LIBAN Face à une foule imposante de ses partisans, le chef du Hezbollah affirme disposer encore de 20 000 roquettes. Viendra, viendra pas… Jusqu'à la dernière minute, les partisans du Hezbollah et leurs alliés ont retenu leur souffle. Puis brusquement, l'immense clameur de la foule aussitôt suivie de centaines de milliers de voix criant à pleins poumons «Allah O Akbar» L'homme à la barbe noire fournie, coiffé du turban noir des descendants du Prophète, celui qui depuis le 12 juillet dernier est dans le collimateur d'Israël et vit terré dans son bunker, est finalement sorti, hier, au grand jour. Entouré de ses gardes du corps, Hassan Nasrallah, souriant, a levé les bras et salué la foule de ses partisans. Son apparition a été suivie d'un lâcher de ballons et de cotillons jaunes, la couleur fétiche du Hezbollah. Brandissant ses portraits et des drapeaux du «Parti de Dieu», les manifestants s'étaient rassemblés devant une immense estrade. Au-dessus de leurs têtes, les oriflammes ont formé une véritable marée jaune et se mélangeaient aux bannières de l'Etat libanais. Forte mobilisation chiite Tout autour du rassemblement monstre, et sur des dizaines de kilomètres, drapeaux, T-shirts, casquettes et portraits se sont répandus dans la banlieue sud de Beyrouth, fief de la communauté chiite. Partis pour certains depuis jeudi soir, les sympathisants du Hezbollah ont convergé à pied, en voitures et en autobus, vers ce lieu devenu mythique, depuis qu'il a été durement frappé pendant l'offensive israélienne de juillet et août. Mais la mobilisation s'est faite dans la bonne humeur, et des jeunes gens et jeunes filles dansaient et chantaient. Paraissant comme revigoré par les ovations de ses partisans, Hassan Nasrallah a tenu le micro pendant plus d'une heure. Pour cette première apparition publique de son chef, le service d'ordre n'a pas lésiné sur les moyens. Bien à l'abri derrière une vitre pare-balles, seule sa tête et son bras droit apparaissaient à la tribune. Il s'est lancé dans une longue intervention sur un ton déterminé, en élevant souvent la voix pour la plus grande satisfaction de son auditoire. «Victoire divine» «Nous avons remporté une grande victoire divine, historique et stratégique, a-t-il lancé. Comment cette poignée de moujahidine aurait pu vaincre l'armée la plus forte et la mieux équipée de la région sans l'aide et l'appui de Dieu…». Pour le reste, le chef du Hezbollah a réaffirmé ce dont tous les Libanais se doutaient: le parti ne renoncera pas à son arsenal «tant que l'Etat n'est pas en mesure de défendre le Liban contre Israël». Hassan Nasrallah, qui a affirmé disposer encore de 20 000 roquettes, a préconisé l'édification préalable d'un «État fort, juste, qui protège la patrie et les citoyens». Pour lui, le problème des armes se résoudra tout seul par la suite, «sans même avoir besoin de recourir à la table de négociation». Si le rassemblement d'hier a constitué une preuve irréfutable du poids politique du Hezbollah sur la scène locale, il n'en demeure pas moins qu'à l'instar de toutes les autres formations libanaises, sa faiblesse réside dans sa forte connotation communautaire. Chrétiens, sunnites et druzes ont dans leur grande majorité boudé l'événement, à leurs yeux trop marqué du label chiite. Enfin, les Israéliens, qui auraient dû achever hier leur évacuation du Sud Liban, ont préféré la reporter de quelques jours. Sans doute pour ne pas avoir l'air de céder un peu plus devant le parti de Nasrallah.