On revient de nouveau sur ce phénomène des unités bidonvilloises qui sévissent toujours dans toute la zone d'Agadir. Rappelons, bien sûr, que cette situation déplorable ne date pas d'aujourd'hui. Elle est le résultat inéluctable d'une démission «profitable» du tandem autorités/élus durant plus de trois décennies. Cette déchéance coupable a pris de l'ampleur à Anza, à quelques sept kilomètres d'Agadir-ville. Maintenant, avec la prolifération suffocante de cette calamité qui ronge le tissu urbanistique local, la fermeté de l'Etat en matière de lutte contre les bidonvilles partout dans le royaume et, surtout, les remontrances du souverain adressées à plusieurs reprises aux responsables administratifset représentatifs de la ville, la machine de la démolition a pointé ses tentacules dans plusieurs points où s'éparpillent les constructions anarchiques. Démolitions en cascade D'un seul trait et sans aucun traitement au préalable du sort des familles, les décisions de destruction tombent énergiquement comme des couperets assassins, à un tel rythme que les opérations de recasement ne peuvent point suivre, pour la plupart des cas. Si à Bensergao, le redéploiement de relogement s'est déroulé sans trop de dégâts, même si des dépassements flagrants a accompagné le processus, le lotissement Hay Mohammedi, destiné dans sa globalité à résorber cette problématique, a été dénaturé de sa mission initiale, avec les agissements de détournement et de soudoiement qui empirent, et l'entrée en lice des promoteurs fonciers qui font fleurir des unités d'habitation gigantesques, cédées en noir et sans équipements sociaux. Toutefois, la grosse gangrène qui fera crever l'abcès n'est autre que le guêpier d'Anza. Là encore, on s'est précipité, il y a quelque temps de commencer par anéantir «Day Day», le premier bidonville implanté, des années durant, sous les yeux impuissants des habitants à qui on n'a pas encore trouvé des alternatives réalisables. En fait, on n'a fait que déplacer ce bidonville suranné vers d'autres nouveaux bidonvilles à Temsia, Biougra et autres, car les solutions imposées, sans concertation ni étude, ne prennent pas en considération les moyens et les capacités des concernés. Récemment encore, on a chargé les chioukhs et moqadems de faire le tour dans environ sept bidonvilles restant d'Anza pour faire circuler une information selon laquelle les autorités entameraient une campagne de démolition de ces bidonvilles vers la mi-septembre prochain. Panique, terreur, indignation s'installent dans le cœur des bidonvillois qui ne savent plus à quel saint se vouer. Reloger les «expulsés» Des milliers de «locataires» réagissent instantanément en organisant, le lendemain même, une imposante manifestation dans les rues du quartier en torpeur. Dans la soirée, ils forment un comité composé des représentants des bidonvilles en question et font appel au maire de la commune pour lui signifier leurs inquiétudes. La rencontre a été une occasion pour le responsable communal de leur réitérer son soutien, à condition qu'ils se montrent unis et solidaires (le souvenir du piège auquel il a été soumis au bidonville de «Day Day» plane toujours). Le lendemain encore, l'effondrement accidentel d'un ancien hangar au bidonville appelé Guening a causé la mort d'un adolescent et la blessure de trois de ses semblables. Les versions sur les causes de cet affaissement mortel sont diverses, en fonction de la situation de tout un chacun. Tandis que les Autorités avancent le fait que les victimes ont dû arracher des tuyaux qui font office de supports de soutien des toits pour les vendre comme objets de ferrailleries, les habitants des masures avoisinantes soutiennent le fait que la chute était l'effet direct de la démolition, il y a quelques temps, des taudis attenants et s'indignent du fait que cet hangar abandonné n'a pas été détruit à ce moment. En tout cas, le duel ne fait que commencer entre la machine infernale de l'Autorité qui s'apprête à vrombir et les bidonvillois horrifiés qui veulent voir plus clair, en toute garantie, leur futur dessein. Il faut dire aussi que la complexité et l'ambiguïté qui prévalent dans ce dossier épineux des bidonvilles à Anza rendent cette situation encore plus dramatique, du fait que les «familles bidonvilloises» se sont décuplées dans une seule baraque et, pis encore, nombre d'entre elles ont déjà bénéficié lors des opérations de recasement antérieures. Il faudrait se pencher sérieusement sur les solutions possibles et équitables, sans manière forte ni surenchère électoraliste, en procédant à la consultation des concernés sur la base des inscrits légitimes, et en amorçant des procédures de relogement souples et réalistes.