Après la Catalogne, c'était au tour de l'Andalousie d'approuver, hier par référendum, un nouveau statut d'autonomie. Suivra, dans les mois à venir, le vote populaire pour entériner ceux du Pays valencien, d'Aragon, de Galice, des Baléares et des Canaries. Celui du Pays basque devra attendre la disparition d'ETA, martèle le gouvernement central. Comme pour les autres scrutins, le parlement autonome d'Andalousie a mis au point un texte «consensuel», mais fruit d'âpres disputes entre les forces politiques. En l'occurrence, l'accent est mis sur la reconnaissance d'une «nationalité historique», l'égalité des sexes, «le droit à la dignité face à la mort» ou l'accès de tous aux nouvelles technologies. Centralisme. En soi, le résultat du vote ne présentait pas de suspens : le oui l'a emporté à près de 90 %. Seul le Parti andalouciste (PSA), un parti régionaliste minoritaire, a mené campagne contre le texte, regrettant qu'il ne qualifie pas l'Andalousie de nation dans son préambule, comme la Catalogne. Le nouveau statut, composé de 246 articles, détaille les attributs de l'identité andalouse (hymne, drapeau, fête) et établit Séville comme capitale, la deuxième du pays par sa population (7 849 799 habitants en 2005), mais l'une des plus pauvres. Depuis l'arrivée au pouvoir du socialiste José Luis Zapatero, en avril 2004, on parle de «deuxième transition». La première date d'il y a trois décennies, lorsque, à la mort du dictateur Franco, l'Espagne redevient une démocratie en coupant court au centralisme imposé par la force : désormais, les dix-sept régions espagnoles seront toutes des «communautés autonomes», dotées d'un parlement et d'un exécutif propres. Chacune élabore son statut d'autonomie, mais trois d'entre elles, auxquelles on reconnaît des «droits historiques», bénéficient de plus amples prérogatives : le Pays basque, la Catalogne et la Galice. «Fédéraliste» convaincu, José Luis Zapatero considère que ces statuts ont vieilli et que des «défis de notre époque» (immigration, nouvelles technologies, identités renforcées...) justifient pleinement de «nouveaux statuts d'autonomie». Attaqué par les conservateurs du Parti populaire (PP), héritiers du centralisme de l'ancien régime, Zapatero a même fait une priorité politique du plus polémique des textes : «l'Estatut», le statut d'autonomie de Catalogne. Avec son électorat fortement nationaliste (en partie même indépendantiste), cette riche région du Nord-Est est celle qui a ouvert la boîte de Pandore des «statuts d'autonomie». Depuis des années, ses dirigeants se disaient «lésés» vis-à-vis de Madrid. D'où le fait que l'Estatut définisse dans son préambule la Catalogne comme une «nation», s'accorde la gestion de plus de la moitié des impôts et confère au catalan le rang de «langue propre». Le texte a été adopté aux deux tiers par le parlement de Barcelone, l'an dernier, puis largement approuvé par référendum régional. Pendant ces longs mois de débat, les dirigeants du PP n'avaient cessé de rugir contre un texte qui «démembre l'Espagne» et «met le pays au bord de l'abîme», allant jusqu'à sortir dans la rue recueillir des signatures de rejet. La véhémente opposition de la droite espagnole à la refonte des statuts d'autonomie ne doit pas étonner. Elle souligne deux conceptions antagoniques de l'Espagne qui s'affrontaient déjà lors de la IIe République entre 1931 et 1936. D'un côté, on estime que, depuis le retour de la démocratie, les régions n'ont jamais bénéficié d'autant de prérogatives. Les conservateurs font valoir que «l'Espagne est aujourd'hui un des pays les plus décentralisés du monde» sans le service de la dette et la sécurité sociale, 68 % des dépenses publiques relèvent des régions et des municipalités. Pour le PP, l'actuelle Constitution (datant de 1978) est intouchable, faute de quoi l'édifice Espagne risque de s'effondrer. A l'inverse, la coalition de gauche (socialistes et communistes), soutenue par les nationalismes périphériques, estime qu'il faut «approfondir» le processus centrifuge du pays et magnifier son caractère «plurinational». Certains, surtout en Catalogne ou au Pays basque, souhaitent même un «Etat confédéral» dans lequel, par exemple, chaque région aurait sa représentation auprès de l'UE ou aux JO. Appétits . En dépit de la croisade du PP pour maintenir l'orthodoxie constitutionnelle, le précédent catalan a ouvert les appétits des autres régions, y compris celles dirigées par les conservateurs. Les Canaries se disent solennellement «archipel atlantique et région ultrapériphérique», et revendiquent un système fiscal aussi généreux que celui accordé à la Catalogne ; l'Aragon et Castille-la Manche exigent de gérer leurs ressources hydriques (surtout leurs fleuves) ; la Galice se débat entre «nationalité historique» et «nation»... C'est ce que l'on appelle ici la formule du café para todos («café pour tous») : si d'autres régions obtiennent des compétences (gestion des ports, des prisons, des aéroports), pourquoi pas la nôtre ? Le conservateur Francisco Camps, chef de l'exécutif valencien, a introduit dans le nouveau statut de sa région en discussion une clause qui en dit long : «Notre communauté pourra dans le futur réclamer toute compétence déjà obtenue par une autre communauté autonome...»