Une colonne de rebelles tchadiens venue de l'est se dirigeait dimanche vers N'Djaména, a-t-on appris de source diplomatique française, quelques heures après l'annonce de la reprise de la ville orientale d'Abéché par les forces armées tchadiennes. Un diplomate français a indiqué que l'ambassade de France à N'Djaména avait diffusé à ses ressortissants un message disant qu'un convoi de rebelles traversait la province de Batha et serait à au moins 250 km de la capitale tchadienne. "Il est difficile de chiffrer le nombre de véhicules. Ils pourraient être aussi bien une dizaine que de 60 à 80", a dit le diplomate. Le message transmis aux ressortissants français leur conseille aussi de rester chez eux à la tombée de la nuit, a-t-il ajouté. L'annonce de la progression vers N'Djaména d'une colonne de rebelles fait craindre aux habitants une attaque de la capitale similaire à celle d'avril dernier, qui avait fait des centaines de morts. Des témoins ont fait état d'un nombre inhabituel de soldats et de véhicules militaires dans la capitale tchadienne et du passage de véhicules militaires se dirigeant vers la sortie est de la ville. Le ministre de la Défense Bichara Issa Djadallah et des membres d'ONG avaient annoncé peu auparavant la reprise par les forces armées tchadiennes du contrôle de la ville d'Abéché après le départ des rebelles qui l'avaient investie la veille. Samedi, les rebelles de l'Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD) avaient pris le contrôle d'Abéché, à 160 km de la frontière soudanaise, et les forces gouvernementales avaient expliqué s'en être retirées pour éviter que des civils soient victimes de combats. PILLAGES A ABECHE "Abéché a été reprise dans sa totalité. Les rebelles sont partis à 04h00 (03h00 GMT) ce matin", a déclaré Djadallah à Reuters, à N'Djamena. Des employés d'ONG ont rapporté qu'un hélicoptère de l'armée tchadienne avait survolé la ville dimanche matin avant de regagner la base aérienne d'Abéché, dont des forces françaises assurent la sécurité, et qu'aux premières heures une douzaine de véhicules militaires avec à leur bord des soldats tchadiens étaient entrés dans la ville. L'armée française, qui dispose d'une base et de 150 hommes à Abéché, y a accueilli pendant la nuit des étrangers résidant dans la ville et fuyant les combats, a-t-on indiqué au ministère français de la Défense. "Les troupes françaises sont restées à l'intérieur du camp de Croci, à côté de l'aéroport", a précisé le commandant Chistophe Prazuck. "On reste dans le périmètre de la mission des troupes françaises au Tchad, déterminée depuis des semaines et on n'en est pas sorti, c'est-à-dire un soutien logistique et d'échange d'informations avec les autorités tchadiennes", a-t-il ajouté. Il ne semble pas rester de rebelles dans la ville et aucun combat n'a été signalé, mis à part quelques coups de feu tirés dans un quartier Est, mais des civils continuaient de piller les stocks de vivres destinés aux personnes déplacées. "La ville d'Abéché est calme actuellement. Ce matin, on a entendu des tirs, mais sans ripostes", a déclaré à RFI Claire Bourgeois, responsable du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) dans l'est du Tchad. "Malheureusement, après les bâtiments administratifs et le pillage des entrepôts du PAM (Programme alimentaire mondial) où sont entreposés la nourriture de l'assistance alimentaire pour les réfugiés, les personnes déplacées, les entrepôts du HCR sont en train d'être pillés également et, malheureusement (...) nous n'avons aucun moyen de réagir", a-t-elle dit. MULTIPLICATION DES ATTAQUES Abéché est située près de la principale route menant à la capitale, à 600 km à l'ouest. Elle sert de base à des organisations internationales qui portent notamment secours à quelque 200.000 Soudanais qui se sont réfugiés dans l'est du Tchad pour fuir les violences dans la province soudanaise du Darfour. Quelques heures après l'attaque d'Abéché par l'UFDD, un deuxième groupe de rebelles, le Rassemblement des forces démocratiques (RAFD), a dit avoir pris le contrôle de Biltine, à une soixantaine de kilomètres au nord, à la suite de brefs accrochages avec des soldats gouvernementaux. Selon une source gouvernementale à N'Djamena, les forces gouvernementales ont repris dans la nuit le contrôle de Biltine après le départ des rebelles. Cette information n'a pu être confirmée de source indépendante. Des rebelles de l'est du Tchad ont lancé cette année une série d'attaques contre des localités frontalières, des villes stratégiques et même N'Djamena. Le Tchad accuse le gouvernement de Khartoum de chercher à "exporter" les violences du Darfour sur le territoire tchadien, ce que démentent les autorités soudanaises. Ces dernières semaines, l'attaque de localités de l'est du Tchad par des cavaliers arabes a entraîné la proclamation par le gouvernement du président Idriss Déby de l'état d'urgence dans l'est du pays et à N'Djamena.