Le président américain George Bush a déclaré jeudi qu'une "nouvelle approche" de la question irakienne était nécessaire, mais a laissé entendre qu'il ne définirait pas cette nouvelle stratégie sur la simple base du rapport Baker. "Je crois que nous avons besoin d'une nouvelle approche", a-t-il dit lors d'une conférence de presse commune avec son allié britannique Tony Blair, au lendemain de la publication de ce rapport, qui prône une refonte totale de la politique américaine en Irak. "C'est pourquoi j'ai demandé au Pentagone de déterminer une voie pour avancer. C'est pour cette raison que le Premier ministre Blair est ici pour en parler, pour que nous puissions atteindre notre objectif, qui est celui d'un Irak capable de se gouverner, de se défendre, et d'être un allié dans la guerre contre le terrorisme", a dit Bush. Le Groupe d'étude sur l'Irak, commission bipartisane codirigée par l'ancien secrétaire d'Etat républicain James Baker et le démocrate Lee Hamilton, a notamment prôné dans son rapport un début de retrait des forces américaines d'Irak, associé à une ouverture diplomatique en direction de la Syrie et de l'Iran pour tenter de sortir de la crise. Il a exhorté l'armée américaine à centrer ses efforts sur la formation des militaires irakiens. Le rapport conseille par ailleurs au gouvernement américain de relancer le processus de paix entre Israël et ses voisins, en estimant que Washington ne parviendra pas à remplir ses objectifs au Proche-Orient sans s'impliquer dans la résolution de ce dossier. "BEAUCOUP DE CHOSES IMPORTANTES" Interrogé sur le calendrier de la mise en oeuvre des recommandations de ce rapport, George Bush a tenu à souligner que d'autres études étaient actuellement en cours au Pentagone, au Département d'Etat et au Conseil de sécurité nationale de la Maison blanche. "Il y a dans ce rapport beaucoup de choses importantes qu'il va nous falloir étudier sérieusement", a dit Bush. "Je ne crois pas que Jim Baker et Lee Hamilton s'attendent à ce que nous adoptions toutes leurs recommandations", a-t-il cependant ajouté. Les électeurs américains ont largement sanctionné la stratégie irakienne de l'administration Bush en privant les républicains de leur majorité au congrès lors des élections à mi-mandat de novembre. "Il nous faut avancer de la bonne façon et le rapport Baker-Hamilton va nous y aider", a dit Bush. Le rapport a notamment fixé au premier trimestre 2008 l'échéance à laquelle tous les soldats américains non impliqués dans les missions de formation de l'armée irakienne pourraient être de retour aux Etats-Unis. Bush n'a pas rejeté cette appréciation: "Cela me paraît sensé. J'ai toujours dit que nous voulions que nos forces soient rapatriées au plus vite. C'est un objectif important." Il s'est montré très réservé sur l'idée de discussions directes avec Téhéran et Damas, expliquant que l'Iran devait renoncer à ses ambitions nucléaires et que la Syrie ne devait pas déstabiliser le Liban. Il est apparu ouvert quant à l'inclusion de ces deux pays dans un groupe régional de soutien à l'Irak s'ils prenaient conscience de leurs responsabilités, à savoir "ne pas financer les terroristes, aider cette jeune démocratie à s'imposer et aider l'économie irakienne". S'il n'a pas directement reconnu de lien entre la guerre en Irak et le conflit israélo-palestinien, le président américain a souligné que la stratégie de son administration sur le dossier israélo-palestinien s'inscrivait dans le cadre d'un combat plus large contre l'extrémisme au Proche-Orient. BLAIR AU PROCHE-ORIENT "Il faudra des efforts concertés pour faire avancer la cause de la paix au Proche-Orient", a déclaré Bush aux journalistes. Le locataire de la Maison blanche, qui ne s'est jamais impliqué de tout son poids dans le processus de paix au Proche-Orient, a donné l'impression d'être satisfait de laisser à Blair le soin d'effectuer le prochain geste sur ce dossier. "Le Premier ministre Blair m'a informé qu'il allait bientôt se rendre au Proche-Orient pour discuter avec les Israéliens et les Palestiniens", a dit Bush. "J'appuie cette mission." De son côté, le chef du gouvernement britannique s'est expliqué: "Je crois qu'en avançant ainsi, nous adressons un message très fort à la région, mais aussi au reste du monde, pour leur montrer que nous ne faisons pas deux poids deux mesures et que nous sommes justes dans l'application de nos valeurs." Certains experts pensent que Tony Blair, qui a plusieurs fois alerté Washington sur la nécessité de redoubler d'efforts sur le dossier israélo-palestinien et qui est l'objet de vives critiques dans son pays pour son alignement sur Washington dans le dossier irakien, pourrait tirer parti des recommandations de la commission Baker, même si sa marge de manoeuvre dans ce dossier est très étroite. "Il peut en tirer quelque chose. Il pourra dire qu'on l'a écouté, que l'idée qu'il y a quelque chose à faire est reconnue et que l'occasion se présente de le faire", a dit Rosemary Hollis, spécialiste des questions proche-orientales au centre d'études Chatham House. "Mais je ne pense pas qu'il soit un acteur majeur de ce qui se joue dans ce rapport. Il concerne principalement la politique américaine et les conséquences des élections américaines."