Après la rupture du jeûne, nombreux sont les gadiris qui choisissent de passer d'agréables moments ou de manger aux abords du port. Il est 10h, en ce deuxième jour du Ramadan. A l'instar de toutes les villes marocaines, Agadir renoue avec l'ambiance nocturne de ce mois sacré. Les voies publiques du centre-ville et les cafés ne désemplissent pas jusqu'au dernier repas (shour). Tout près de l'entrée du port, des files interminables de voitures affluent, s'éparpillent un peu partout sur une place non aménagée d'en face pour que des familles, enfants, solitaires se ruent vers l'un des lieux de prédilection des Gadiris, friands de produits de mer. C'est comme on l'appelle ici communément, Lmarssa. Dès l'entrée, les visiteurs sont abordés par des jeunes qui essaient, de les rabattre vers leurs patrons qui tiennent les multiples gargotes spécialisées dans la préparation de poissons et fruits de mer. "On reçoit tout le monde; les Gadiris, les gens de passages et surtout en période de haute saison touristique des français, allemands, anglais" nous renseigne Bijdiguen, ancien gérant d'une gargote. Il s'agit en fait de petits carrés très exigus où se tient une seule personne à peine entre son attirail de cuisson. Devant, sont aménagées des tables longues et basses sous forme de dalles, entourées de longues planches rehaussées tenant lieu de chaises. Au-dessus de chaque local est brandi en gros le nom ou le numéro de série du propriétaire. Dès l'arrivée des clients, les rabatteurs crient à qui veut l'entendre " 35, 35, 27, 27 ; chez Lahcen ; chez Ahmed, poissons frais "à vous crever les tympans. Mais pour les habitués, ce vacarme ne les importune plus. Sauf que, parfois des échauffourées violentes éclatent entre ces rabatteurs qui s'arrachent les arrivants, au vu et au su de tous ; et " il arrive souvent qu'on est écoeuré devant ce spectacle; des noms d'oiseaux se lancent effrontément entre les antagonistes sans égard aucun à la présence de parents", s'indigne un père accompagné de ses enfants. Pour les nouveaux arrivants, un tour des lieux est de rigueur pour s'enquérir des prix et menus proposés. Après le "deal", on s'assied et on attend que le plat soit mijoté. "Ici, on vous sert des poissons frais achetés directement au port: sardine, hareng, merlan, sole, raie Les fruits de mer, crevettes, homard, langouste, pieuvre "souligne un jeune gérant. Les produits de mer sont souvent commandés frits dans de l'huile. Pour d'autres, les poissons passés au gril restent leur préférence. D'autres, dans un souci diététique, exigent qu'ils soient cuits enrobés dans du papier aluminium. Des femmes vous proposent, tout près, avec le sourire, une bassine et du détergent pour vous laver les mains en contrepartie de quelques pièces. Quant aux prix, le service est, évidemment, moins cher que dans les restaurants de luxe en bordure de la plage. Cependant, en période estivale de grandes affluences, les prix grimpent du simple au double. En ce mois de Ramadan, le poisson connaît un engouement de par sa digestion facile. Par ailleurs, comme nous l'explique un père accompagné de sa famille, "on vient souvent manger ici, pour décharger les femmes des nombreuses et successives préparations culinaires que leur inflige le rythme des repas en ce mois sacré". Un couple, lui, en plus de la convivialité qu'offrent les lieux, profite de leur proximité de la côte où il se donne, après le dîner, une virée "digestive" avant de rentrer chez lui. Les visiteurs auront du reste droit aux spectacles de chants donnés, au moment du dîner, par des musiciens, se faufilant entre les hôtes pour offrir des moments de divertissement contre quelques dirhams glanés ici et là. Des chansons berbères reprises en choeur, celles, notamment, du chanteur gadiri Abdelhadi Izenzarne, d'Oudaden, Jerra et Chaabi, donnent une couleur de fête à la place. Une ambiance qui dure jusqu'à l'heure du Shour. Après, ces lieux se vident pour retrouver le calme toute la journée, un long répit avant une nouvelle nuit ramadanesque.