Une fanfare et des chœurs ouvriront la cérémonie d'investiture dont le point d'orgue sera le premier discours du nouveau président. Tant attendue, tant commentée, l'heure d'Obama a fini par arriver. À 12 heures précises aujourd'hui à Washington, George W. Bush cessera d'être président des États-Unis conformément à l'article 20 de la Constitution américaine. Sur la colline du Capitole, face à un Mall investi par des foules venues des quatre coins de l'Amérique et du monde, son successeur prêtera serment sur la bible historique qui servit à Lincoln lors de son entrée en fonction en 1861. Une demi-heure plus tôt, la cérémonie aura été ouverte par la fanfare du corps des marines puis des chorales de garçons et de filles de San Francisco. Le révérend Rick Warren, un évangéliste conservateur blanc de 54 ans, originaire de Caroline du Sud, dira alors une prière, un détail qui en dit long sur le rôle fondamental que continue de jouer la foi chrétienne au sommet du pouvoir américain. La voluptueuse Aretha Franklin, une diva noire connue pour sa voix profonde plongeant dans la tradition des Negro-spiritual, chantera alors face à la foule. Puis le vice-président Joseph Biden prêtera serment devant l'honorable John Paul Stevens, juge à la Cour suprême. Pendant quelques minutes encore, Barack Obama pourra méditer sur son discours et son destin exceptionnel, en écoutant un quatuor composé du violoniste Itzhak Perlman, du violoncelliste Yo-Yo Ma, de la pianiste Gabriela Montero et du clarinettiste Anthony McGill. Issu du quartier noir défavorisé de Chicago, aujourd'hui à 29 ans membre de l'orchestre du Metropolitan Opera, ce dernier évoque «cette occasion de toucher les gens par sa musique» comme «la plus extraordinaire chance de sa vie».
Neuf bals et trois dîners La fin du morceau du compositeur John Williams que joueront les quatre musiciens marquera le signal de la procédure d'investiture proprement dite de Barack Obama. C'est le président de la Cour suprême John G. Roberts Jr. qui lui fera prêter serment sur la bible de Lincoln. Des anges passeront entre les deux hommes qui ne s'aiment pas et se sont retrouvés en conflit ouvert, Barack Obama ayant été parmi les 22 sénateurs démocrates à s'opposer en 2005 à sa confirmation à la Cour suprême, rappelle le New York Times. À l'époque, Obama avait expliqué que sa décision n'avait pas été facile vu les impressionnantes qualifications de Roberts, mais il avait jugé que celui-ci «avait trop souvent utilisé ses formidables capacités au service des forts plutôt qu'à celui des faibles». Roberts et Obama ont tous deux été membres de la Harvard Law School, qu'ils ont terminé avec les félicitations du jury. Ils ont également tous deux été membres de la Harvard Law Review. Une fois la prestation de serment terminée, Barack Obama deviendra le 44e président des États-Unis d'Amérique. Face à son héros Lincoln, dont le mémorial blanc lui fera signe dans le lointain, il prononcera alors son discours. La poétesse Elizabeth Alexander, originaire d'Harlem, qu'il apprécie particulièrement et a lui-même invité à l'investiture, récitera alors un poème. La cérémonie sera close par le révérend Dr Joseph E. Lowery, un pasteur noir méthodiste du Sud profond, connu pour ses vues libérales et son combat ancien pour les droits civiques. Les commentateurs à Washington soulignent que la présence de Warren et de Lowery, tous deux amis très chers de Barack Obama, exprime le caractère quelque peu éclectique de son rapport à la foi et à Dieu. Ce choix délibéré de leaders religieux situés aux extrêmes, l'un en faveur du mariage homosexuel, l'autre résolument contre, n'est pas un hasard, souligne le journaliste Eli Saslow dans le Washington Post. Il révélerait le désir d'Obama de bousculer le monde des responsables de la foi pour les faire travailler ensemble et les pousser à renoncer au sectarisme.
«Nous ne ferons qu'un» Après la cérémonie, un grand déjeuner sera donné par le Congrès pour le président Barack Obama, Joe Biden, leurs familles et toute une série d'invités de marque. Un menu spécial Lincoln, avec crustacés et canard sauvage aux pommes, leur sera servi. La grande parade de fanfares militaires et de groupes de musique plus exotique commencera à 14 h 30, en présence du président. Outre les neufs bals officiels très sélects dans lesquels le président et sa femme Michelle pourraient apparaître ensuite, la soirée sera riche en bals populaires et mondanités privées à travers la ville de Washington, sortie pour l'occasion de sa torpeur un peu provinciale. Lundi, la tonalité était plus grave à l'occasion de la journée d'hommage à Martin Luther King, assassiné en 1968, à 39 ans, après avoir lancé le mouvement d'égalité des droits. Obama, qui s'est rendu dans un hôpital accueillant des blessés de guerre, avait enjoint la population à montrer sa «mobilisation» et son unité, à l'occasion de cette journée anniversaire traditionnellement consacrée aux bonnes œuvres. «Demain, nous nous rassemblerons et ne ferons qu'un, sur l'esplanade où le rêve de (Martin Luther) King continue de résonner. Par cela même, nous reconnaissons qu'ici en Amérique, nos destins sont inextricablement mêlés», a-t-il dit, solennel. Favorable à une coopération active avec l'opposition républicaine, il devait aussi faire une apparition lundi à trois dîners consécutifs organisés à son initiative : l'un en hommage à Colin Powell, l'ancien héros de la guerre du Golfe devenu le premier Noir à diriger la diplomatie américaine lors du premier mandat de George W. Bush, le second en l'honneur du concurrent malheureux au scrutin présidentiel, le républicain John McCain, et le troisième en l'honneur du vice-président élu Joe Biden, jugé exemplaire en matière de travail bipartisan.