollah s'étaient abattues sur le nord d'Israël, tuant deux civils à Haïfa. Le bilan des victimes israéliennes était lundi de 39 morts depuis le 12 juillet, 17 civils et 22 militaires. L'enjeu est devenu beaucoup plus large que le sort des deux soldats israéliens enlevés par le Hezbollah en raison de la volonté d'Israël, soutenu par les Etats-Unis, de saisir cette occasion pour en finir avec le Hezbollah, qu'ils considèrent comme une organisation terroriste, et pour réduire l'influence de la Syrie et de l'Iran, les deux bêtes noires de Washington. Dans une interview publiée dimanche par le quotidien espagnol ABC, le ministre syrien de l'information, Mohsen Bilal, avait averti que "la Syrie entrera dans le conflit si Israël envahit le Liban par voie terrestre", Pour sa part, le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem, avait insisté sur une solution passant par "un cessez-le-feu" et un "échange de prisonniers". Par ailleurs, des milliers d'étrangers continuaient à fuir le Liban dans le cadre des opérations d'évacuation organisées par de nombreux gouvernements et qui arrive à son terme pour plusieurs pays, dont la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.